I

LINGUISTIQUE GÉNÉRALE

INTRODUCTION

La linguistique est une jeune discipline : elle est pratiquement née à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Cela ne veut cependant pas dire que le langage n'a pas été étudié auparavant; au contraire; il l'a beaucoup été : d'une part, par la philosophie ou la grammaire philosophique, de la philosophie antique à la philosophie moderne et contemporaine en passant par la philosophie médiévale (scolastique ou non) et par la philosophie classique, d'autre part, par la logique, que celle-ci soit une sémantique, une syntaxe ou une pragmatique. Ce qui préoccupe et occupe -- pour simplifier -- la logique et, plus tard, la philosophie (analytique) du langage, c'est d'abord et avant tout le problème de la vérité, de la vérité entendue comme adéquation du mot à la chose; de la proposition au fait ou de l'énoncé à la réalité; c'est-à-dire que le référent, ce à quoi l'on se réfère ou ce à quoi l'on renvoie, y est un objet privilégié. Mais, nulle part, la question -- la mise en question, voire la remise en question -- de la vérité comme rectitude ou comme certitude n'est vraiment soulevée...

Par ailleurs, les langues naturelles ont depuis longtemps été l'objet d'étude de la philologie et de la grammaire comparée. La philologie et la grammaire comparée peuvent être considérées comme étant une sorte de pré- ou de proto-linguistique; mais dans la comparaison d'un maximum de langues, elles ne sont pourtant pas arrivées à proposer un concept scientifique de langue. Généralement aussi, le vocabulaire -- souvent limité à l'étymologie ou à la terminologie -- y a le dessus sur la grammaire et une grammaire du mot, sur une grammaire de la phrase.

Ce qui distingue la linguistique, de la philosophie et de la logique d'une part, de la philologie et de la grammaire comparée d'autre part, c'est qu'elle propose un concept scientifique de langue; ce qui l'amène à rompre autant avec le sémantisme et le logicisme du référent qu'avec le phonétisme et le comparatisme du signe (surtout écrit). La naissance de la linguistique correspond, même si elle n'y est pas réductible, à la rupture entre la phonétique et la phonologie :

PHONÉTIQUE -----> SONS DES LANGUES

PHONOLOGIE ----->PHONÈMES DE LA LANGUE

En même temps, la linguistique est l'évolution scientifique de la grammaire; évolution qui ne va pas sans un certain rejet de l'histoire et donc une rupture avec la philologie et la stylistique qui en dépend. Pour la linguistique scientifique, la langue se distingue du langage et du discours; elle est un système de règles et de lois grammaticales ou de contraintes; c'est une structure schématique rendant possible le discours et rendu possible par le langage, par la faculté de langage. La langue, c'est ce qu'il y a de commun à un maximum de discours; c'est le schéma de différents usages; ce schéma est d'abord une forme. Les éléments de la langue n'ont de valeur que par leur identité; la pertinence leur vient de la différence qu'il y a entre leurs traits. En outre, le système qu'est la langue est synchronique : c'est un certain nombre d'éléments caractéristiques d'un espace et d'un temps précis; il n'est pas diachronique, soumis à la genèse ou à l'histoire de cette prise de parole qu'est le discours. L'objet de la linguistique sera donc défini comme étant l'étude du langage à travers les langues naturelles, dont l'une des principales caractéristiques est qu'elles sont parlées, c'est-à-dire articulées. Toute langue naturelle peut être envisagée comme langue ou comme discours, comme signification ou comme communication; mais ce qui caractérise le langage humain, c'est qu'il n'y a pas de communication sans signification, pas de discours sans langue. De là, peuvent être distinguées les diverses composantes de la linguistique. La grammaire est le tronc, si non les racines, de la linguistique.

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Christian Baylon et Paul Fabre. Initiation à la linguistique avec des travaux pratiques et leurs corrigés. Nathan (Université Information Formation : Linguistique générale). Paris; 1975 (2 + 190 p.) [p. 8-10 et p. 17-21].
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Sans nous y attarder ici, il n'est pas inutile d'énumérer les différents courants qui ont fait école en linguistique au XXe siècle, tout au moins ceux qui sont issus ou tributaires du structuralisme :
1°) la linguistique structurale (au sens restreint) :
. la linguistique sémiologique [Saussure]
. la linguistique phonologique [Cercle de Prague : Jakobson, Troubetzkoy]
. la glossématique [Hjelmslev, Brøndal, Togeby]
. la psychomécanique [Guillaume, Pottier, Martin, Joly, Kleiber]
2°) la linguistique fonctionnelle [Martinet; Mounin]
3°) la linguistique distributionnelle [Bloomfield]
4°) la grammaire générative (transformationnelle ou non) [Harris, Chomsky, Jackendoff, Milner]
5°) la grammaire cognitive [Langacker; Lakoff]
6°) la grammaire textuelle (littéraire ou non)
. la grammaire énonciative [Culioli, Lafont]
. la grammaire interprétative [Rastier]
. la grammaire discursive [Benveniste, Weinrich, Genette]
. la grammaire sémio-narrative [Greimas]
A travers ces courants ou ces écoles; se distinguent aussi les méthodes ou les champs de l'ethnolinguistique, de la sociolinguistique, de la psycholinguistique et de la neurolinguistique; toutes méthodes dont il ne sera guère question ici... Ce qu'il s'agira plutôt de discuter, ce sont les théories linguistiques qui sont présupposées par ces méthodes, ces champs, ces écoles et ces courants.

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Baylon et Fabre, Initiation à la linguistique [p. 69-81].
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1. THÉORIE DU LANGAGE

Le langage est l'apparaître -- l'évidence -- du phénomène, qui est lui-même l'apparition de l'être; en ce sens, le phénomène est langage. Le monde ou l'étant, lui, est le paraître -- l'apparence et la présence : l'existence -- du phénomène. Que le phénomène soit le langage de l'être et l'être du langage, là est le sens comme langage et comme monde, comme oralité et comme animalité. Il ne faut donc pas confondre le sens et la signification, non plus que la signification et la communication.


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Jean-Marc Lemelin. Oeuvre de chair; de l'âme et du corps. Ponctuation/Triptyque. Montréal; 1990 (132 p.) [surtout p. 113 et ss].
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1.1 LA COMMUNICATION ET LA SIGNIFICATION

Le langage humain se distingue du langage animal en ce qu'il est à la fois langue et discours et à la fois signification et communication; c'est ce que l'on appelle sa double articulation. Les animaux ne parlent pas, ne signifient pas; mais ils communiquent quand même, par des cris, des regards, des mimiques, des gestes, des actes, etc. : la communication est la première articulation du langage et elle n'est donc pas spécifique du langage humain; elle en est la condition nécessaire mais insuffisante. Pour l'animal, il y a communication sans signification. Or, le langage humain n'est pas que communication et ce qui le caractérise comme langage et comme humain, c'est la deuxième articulation, c'est-à-dire la signification; c'est la signification qui rend possible le langage humain : à l'homme, il est impossible de communiquer sans signifier. Pour l'homme, il n'y a pas de communication sans signification.

La signification est au sens ce que la langue est au langage : elle en est le code et le medium... Par ailleurs, la double articulation ne distingue pas seulement le langage humain du langage non humain ou autrement animal; elle distingue aussi les langues naturelles des langues artificielles, des langages formels de l'informatique. Dans la mesure où ce serait possible -- et ce l'est peut-être, avec les risques que cela comporte pour l'homme --, les langages formels n'ont que la deuxième articulation : ils signifient sans communiquer; c'est le propre du langage digital par rapport au langage verbal, qui est à la fois digital et analogique. C'est ainsi que la théorie mathématique de l'information ou la théorie cybernétique de la communication confondent ou assimilent la communication à une certaine signification, à la signification certaine qu'est l'information, c'est-à-dire le message; or, la signification n'est pas simplement transmission d'information.

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Baylon et Fabre. Initiation à la linguistique [p. 29-39].
André Martinet. Éléments de linguistique générale. Armand Colin (U Prisme # 28). Paris; 1970 (224 p.) [surtout p. 6-27].
Georges Mounin. Clefs pour la linguistique. Seghers. Paris; 1971 [1968] (192 p.) [surtout p. 33-67].
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La communication ne se confond pas avec le langage; le langage n'est pas que communication, mais il n'y a pas de communication sans langage, même s'il peut y avoir langage sans communication : la communication est le faire-savoir du langage. De même, le langage n'est pas seulement le langage verbal, c'est-à-dire la langue : la langue est le savoir-faire du langage. Il faut donc bien distinguer le langagier et le linguistique, celui-là incluant celui-ci. Si le langage humain n'est pas uniquement le langage verbal, est-ce que cela veut dire que la double articulation caractérise le langage humain ou le langage verbal? Le langage musical et le langage pictural, par exemple, sont-ils doublement articulés? -- D'une certaine manière, l'on peut trancher, ou bien en leur supposant, surtout à la musique, une seule articulation -- mais laquelle? la musique est-elle signification sans communication (poésie?) ou communication sans signification (magie?) --, ou bien en leur attribuant plus de deux articulations. De cette façon, il n'y aurait de langage (humain) que le langage verbal (parlé ou écrit), que la langue -- ce qui n'est finalement que la confusion du langage et de la langue, du sens et de la signification, et qui ne sera pas retenu ici... Il s'agit plutôt de proposer qu'il y a des langages non verbaux, comme il y a des langages non humains; ils ne font pas l'objet de la linguistique, mais cela ne veut pas dire que ce ne sont pas des langages et que certains ne sont pas doublement articulés. En outre, le langage verbal peut ne pas être vocal mais graphique, quand il est écrit, l'écrit ne s'opposant pas à l'oral mais au parlé; le langage peut même être vocal sans être verbal, quand il est gazouillis ou cri, pseudo-langage. Par contre, le langage verbal est inséparable du langage gestuel et donc, à la limite, de l'écriture au sens large de trace, le verbal se rapprochant du musical et le gestuel du pictural (graphique, iconique, plastique, etc.). Il n'y a d'homme que lorsqu'il y a réunion ou rencontre du verbal et du gestuel, de l'oralité et de l'animalité, du langage et du monde. Ce que l'on appelle esprit n'est rien d'autre que cette rencontre caractéristique du langage humain; pour l'homme, le langage est aussi l'art de la pensée à travers le temps et l'espace.

1.1.1 Les facteurs et les fonctions de la communication (verbale)

Le langage verbal, qu'il soit parlé ou qu'il soit écrit, est en partie communication; ce degré de communication peut varier d'une situation à une autre : il peut être très élevé dans une conversation ou un dialogue et il peut être très bas dans un cours ou un monologue. La communication verbale est une situation constituée par plusieurs facteurs caractéristiques; une fonction de communication est le rôle que joue un facteur ou sa mise en oeuvre et l'effet qui en résulte dans la situation.

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Roman Jakobson. «Linguistique et poétique». Essais de linguistique générale. Minuit (Points # 17). Paris; 1963 (258 - 2 p.) [p. 209-248].
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1.1.1.1. Le site et la function dénotative

Le site, c'est ce qui est en question, c'est ce dont il est question; c'est de quoi ou de qui l'on parle : c'est le communicant de la troisième personne ou la troisième personne grammaticale. Le site peut être verbal ou non, linguistique ou extra-linguistique. Le site linguistique, c'est le contexte, qui comprend le texte, c'est-à-dire ce qui est repéré, et le cotexte, c'est-à-dire ce qui le repère (à gauche ou à droite, avant ou après) du texte; selon le découpage ou la segmentation, le texte peut être une syllabe, un mot, une phrase, un paragraphe, un poème, un roman, etc. : sa longueur est inversement proportionnelle à celle du cotexte. Le site extra-linguistique, c'est le monde humain et non humain, animal et non animal; c'est le référent.

Le référent peut être quelqu'un ou quelque chose. Le rapport entre le (co)texte et le référent est la référence sémantique ou logique, alors que le rapport entre le texte et le co(n)texte ou la situation d'énonciation est le repérage grammatical; le repérage ne concerne donc pas uniquement le site et la référence est un élément du repérage...La fonction dénotative, dite aussi référentielle ou cognitive, est la fonction de communication centrée sur ce facteur qu'est le site; elle est dominée par la transmission d'information or par la dénotation. Elle domine l'épopée et le roman traditionnel en littérature fictionnelle, l'essai en littérature non fictionnelle, l'information journalistique des nouvelles, un art non littéraire comme la peinture figurative et la photographie ou l'illustration. La fonction dénotative est concentrée sur les noms, qui sont toujours de la troisième personne, et sur le pronom personnel "il", qui est le principal débrayeur et qui est la personne délocutive (ou non interlocutive). La fonction dénotative est donc la fonction de délocution, c'est-à-dire de débrayage, de la communication verbale.

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André Joly. «Personne et acte d'énonciation». Essais de systématique énonciative. Presses Universitaires de Lille (Psychomécanique du langage). Lille; 1987 (336 p.) [p. 59-122].
Jean-Marc Lemelin. «Langue(s), discours, parole». La puissance du sens; pour une théorie du langage : essai de pragrammatique. Ponctuation. Montréal; 1985 (204 p.) [p. 19-57].
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1.1.1.2. Le destinateur et la fonction émotive

Le destinateur, c'est celui ou ceux qui envoient un message :
. s'il parle, c'est un locuteur;
. s'il écrit, c'est un scripteur;
. s'il raconte, en parlant ou en écrivant, c'est aussi un narrateur (observateur et informateur).
C'est un émetteur-énonciateur : c'est le communicant de la première personne et c'est donc l'origine -- l'embrayage -- de la situation de communication; celle-ci ne se confondant pas avec la situation d'énonciation, dont l'origine peut bien être le débrayage... L'acte de langage est un acte de locution -- parler -- qui est à la fois allocution -- parler à -- et illocution -- parler pour -- et c'est là la destination de l'énonciation : la première personne (locutive) et la deuxième personne (allocative) sont dans un rapport interlocutif.

La fonction émotive (ou expressive) est la fonction de communication centrée sur le facteur qu'est le destinateur; elle est dominée par l'émotion ou l'expression (avec ou sans intention). Impression, elle domine le poème lyrique en littérature fictionnelle, les mémoires, le journal intime, la confession ou l'autobiographie en littérature non fictionnelle, le courrier du lecteur et un art non littéraire comme la musique chantée ou dansée. Concentrée sur le pronom de la première personne, sur "je" ou "nous" et d'autres embrayeurs, la fonction émotive caractérise l'expression émotionnelle, c'est-à-dire l'élocution en tant que celle-ci est marquée par l'exclamation ou l'interjection ou par l'intonation; l'intonation est l'articulation expressive -- le rythme, le débit, l'accent, le tempo -- de l'élocution. Alors que la fonction dénotative est débrayage et détente, la fonction émotive est embrayage et tension, attente et entente, et elle est ainsi toujours renvoi à la situation d'énonciation, comme l'est la fonction conative.

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Catherine Kerbrat-Orecchioni. L'énonciation; de la subjectivité dans le langage. Armand Colin (Linguistique). Paris; 1980 (290 - 2 p.)
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1.1.1.3. Le destinataire et la fonction conative (ou vocative)

Le destinataire, c'est celui ou ceux à qui le destinateur envoie un message :
. s'il écoute, c'est un allocutaire;
. s'il lit, c'est un lecteur;
. s'il est celui à qui on raconte une histoire, c'est un narrataire.
C'est un récepteur-énonciataire et c'est le communicant de la deuxième personne, évidemment susceptible de prendre la parole à son tour et de devenir première personne; c'est pourquoi le destinateur et le destinataire sont des interlocuteurs, des co-locuteurs ou des co-énonciateurs. Dans l'interlocution, la fonction conative, dite aussi vocative ou impérative; est centrée sur le destinataire; elle est dominée par l'invocation, la convocation ou la provocation. Si, dans cette interpellation, l'interlocution vise à faire agir ou réagir le destinataire; elle est alors perlocution. La fonction conative domine la pièce de théâtre en littérature fictionnelle, la correspondance en littérature non fictionnelle, la prière, le courrier du coeur, la chronique, l'éditorial, le sermon, le discours politique, l'annonce publicitaire, la recette, le mode d'emploi et sans doute un art non littéraire comme la bande dessinée. Il peut y avoir action sur le destinataire par l'argument, la directive, le conseil, l'ordre, la menace, etc. Nommer, prénommer, s'adresser sont des vocatifs caractéristiques de la fonction conative, ainsi que des impératifs. La fonction conative est concentrée sur le pronom de la deuxième personne, "tu" ou "vous" et leurs marques. Les fonctions conative, émotive et dénotative constituent le tronc de la situation d'énonciation, qui (dé)borde toute la (situation de) communication. Ce qui veut dire que l'information contenue dans le message n'est qu'un élément dans toute cette situation et que le site, donc le contexte, fait partie de la situation; le site est le prétexte de la situation. Les trois dernières fonctions concernent le site ou l'ensemble de la situation.

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Francis Vanoye. Expression Communication. Armand Colin (Collection U). Paris; 1973 (242-2 p.)
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1.1.1.4. Le message et la fonction connotative

Le message est l'objet de la communication; il en est le contenu contextuel et la forme textuelle. La fonction connotative, dite aussi fonction poétique, rhétorique ou esthétique, est centrée sur le message et plus particulièrement sur sa forme textuelle; elle est concentrée sur le message en tant que tel... La fonction connotative, en partie caractéristique de la poéticité, ne spécifie pas la littérature : il ne faut pas confondre la poéticité et la littérarité, ni non plus la littérarité et la littérature. Dominée par la répétition ou la redondance de l'information, la fonction connotative domine la poésie en vers, les slogans politiques et publicitaires et peut-être même la musique. La connotation est à la dénotation ce que la fonction connotative est à la fonction dénotative : en littérature, quand ce n'est pas l'une qui domine, c'est souvent l'autre; mais la fonction dénotative est toujours présente.

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Catherine Kerbrat-Orecchioni. La connotation. Presses Universitaires de Lyon (Linguistique et sémiologie). Lyon; 1977 (256 p.)
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1.1.1.5. Le code et la fonction métalinguistique

Le code est un ensemble de signes et de règles de combinaison de ces signes par lequel il y a encodage par le destinateur et décodage par le destinataire; le code doit être commun, au moins en partie, au destinateur et au destinataire : une langue est un tel code et il y en a beaucoup d'autres. La fonction métalinguistique est centrée sur le code. Elle est dominée par l'explicitation et la précision et elle domine la didactique, la linguistique, la logique, la science et un jeu comme les mots croisés. Il y a métalangue quand la langue parle consciemment d'elle-même, ayant recours à la définition ou à la périphrase; mais il n'y a pas d'autre métalangage que le langage lui-même : le métalinguistique n'est pas le métalangagier. D'autre part, il faut appeler «épilinguistique» l'activité métalinguistique inconsciente; il n'y a pas de langue sans épilangue : la langue est déjà sa théorie. Enfin, la fonction métalinguistique, comme la fonction connotative à laquelle elle s'oppose, est inséparable de la fonction dénotative ou de la fonction émotive et de la fonction conative; fonctions dont elle n'est qu'un mode ou une modalité d'énoncé.

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Antoine Culioli. «Conditions d'utilisation des données issues de plusieurs langues naturelles». Quelques articles sur la théorie des opérations énonciatives. Paris; 1965-1983 (160 pages photocopiées) [p. 92-98].
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1.1.1.6. Le canal et la fonction phatique

Alors que le code est en quelque sorte déjà le projet de communication, le canal en est le trajet; le canal de communication est la voie de circulation du message par des moyens sonores ou visuels, visibles ou invisibles : c'est l'instrument du contact. La fonction phatique est centrée sur le canal, en vue d'entretenir et de maintenir le contact, et elle est concentrée dans les phatèmes. C'est la première fonction acquise par les enfants et elle n'est pas absente chez les animaux (comme les oiseaux parleurs, par exemple). En général, la fonction phatique ponctue la conversation; elle est essentielle au dialogue et on la retrouve dans les formules de salutation, les formules d'apostrophe, les morphèmes phatiques et les interjections; mais les interjections que sont les onomatopées sont plutôt de l'ordre de la fonction émotive, comme les jurons d'ailleurs.

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Harald Weinrich. «Le contact dans le dialogue». Grammaire textuelle du français. Didier/Hatier (Alliance française). Paris; 1989 [1982] (672 p.) [p. 490-503].
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Alors que la fonction connotative est ludique, la fonction phatique est presque magique : il n'y a pas de communication sans fonction phatique. L'entretien et le maintien du contact, par lequel il y a emphase et empathie, distingue le langage de la communication : c'est parce qu'il y a incommunication dans le langage qu'il y a communication. Ainsi la fonction phatique est-elle en quelque sorte a-locution et dé-locution; c'est la fonction déterminante de la communication, même si elle est rarement dominante, parce que c'est justement l'écart -- l'é-norme : l'affect -- entre le langage et la communication. Contact, la fonction phatique l'est jusque dans la fonction dénotative, par les anaphores que sont les débrayeurs, et jusque dans les fonctions émotive et conative, par les déictiques que sont les embrayeurs; alors que les anaphores sont en contact avec le site, les déictiques le sont avec la situation : ce contact, par le débrayage anaphorique ou l'embrayage déictique, est plus ou moins direct ou immédiat... Plutôt, donc, que de parler de fonction phatique, il faudrait parler de jonction (em)phatique et (em)pathique, par laquelle les facteurs de la communication débordent toute fonction de (la) communication et ce, à cause de la situation d'énonciation. C'est pourquoi la fonction phatique est finalement et fondamentalement la racine de la communication.

1.1.2. Les plans de la signification

On a vu que le langage humain est l'articulation de la communication et de la signification : c'est sa double articulation fondamentale et caractéristique; mais il y a aussi double articulation au niveau même de la signification : c'est l'articulation de la langue et du discours, le discours, étant ici ce que beaucoup entendent par la parole (qui ne s'y réduit pas). La signification est la grammaire du langage; c'en est la langue et la mise en discours, la compétence et la performance, la puissance et l'effet, la puissance en acte. En analyse linguistique, l'articulation de la langue et du discours veut dire que la signification est stratifiée ou hiérarchisée, qu'elle est structurée en plans : le plan de l'expression et le plan du contenu ou de la (re)présentation, chacun des plans comprenant une forme et une substance et se composant de divers niveaux.

La substance de l'expression est l'instance de la sensibilité; la forme de l'expression et la forme du contenu sont les instances de l'entendement et de la raison; la substance du contenu est l'instance de l'imagination. Ce qui intéresse surtout la linguistique, c'est la forme ou la manière et non la substance ou la matière, c'est-à-dire l'informe; c'est donc la distinction de la forme et de la substance qui prévaut sur la distinction du plan de l'expression et du plan du contenu, car il y a identité des deux formes dans la manifestation, comprise ou conçue par l'entendement et la raison, mais non-conformité des deux plans. Par contre, il n'y a pas de forme sans imagination, sans la main de l'imagination; imagination sans laquelle la manière ne peut affecter la matière.

1.1.2.1. Le plan de l'expression

Saisie ou appréhendée par la sensibilité, la substance de l'expression, qui peut varier d'une langue à l'autre, se distingue selon que la langue est parlée ou écrite : si elle est parlée, c'est le niveau phonique des bruits et des sons des langues naturelles, c'est-à-dire des phones; si elle est écrite, c'est le niveau graphique (ou graphémique) des lettres, qui sont des grammes. Dans une langue alphabétique comme le français ou l'anglais, cela relève de toute manière du niveau phonétique. La phonétique peut être acoustique et relever de la physique ou elle peut être articulatoire et auditive et relever de la physiologie de l'appareil phonatoire; qui comprend :
1°) les poumons, les bronches, la trachée-artère et le reste de la «soufflerie» subglottique;
2°) la source ou le «générateur» glottique se composant du larynx et de ses quatre cartilages, des cordes vocales, des ventricules et de la glotte;
3°) la «pavillon» supra-glottique ou les cavités supra-glottales que sont le pharynx, la bouche, les lèvres et les fosses nasales, la bouche et le nez agissant comme résonateurs (le résonateur oral étant mobile et le résonateur nasal étant immobile);
4°) les oreilles.
L'articulation, incluant la respiration, est donc irréductible à la phonation.

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Baylon et Fabre. Initiation à la linguistique [p. 86].
Jean-Marc Lemelin. De la pragrammatique; l'oralité et la textualité: abrégé quartographique. Ponctuation. Montréal; 1986 (98 p.) [p. 11 et ss.].
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La substance de l'expression est le port ou le support de la langue; elle en est le matériau non linguistique mais quand même langagier : bien que l'appareil phonatoire ne suffise pas pour parler, car il ne manque souvent pas aux sourds-muets, il est cependant nécessaire pour le faire -- sauf pour une machine...

La linguistique commence avec la distinction du phone et du phème ainsi que du phonème. Le phème est le trait (compact/diffus, grave/aigu, etc.) permettant de distinguer un phonème d'un autre phonème; l'ensemble des phèmes définissant un phonème est le phémème. Le phonème -- ou le graphème, quand la langue est écrite -- est la plus petite unité significative de la forme de l'expression; c'est l'unité distinctive ou pertinente de la deuxième articulation de la signification qui permet de construire ou de produire la première articulation, dont l'unité est le monème, qui conduit à la communication. Les phonèmes permettent d'identifier un monème. Un monème est une syllabe, un mot, un groupe de mots (comme une locution) ou une expression, bref une forme ayant un sens -- une direction, une orientation, une destination -- dans la communication; par la signification, il y a déjà du sens, alors que dans la communication, il y a toujours un sens... Il y a deux types de monèmes ou deux catégorèmes : le lexème, c'est-à-dire le radical ou la racine du monème, et le morphème, qui s'ajoute ou non au lexème. Le morphème peut être lexical, c'est-à-dire notionnel; c'est le cas sémantique des affixes : préfixes, infixes, suffixes, les suffixes incluant les augments (comme les diminutifs). Il peut aussi être grammatical, c'est-à-dire fonctionnel; quand il est la désinence ou la terminaison, la marque morphologique de genre, de nombre, ou de catégorie, et les formants, dans la conjugaison des verbes par exemple, le morphème grammatical est alors dépendant, lié au lexème, dont il est donc inséparable; quand le morphème grammatical est indépendant ou libre, donc séparable, c'est un grammème.

Le morphème peut aussi être à la fois lexical et grammatical, dans le féminin de certains noms et dans les adjectifs dérivés de noms propres (que l'on retrouve dans un dictionnaire) par exemple, la notion ne se distinguant pas toujours très bien de la fonction dans un morphème flexionnel (lié), comme le lexique de la grammaire... La forme de l'expression comprend donc le niveau phonémique ou phonologique et le niveau morphologique. Le niveau phonologique est le niveau des glossèmes que sont le phème et le phonème, le prosodème (ton, accent, pause, débit, liaison, intonation, etc.) et le tactème réglant le comportement du monème. Le niveau morphologique est le niveau des monèmes. Les lexèmes et les morphèmes forment les catégories de la langue ou les parties du discours, qui sont des types de lexies, c'est-a-dire de mots ou de groupes de mots. [Font aussi partie de la forme morpho-phonologique de l'expression, la rhétorique et la stylistique, qui élargissent les catégories grammaticales mais qui concernent cependant davantage la phrase que le mot et même le texte plus que la phrase ou le discours plutôt que la langue]. Alors que la substance de l'expression est variable presque à l'infini (d'une langue à l'autre), la forme de l'expression l'est déjà beaucoup moins (surtout dans une même langue) : c'est entre autres choses là que se joue la différence de la prose et du vers. C'est le matériel -- les moyens d'expression, les outils glossiques -- permettant de traiter le matériau ou c'est l'apport au (sup)port.

1.1.2.2. Le plan du contenu

La forme de l'expression est inséparable de la forme du contenu : il n'y a pas de forme de l'expression sans forme du contenu, comme il n'y a pas de discours sans langue et de peformance sans compétence ou d'effet sans puissance; là est la signification même de la grammaire. La forme du contenu est la manie -- le maniement ou la manoeuvre -- de la représentation. La forme du contenu comprend le niveau syntaxique qui, au niveau de la forme, est inséparable de la morphologie -- c'est pourquoi l'on parle de morpho-syntaxe --, et le niveau sémantique qui, au niveau du plan du contenu, est inséparable de la syntaxe. L'unité minimale du niveau syntaxique est l'énoncé, c'est-à-dire le rapport entre le mot et la phrase et ce que cela implique : syntagmes, fonctions, fonctèmes, syntactèmes, syncatégorèmes, etc. [cf. la sectoin 2.2.3.1.]. L'unité minimale du niveau sémantique est le sémème, qui est un ensemble ou un faisceau de sèmes; le sème est le trait distinctif ou différentiel du contenu de la signification, comme le phème l'est de l'expression de la signification. Le sémème est le contenu sémique d'un lexème, c'est-à-dire d'un monème qui n'est pas un morphème, ou le contenu sémique d'un morphème; il est au contenu ce que le phémème est à l'expression. Les sèmes qui constituent le sémème peuvent être constants (ou dénotatifs) et ils peuvent être variables (ou connotatifs). Un ensemble de sèmes constants est un classème et un ensemble de sèmes variables est un virtuème. Le sémantème, c'est ce qui n'est ni classème ni virtuème dans un sémème; le sémantème est spécifique, alors que le classème est générique [cf. la section 2.2.4.1.].

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Bernard Pottier. Présentation de la linguistique; fondements d'une théorie. Klincksieck (Tradition de l'humanisme V). Paris; 1967 (80 p.) [p. 11-27].
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La substance du contenu, comme la substance de l'expression, ne relève pas de la linguistique; c'est le niveau langagier mais non linguistique des schèmes : images, tableaux, ébauches et autres schémas ou diagrammes de l'imagination. Aucune langue (indo-européenne) ne se distingue d'une autre langue (indo-européenne) au niveau de la substance du contenu, qui est commune à toutes les langues indo-européennes, sinon à toutes les langues. Le lien entre la forme du contenu et la forme de l'expression est une liaison nécessaire ou motivée (semi-symbolique), alors que le lien entre la substance du contenu et la substance de l'expression est arbitraire (symbolique) : il n'y a pas de lien nécessaire entre le schème et le phone, ni entre la chose et le mot. Il n'y a donc pas surtout relation de substance à forme et d'expression à contenu, mais de forme à forme, la substance étant la matière à mettre en forme, l'informe qui est à former, à informer ou à transformer dans la manifestation lexicale, qui est le lieu de rencontre de la forme de l'expression et de la forme du contenu, de la performance et de la compétence, du discours et de la langue. C'est ainsi, qu'au sein de la grammaire, la langue est une forme...

En résumé, les plans de la signification se décomposent en caractérisantes -- la forme et la substance -- et en composantes -- les niveaux -- qui ont chacune leur unité distinctive : là est la grammaire de la signification.

1.1.3. Problème

De la même manière que la situation prévaut sur le site et les déictiques sur les anaphores, il semble que les morphèmes prévalent sur les lexèmes et que, dans l'évolution du langage et des langues naturelles, c'est l'apparition des morphèmes qui est caractéristique de l'origine et qui est donc l'ancrage du lexique.

1.1.4. Bibliographie complémentaire

Anati, Emmanuel. Les origines de l'art et la formation de l'esprit humain. Albin Michel. Paris; 1989 (256 p. + illustrations).
Bally, Charles. Traité de stylistique française; volume 1. Georg et Cie/Klincksieck. Genève-Paris; 1951 (XX + 332 p.)
Bally, Charles. Le langage et la vie. Droz (Publications romanes et françaises XXXIV). Genève; 1965 [1952] (168 p. + illustration).
Benveniste, Émile. Problèmes de linguistique générale 1 et 2. Gallimard nrf (Tel # 7 et 47). Paris; 1966 et 1974 (VIII + 360 p. et 294 p.)
Guillaume, Gustave. Langage et science du langage. Nizet/Presses de l'Université Laval. Paris-Québec; 1969 (288 p.)
Guillaume, Gustave. Principes de linguistique théorique. Presses de l'Université Laval/Klincksieck. Québec-Paris; 1973 (280 p.)
Hjelmslev, Louis. Nouveaux essais. PUF (Formes sémiotiques). Paris; 1985 (208 p.)
Jacob, André. Introduction à la philosophie du langage. Gallimard nrf (Idées # 351). Paris; 1976 (450 - 2 p.)
Joyaux, Julia. Le langage, cet inconnu. S.G.P.P., S.P.A.D.E.M. et A.D.A.G.P. (Le point de la question). Paris; 1969 (320 p.)
Lafont; Robert. Le travail et la langue. Flammarion (Nouvelle Bibliothèque scientifique). Paris; 1978 (302 p.)
McLuhan, Marshall. La Galaxie Gutenberg; la genèse de l'homme typographique. HMH (Constantes). Montréal; 1967 [1962] (432 p.)
Milner, Jean-Claude. Ordres et raisons de langue. Seuil. Paris; 1982 (384 p.)
Milner, Jean-Claude. Introduction à une science du langage. Seuil (Des Travaux). Paris; 1989 (720 p.)
Pottier, Bernard. Linguistique générale; théorie et description. Klincksieck (Initiation à la linguistique, Série B; Problèmes et méthodes, 3). Paris; 1985 [1974] (340 p.)
Saussure, Ferdinand de. Cours de linguistique générale. Payot (Payothèque). Paris; 1972 [1967] (512 p.)
Valin, Roch. Peitie introduction à la Psychomécanique du langage. Presses de l'Université Laval (Cahiers de linguistique structurale # 3). Québec; 1954 (92 p.)
Vendryès, Joseph. Le langage; introduction linguistique à l'histoire. Albin Michel (L'évolution de l'humanité # 6). Paris; 1968 [1923] (448 p.)
Yaguello, Monique. Alice au pays du langage; pour comprendre la linguistique. Seuil. Paris; 1981 (224 p.)

1.2. LA DESCRIPTION D'UNE LANGUE

Le langage se réalise ou se manifeste à travers une multitude de langues naturelles, dont il est impossible de faire l'inventaire exhaustif et systématique. Une langue se distingue d'une autre langue,surtout au niveau de la forme et non de la substance, encore davantage au niveau de la forme de l'expression, c'est-à-dire au niveau du signifiant; de là, la possibilité -- et l'impossibilité, ou tout au moins les problèmes -- de la traduction. Que le langage soit l'explication de la langue, et pas l'inverse, n'empêche pas qu'il faille procéder à la description d'une langue ou même de plusieurs langues. Mais l'objectif ici poursuivi est de voir ce qu'il y a de commun à plusieurs langues et en quoi une langue comme le français informe (sur) le langage. C'est ainsi qu'il semble avantageux d'aller de la communication à la signification au niveau du langage, de la langue au discours au niveau de la signification et de la manifestation à l'immanence, c'est-à-dire du vocabulaire ou du lexique à la grammaire, au niveau de la langue même. Pour cela, il a été nécessaire d'identifier les unités communicatives et les unités significatives parmi les diverses unités distinctives, ou les unités de la signifiance, du sens. Cependant, avant de présenter la théorie lexicale et grammaticale de la langue française, en synchronie et non en diachronie; il n'est pas inutile d'examiner ce qu'il convient d'appeler la transcendance de la langue, c'est-à-dire les diverses manifestations d'une langue à travers le parlé et l'écrit, les idiomes et les usages, la contagion ou la contamination des langues, l'historique de la langue française, etc.

1.2.1. La langue parlée et la langue écrite

La linguistique se doit de privilégier la langue parlée à une époque donnée; ce qui ne veut cependant pas dire qu'elle ne doit pas tenir compte de la langue écrite, surtout parce qu'il y a aussi de l'oral dans l'écrit : il ne faut pas confondre le parlé et l'oral. La langue parlée implique la présence mutuelle (spatiale et temporelle) des interlocuteurs, même quand il s'agit d'un monologue, le locuteur se confondant alors avec l'allocutaire; à la radio ou à la télé, l'espace se trouve seulement élargi. Dans la langue parlée, le discours est spontané et irréversible; il ne peut y avoir correction que sous une autre forme. Il y a beaucoup de répétitions et d'ellipses; la syntaxe y est simplifiée : phrases courtes ou inachevées et nombreuses reprises. Le lexique y est pauvre, le vocabulaire se réduisant à une sorte de glossaire commun aux interlocuteurs. En outre, les phatèmes y sont multipliés, afin d'assurer et de vérifier le contact; il y a possibilité de montrer les référents et de renvoyer directement à la situation d'énonciation. Enfin, il y a redoublement du discours verbal par le dicours gestuel, par la mimique et la gestuelle, par lesquelles il y a réduction du discours verbal. Alors que la substance de l'expression de la langue parlée est phonique, exclusivement sonore et auditive, la substance de la langue écrite, quand il s'agit d'une langue phonétique et alphabétique, est aussi graphique, c'est-à-dire audible et visible ou lisible, sonore et visuelle. Dans la langue écrite, il n'y a pas présence mutuelle du scripteur et du lecteur; la communication y est donc différée. Il y a fabrication et réversibilité du discours, même si celui-ci se caractérise par sa linéarité. L'élaboration de la syntaxe se double de la richesse du lexique, le vocabulaire puisant aux ressources du dictionnaire. Il doit y avoir multiplication des indices, faute de phatèmes, même si la page et la mise en page, la typographie et les signes de ponctuation sont des sortes de phatèmes; mais il y est impossible de montrer les référents, car il y a perte du discours gestuel. La langue écrite est donc davantage codée que la langue parlée, par l'orthographe par exemple; elle n'est donc pas la simple transcripton de la langue parlée. Pour finir là-dessus, il n'est pas inutile de rappeler que l'alphabet vient de l'indo-européen, mais que l'écriture vient du non-indo-européen; de synthétique ou d'analogique (pictogramme ou idéogramme), elle est devenue analytique ou digitale (syllabaire, alphabet); par rapport à la langue parlée, l'écriture est donc devenue plus concrète, même si elle est de moins en moins manuscrite ou graphologique et de plus en plus technologique, de moins en moins scriptique ou calligraphique et de plus en plus photographique et cathodique...

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Lemelin. «L'oralité du livre. De la pragrammatique [p. 33-46].
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1.2.2. Les idiomes et les usages

Les langues naturelles sont des idiomes; un idiome est une langue parlée par une communauté culturelle relativement large : c'est un sociolecte. La maniére de parler un idiome par une seule personne est un idiolecte : l'idiolecte est à l'idiome ce que le style est à l'écriture. Entre le sociolecte et l'idiolecte, il existe une multitude de parlers. Un dialecte est la variété provinciale ou régionale d'un idiome; ce n'est pas une autre langue que l'idiome en question : le québécois, l'acadien ou le français d'ailleurs au Canada n'est pas une autre langue que le français de France; il n'y a qu'une langue française mais il y a plusieurs (idiomes) français... Un dialecte qui est davantage isolé géographiquement et historiquement peut être appelé un patois, surtout s'il a été en contact avec d'autres dialectes. Un créole est la réunion de deux idiomes pour en former un troisième; le créole haïtien ou louisianais est donc un autre idiome que le français, même s'il peut en partager plusieurs caractéristiques, surtout au niveau du lexique. Il ne faudrait donc pas croire que le français standard dit international est autre chose qu'un français national, qui n'est lui-même rien d'autre qu'un français régional, c'est-à-dire cet idiome qu'est un dialecte qui a réussi ou triomphé : c'est cela une langue officielle. Un créole peut être, au début de son développement, un pidgin, c'est-à-dire un substrat linguistique auquel est venu s'adjoindre le vocabulaire d'une autre langue qui joue alors le rôle de superstrat. Quant au sabir, c'est un pidgin encore plus élémentaire qui sert d'idiome d'appoint et qui est extrêmement variable d'un usage à l'autre. L'idiome que se fabrique une communauté minoritaire ou spécialisée, afin de communiquer de manière plus ou moins hermétique, peut être un argot ou un jargon : le vocabulaire des spécialistes est souvent un jargon; l'argot est moins technique qu'un tel jargon. Enfin, il y a des parlers qui peuvent ne pas être considérés comme étant des idiomes : le parler que s'inventent les enfants par exemple ou d'autres pseudo-langages, ainsi que tous les parlers marqués par des troubles de langage et qui sont de l'ordre de la pathologie du langage. Mais que ces parlers débordent la langue ne veut pas dire qu'ils ne tiennent pas de la parole!

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Pierre Léon, Parth Bhatt et René Baligand. Structures du français moderne; introduction à l'analyse linguistique. Canadian Scholar's Press Inc. Toronto; 1989 [1988] (XVI + 258 p.) [p. 201-208].
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Selon la situation, l'usage d'un parler pourra se rapprocher, ou bien de l'idiolecte (individuel), ou bien du sociolecte (officiel ou collectif). Le parler n'appartient pas au système de la langue; son usage peut varier selon une gamme de discours extrêmement étendu. A côté des constantes linguistiques, il y a donc des variables qui n'en affectent pas le système. Ces variations par rapport à la norme, qui n'est pas spécifiquement linguistique et qui est d'abord et avant tout une norme écrite, ne doivent donc pas être considérées comme étant des écarts linguistiques mais comme des variantes ou des variétés idiomatiques, que l'on appelle souvent des niveaux de langue mais qui doivent plutôt être définis comme étant des répertoires lexicaux : savant ou vulgaire, littéraire ou populaire, spécialisé ou familier, technique ou administratif, etc., ou des registres grammaticaux, le vocabulaire étant le niveau du lexique et la syntaxe, le réseau de la grammaire. Le rôle de la norme consiste parfois à élever un palmarès (subjectif) au rang de régime (objectif)... Cela ne veut pas dire que l'on puisse ignorer les règles, les principes et les lois de la grammaire comme ensemble de contraintes idiomatiques par lesquelles il y a créativité idiolectale ou autre. Les usages, c'est-à-dire les répertoires et les registres dans toutes leurs variations; sont en somme des façons de parler; ce sont les parlures -- sans connotation péjorative -- des parlers.

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Martinet. «La variété des idiomes et des usages linguistiques». Éléments de linguistique générale [p. 145-171].
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1.2.3. Les archilangues

Les divers usages d'un idiome sont eux-mêmes conditionnés ou surdéterminés par le contact entre les langues, par la contamination et la contagion des langues. C'est-à-dire qu'il y a souvent situation de bilinguisme ou diglossie; et même plus, avec l'expansion de langues dites internationales par la technologie, il faudrait peut-être parler de panglossie. Avec l'immigration, il arrive de plus en plus que la langue maternelle soit relayée au rang de langue seconde, voire secondaire, ou que la langue officielle ne soit la langue maternelle que de très peu de locuteurs. Bien plus donc que l'usage primaire ou secondaire d'une langue; il s'agit de saisir que le territoire d'une langue est quadrillé par des véhicules, par ces véhicules territoriaux que sont les archilangues.

La langue vernaculaire est la langue maternelle; c'est la langue rurale ou régionale, la langue profane ou vulgaire : c'est la langue d'ici. La langue référentiare est la langue culturelle ou intellectuelle; c'est la langue nationale ou internationale, la langue standard, c'est la langue d'ailleurs ou de quelque part. La langue sacramentaire ou mythique est la langue spirituelle; c'est la langue idéale, la langue sacrée : c'est la langue de là-bas ou d'un là qui est au-delà et donc nulle part. La langue véhiculaire est la langue structurelle ou conjoncturelle, la langue "paternelle" en quelque sorte; c'est la langue urbaine et mondiale : c'est la langue de partout, c'est-à-dire d'un là qui est complémentaire -- à côté -- de l'ici.

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Lemelin. De la pragrammatique [p. 17-21].
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Les langues naturelles, parce qu'elles sont en contact entre elles, parce qu'elles se contaminent les unes les autres, sont donc de moins en moins maternelles : leur territorialité est liée à une tétraglossie qui est celle-là même de l'oralité et de ses espaces véhiculaires, par lesquels il y a conjonction de la diachronie et de la synchronie. Cette réduction des langues maternelles est inséparable du développement d'une langue on ne peut plus artificielle, celle-là même d'une grammaire universelle qui est incapable d'être générale... D'autre part, cette territorialité ou cette spatialité de l'oralité se double d'une temporalité.

1.2.4. La langue française

Pour terminer, même si ce n'est pas plus un point de vue diachronique qu'un point de vue dialectologique ou idiomatologique qui sera maintenant adopté, il n'est pas superflu de rappeler brièvement l'histoire de la langue franque, romane, italo-celtique et indo-européenne qu'est le français; historique qui passe par le moyen français, l'ancien français, le francien, le roman ou le gallo-roman, le romain ou le latin médiéval, le gaulois, le celtique, le francique, etc.

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Jacques Leclerc. Qu'est-ce que la langue? Mondia Éditeurs. Laval; 1979 (174 p.) [p. 107-138].
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1.2.5. Problème

Ici, il conviendrait de soulever la question de l'origine du langage et non seulement de la langue (française); mais il faudrait la poser de tout autre manière, dans une sorte de généalogie sans génétique...

1.2.6. Bibliographie complémentaire

Cohen, Marcel. Histoire d'une langue : le français (des lointaines origines à nos jours) . Éditions sociales. Paris; 1967 [1947] (516 p.)
Gobard, Henri. L'aliénation linguistique; analyse tétraglossique. Flammation. Paris; 1976 (302 p.) [p. 23-66].
Guiraud, Pierre. L'ancien français. PUF (Que sais-je? # 1056). Paris; 1980 [1963] (128 p.)
Guiraud, Pierre. Le moyen français. PUF (Que sais-je? # 1086). Paris; 1972 [1963] (128 p.)
Hagège, Claude. L'homme de paroles; contribution linguistique aux sciences humaines. Fayard (Le temps des sciences). Paris; 1985 (320 p.)
Malherbe, Michel. Les langages de l'humanité; une encyclopédie des 3 000 langues parlées dans le monde. Seghers. Paris; 1983 (448 p.)
Martinet, André. Des steppes aux océans; l'indo-européen et les «Indo-Européens». Payot (Langages et sociétés). Paris; 1986 (276 p.)
Meschonnic, Henri. Critique du rythme; anthropologie historique du langage. Verdier. Paris; 1982 (732 p.)
Morel, Georges. Le signe et le singe. Aubier (Présence et pensée). Paris; 1985 (400 p.)
Schaff, Adam. Langage et connaissance. Anthropos (Points # 58). Paris; 1969 [1964] (256 p.)
Whorf, Benjamin Lee. Linguistique et anthropologie. Denoël (Médiations). Paris; 1969 [1956] (224 p.)
Yaguello, Marina. Histoires de Lettres; des lettres et des sons. Seuil (Point Virgule V 84). Paris; 1990 (96 p.)

II

LINGUISTIQUE FRANÇAISE

2. THÉORIE DE LA LANGUE

Pour la linguistique, le système de la langue se compose du vocabulaire et de la grammaire. Le vocabulaire est ouvert, alors que la grammaire est fermée; c'est-à-dire que le vocabulaire (des lexèmes) est susceptible de s'élargir plus ou moins à l'infini : on invente des mots chaque jour, tandis que les règles grammaticales sont fixes ou ont plutôt tendance à diminuer, par économie. D'une certaine manière, la grammaire est épargne, économie; le vocabulaire est dépense... Le vocabulaire est la manifestation de la langue; la grammaire en est l'immanence.

2.1. LE VOCABULAIRE

Utilisation particulière ou singulière du lexique d'une langue, le vocabulaire est donc un aspect du code de la langue et de la première articulation du langage. Le lexique de la langue française se compose d'environ 800,000 mots, selon le Trésor de la langue française; mais le vocabulaire d'un individu ne peut guère dépasser les 25,000 mots -- un bon dictionnaire en contient de 50,000 à 200,000 -- et il en faut moins de 5,000 pour communiquer en un français élémentaire ou en un français fondamental; ce qui veut dire que le lexique est une sorte de réservoir auquel vient puiser le vocabulaire, le vocabulaire étant au lexique ce que le souvenir est à la mémoire. Le lexique se divise en deux grandes classes : la classe ouverte des lexèmes et la classe fermée des morphèmes. Les morphèmes, surtout les grammèmes, sont beaucoup moins nombreux que les lexèmes, mais ils sont beaucoup plus fréquents, tellement que dans un texte en français il forment au moins la moitié de tous les mots. Le vocabulaire peut être limité à la classe ouverte des lexèmes, incluant les monèmes composés d'un lexème et d'un morphème lexical ou plus; les morphèmes grammaticaux qui ne sont pas des grammèmes ne se retrouvent pas dans un dictionnaire; dans une lexie, il peut y avoir un ou plusieurs lexèmes. Les types de lexies qui sont des lexèmes sont les noms, plus particulièrement les noms communs, les verbes, les adjectifs (qualificatifs) et certains adverbes (formés à partir d'adjectifs) : ce sont des catégories lexicales.

2.1.1. L'étymologie et la terminologie

Comme toutes les langues, le français est formé en partie à partir de l'intégration du vocabulaire d'autres langues, mortes ou vivantes; il y a donc des lexèmes d'origine celtique, grecque, latine, etc. et il y a des emprunts à l'allemand, à l'arabe, à l'anglais, etc. C'est l'étymon, c'est-à-dire la racine ou le radical du lexème, qui donne l'origine. Mais beaucoup de termes ou de vocables -- la terminologie -- sont formés par dérivation ou par composition. Il y a dérivation quand il y a ajout d'un affixe, c'est-à-dire d'un morphème lexical qui peut être un préfixe, un infixe (mais pas en français) ou un suffixe. [N'est pas considérée ici l'affixation flexionnelle, dans la conjugaison par exemple, mais seulement l'affixation dérivationnelle]. L'ajout d'un préfixe ne change pas la catégorie du lexème; les préfixes peuvent avoir des synonymes et un préfixe (inséparable) peut se lexicaliser, devenir lui-même un lexème. L'ajout d'un suffixe peut changer ou non la catégorie lexicale. Un suffixe modificateur de classe peut être nominal (à partir d'un verbe ou d'un adjectif), verbal (à partir d'un nom ou d'un adjectif), adjectival (à partir d'un nom ou d'un verbe), ou même adverbial (à partir d'un adjectif); mais la formation de l'adverbe à partir de l'adjectif est sans doute davantage morphologique que lexicale. La composition consiste à former une lexie nominale, verbale ou adjectivale à partir de la combinaison d'au moins deux monèmes, l'un des monèmes pouvant être aussi un élément préfixal ou suffixal qui peut lui-même être autonome (contrairement au préfixe ou au suffixe). La composition est aussi un procédé beaucoup utilisé pour former de nouveaux mots, des néologismes, surtout des mots savants, qui sont monosémiques. Fait partie de la composition, la siglaison.

2.1.2. La synonymie et l'antonymie

Le vocabulaire n'a pas seulement des caractéristiques morphologiques, il a aussi des caractéristiques sémantiques. Par exemple, la lexie qu'est le mot peut avoir plusieurs signifiés ou plusieurs désignations : c'est ce que l'on appelle la polysémie. Dans un dictionnaire, un mot peut avoir plus d'une entrée, -- ce n'est pas alors le même mot -- et à l'intérieur d'une entrée, il peut y avoir plusieurs définitions. Les mots polysémiques sont les mots les plus fréquemment utilisés, d'autant plus s'ils sont courts, anciens et d'origine populaire. Deux mots qui désignent sensiblement la même chose sont dits synonymes, mais il n'y a pas de synonymie totale (au niveau des lexèmes); il y a seulement synonymie partielle : c'est la quasi-synonymie ou la parasynonymie, qui est l'inverse de la polysémie. Quant aux antonymes, ils peuvent être polaires (sans termes intermédiaires), scalaires (avec termes intermédiaires), contradictoires (par négation de l'un par l'autre), contraires (par opposition ou présupposition réciproque) ou réciproques (par implication symétrique). La synonymie et l'antonymie, comme la polysémie, sont des jeux de signifié.

2.1.3. L'homonymie et la paronymie

Avec la polysémie, un mot a plusieurs signifiés; avec la (para)synonymie, quelques mots ont presque le même signifié; avec l'homonymie, quelques mots ont le même signifiant sans avoir le même signifié. Ne doivent pas être confondus les homophones, qui ont le même signifiant sonore, et les homographes, qui ont le même signifiant graphique; il existe des homonymes qui sont à la fois homophones et homographes. Quant à la paronymie, c'est un dérivé de l'homonymie : le signifiant n'y est que semblable et il peut arriver que le signifié le soit aussi; c'est pourquoi c'est un procédé beaucoup utiisé dans le langage poétique : rimes, assonances, allitérations, anagrammes, etc. L'homonymie et la paronymie sont des jeux de signifiant.

2.1.4. L'organisation du lexique

D'un point de vue sémantique; le lexique peut être organisé en divers paradigmes, c'est-à-dire en associations permettant de structurer la nomenclature du monde (référent). À la surface ou à la périphérie, il y a les termes qui résultent de la spécialisation du vocabulaire par la raison; ce sont généralement des noms communs, à partir desquels peuvent être formés de nouveaux verbes (toujours du premier groupe) : les termes techniques ou savants qui s'imposent par le développement de la technologie et de la science. Ce sont les termes utilisés peu souvent et seulement par des spécialistes; ils forment donc une sorte de glossaire à l'usage des experts, c'est-à-dire que ce sont des termes monosémiques, l'équivalent des étiquettes. Plus courants sont les termes liés à l'apprentissage rendu possible par la sensibilité et l'entendement. Cet apprentissage peut être pragmatique : c'est ce qui arrive, par exemple, à des étudiants en situation d'apprendre une langue seconde, par immersion; c'est aussi la situation de l'enfant qui apprend sa langue maternelle, sous les conseils de ses parents ou de ses instituteurs. Ainsi, peut être assimilé le vocabulaire concret de toutes sortes d'activités : les métiers, les professions, les sports, les loisirs, les manières, etc.; aux noms s'ajoutent alors les verbes. Cet apprentissage peut aussi être cognitif, c'est-à-dire lié au savoir proprement dit : c'est la situation pédagogique ou didactique bien connue, là où l'écriture et la lecture jouent un rôle prédominant pour apprendre le vocabulaire de l'histoire, de la politique, de l'économie, de l'éducation, de l'art, de la littérature, etc.; au dictionnaire s'ajoutent d'autres livres comme les manuels. Alors que la spécialisation est davantage reliée à la recherche, l'apprentissage pragmatique et cognitif l'est plutôt à l'enseignement .

Cependant, l'apprentissage et la spécialisation, qui sont de l'ordre du programme, ne sont possibles que grâce à la mémoire, qui permet non seulement de se souvenir mais aussi d'acquérir. Il n'y a acquisition, par l'enseignement et la recherche, que parce qu'il y a un dispositif de réflexion, un diagramme, permettant la découverte, qui est d'abord et avant tout ouverture. À ce dispositif, qui fait de la langue une véritable théorie intrinsèque de l'univers, contribue la mémoire, qui est au centre ou au fond du lexique. Mais il n'y a de lexique, ou de mise en oeuvre du lexique dans le vocabulaire, que parce qu'il y a grammaire, plus particulièrement une grammaire proprioceptive, c'est-à-dire ancrée, par l'imagination, dans le corps : les cinq sens de la personne et le rapport à l'espace et au temps dans et par l'image du corps. Ainsi, peuvent être (re)constitués, parmi d'autres, les paradigmes proprioceptifs ou les domaines d'expérience suivants :
1°) les parties du corps avec les organes externes et internes, les maladies qui s'y rapportent et tout ce qui entoure la santé, l'hygiène et même la bienséance;
2°) les objets qui s'ajoutent au corps, comme les vêtements et les bijoux, et donc ce qui concerne la mode, la couture et les soins esthétiques du corps;
3°) les objets que la main peut tenir : les articles de classe, les ustensiles, les outils, les instruments, les appareils;
4°) les choses que l'on peut manger ou boire : les fruits et les légumes, les viandes et les poissons, les breuvages et les autres boissons, et donc tout ce qui est lié à la nourriture, à la cuisine (recettes, menu) ou à la vie domestique;
5°) les pièces et l'ameublement de la maison : le mobilier et les appareils électriques ainsi que les instruments de musique;
6°) les autres habitations, édifices et bâtiments, l'architecture ou l'urbanisme en particulier et l'aménagement en général;
7°) les moyens de transport permettant d'aller d'un espace à l'autre, incluant les pièces d'une voiture et les équipements;
8°) l'environnement géographique et climatique : les saisons, la température et la géologie ou la géographie en général, le calendrier pouvant aussi être l'occasion d'apprendre les nombres, les chiffres, voire le calcul;
9°) la faune : les animaux de la ferme, du zoo, de la forêt, de la jungle et la zoologie en général;
10 ) la flore : les fleurs, les plantes, les arbres et la botanique en général;
11°) les liens que l'on peut nouer : famille, parenté, alliance, collectivité, communauté, classe, société, etc.;
12°) les émotions et les sentiments.
Ces paradigmes de noms communs peuvent être facilement associés à des paradigmes d'adjectifs ou de verbes : gestes, actes, mouvements du corps par exemple.

C'est ainsi qu'il peut y avoir figuration du lexique par le vocabulaire, transformation des figures du lexique en termes du vocabulaire en terminologie, les figures pouvant être regroupées dans un champ lexical. Les figures sont à un champ lexical ce que les thèmes sont à un champ sémantique; un ensemble de champs lexicaux constitue une idéologie, c'est-à-dire un système d'idées impliquant des jugements de valeur; alors qu'un ensemble de champs sémantiques constitue une axiologie, c'est-à-dire un système de valeurs. Il est évident qu'à ce niveau-ci, la lexicologie du mot est débordée par une sémantique du nom, voire du nom propre, et la grammaire de la mémoire que cherche à être la lexicographie par le grimoire de l'oubli...

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Lemelin. «La grammaire et la grammatique». Oeuvre de chair [p. 97-103].
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[cf. la section 2.2.4.2.].

2.2. LA GRAMMAIRE

Les sous-composantes de la grammaire sont la phonologie, la morphologie, la syntaxe et la sémantique; de la phonologie à la sémantique, il y a amplification du sens sous l'impact de la morphologie et de la syntaxe ou de la morpho-syntaxe. La signification grammaticale est saisie de la même manière, de la surface à la profondeur et de la performance à la compétence, c'est-à-dire de la saillance (discontinue) à la prégnance (continue) ou de l'expression, qui est la manifestation transcendante, au contenu, qui est l'immanence radicale (ou transcendantale).

2.2.1. La phonologie

Alors que la phonétique s'attarde à la substance phonique et acoustique, auditive et articulatoire du signifiant, la phonologie s'intéresse à la forme de celui-ci; forme par laquelle le son fait sens. La phonologie ne traite donc pas des sons ou des phones en tant que tels, qui sont l'objet de la phonétique générale, de la phonétique historique, de la phonétique expérimentale, de la phonétique normative (orthoépie), de la phonétique corrective (orthophonie, phoniatrie), etc. Les deux parties de la phonologie sont la phonématique et la prosodie.

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Baylon et Fabre. Initiation à la linguistique [p. 83-95 et p.100-103].
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2.2.1.1. La phonématique

La phonématique a pour objet certaines unités de la deuxième articulation du langage, qui sont de l'ordre de la langue et non du discours; ces unités sont des traits, qui se distinguent selon le mode et le type d'articulation et selon le point et la zone d'articulation. Le mode d'articulation est lié à la respiration -- en français, tous les phonèmes sont expirés -- et au mouvement de l'appareil phonatoire, à son ouverture et à sa fermeture, c'est-à-dire à son degré d'aperture : des consonnes aux voyelles, ce degré augmente. Les principaux modes d'articulation sont l'explosion, l'occlusion (ou la plosion), la palatalisation, la dentalisation, la friction, la labialisation, la pharyngalisation (rare en français), l'oralisation et la nasalisation, par lesquelles sont différemment produites les consonnes, les semi-consonnes et les voyelles. Le type d'articulation concerne les cordes vocales et les résonateurs. S'il y a voisement, c'est-à-dire vibration des cordes vocales, le phonème sera sonore; si c'est le contraire, il sera sourd; si un phonème ne résonne que dans la bouche, il sera oral; s'il résonne aussi dans le nez, il sera nasal. Le point d'articulation est surtout lié aux mouvements de la langue et de la mâchoire et donc au mode d'articulation. Ce point peut être labial, dental, labio-dental, apical, alvéolaire, palatal, vélaire, uvulaire, glottal, etc.; les phonèmes qui ont le même point d'articulation forment un ordre. Les quatre principales zones d'articulation en français, les zones orales, sont la zone buccale, la zone linguale, la zone labiale et la zone glottale. Les phonèmes qui ont le même mode ou le même type d'articulation forment une série; deux séries peuvent être en corrélation, l'une présupposant l'autre; c'est la marque qui distingue les deux séries.

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Lemelin. De la pragrammatique [p. 11-13].
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Parmi les glossèmes, les traits pertinents ou distinctifs qui varient selon les modes et les types d'articulation et selon les points et les zones d'articulation sont des phèmes. L'ensemble des phèmes est le phémème, qui est la «substance phonique» du phonème. Il suffit qu'un seul phème soit différent pour que le phonème soit différent. C'est par l'opération de la commutation que l'on dégage de telles différences. Un même phonème peut évidemment varier selon le contexte, le site, le locuteur ou la situation; il y a donc des variantes ou des allophones que le système phonologique peut intégrer. Les variantes peuvent être libres ou facultatives, non déterminées par l'entourage phonique; elles peuvent être combinatoires ou contextuelles, conditionnées par ledit entourage (par assimilation ou accomodation). L'opposition entre deux phonèmes peut être neutralisée par des traits pertinents qu'ils ont en commun; cette base commune, c'est l'archiphonème, dont la substance est l'archiphémème c'est-à-dire l'intersection des phémèmes, les phémèmes communs, de la série. Dans le syntagme réunissant des monèmes, les phonèmes se regroupent en syllabes, qui découpent la chaîne sonore et forment la structure phonématique des monèmes; la phonologie rejoint alors la morphonologie, la paradigmatique des phonèmes s'inscrivant ainsi dans une syntagmatique de la liaison et de l'enchaînement.

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Richard Bergeron. Abrégé de phonétique française. Éditions Pedagogia (Collection Monographies techniques). Montréal; 1966 [1958] (48 p.) [p. 14-16].
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2.2.1.2. La prosodie

Déjà avec la liaison et l'enchaînement, la phonématique touche à la prosodie, là où le segmental (discontinu) est débordé par le suprasegmental (continu). D'une part, la prosodie est de l'ordre de la deuxième articulation du langage; d'autre part, elle tient pratiquement d'une troisième articulation, celle du rythme de l'énonciation. Les unités prosodiques ne sont pas discrètes, c'est-à-dire discontinues, mais plutôt continues : ce sont des glossèmes particuliers, les prosodèmes. Ceux-ci concernent la hauteur, l'intensité, le timbre ou la durée du phonème. L'amplitude de l'intensité est sa force. La fréquence affectant la hauteur conditionne la mélodie. Relève aussi de la prosodie l'intonation, soit la fonction expressive de l'énonciation, qui est liée au débit comme alternance de la vitesse (rapidité ou lenteur) et de la pause. L'intonation ne doit pas être confondue avec les tons ponctuels ou mélodiques, qui sont des unités distinctives dans certaines langues. L'accentuation est aussi un phénomène prosodique et peut-être aussi l'élision; l'accent tonique ou d'insistance (affective ou intellectuelle) permet de marquer ou de scander le rythme. Peuvent enfin être considérés comme faisant partie des prosodèmes, les tactèmes de co-occurence, d'ordre, de répétition, de séparabilité, de mise en facteurs et de contact séquentiel...

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Pottier, Linguistique générale [p. 299-309].
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En résumé, la prosodie est une sorte de syntaxe de la syntaxe; elle en est la ponctuation rythmique et harmonique au niveau même des phonèmes. C'est ainsi que la prosodie joue un si grand rôle dans la poésie en vers ou en prose. C'est surtout comme étude de la prosodie que la phonologie peut contribuer au développement d'une sémiotique poétique.

2.2.2. La morphologie (ou la morpho-syntaxe)

La morphologie est l'étude de la forme des monèmes : par son objet, elle touche à la phonologie; par son trajet, elle touche à la syntaxe; par son projet, elle touche à la sémantique (et donc aussi à la lexicologie). Avec la phonologie, elle permet d'analyser la forme de l'expression, dont le lexique, le vocabulaire d'une langue, est la manifestation la plus évidente. Les principaux catégorèmes de la morphologie sont les parties morpho-syntaxiques du discours et les catégories grammaticales de la langue; ce sont des catégories formelles plutôt que des classes conceptuelles.

2.2.2.1. Les parties du discours

Un monème peut réunir un lexème et un (ou plus d'un) morphème. Les parties du discours qui sont des lexèmes sont le nom, le verbe et l'adjectif, ainsi que l'adverbe qui dérive de l'adjectif; le déterminant, le pronom, le joncteur et l'interjection sont plutôt des morphèmes, c'est-à-dire les particules de la parole.

2.2.2.1.1. Le nom

Le lexème est une tentative de particularisation des êtres (statiques ou dynamiques) de l'univers : les êtres peuvent être des personnes, des choses, des objets, des images, des idées; il y a donc une opération de discernement (découpage, segmentation) avant toute possibilité de généralisation. Le nom est une notion qui se définit par son incidence interne : il est le support, le sujet ou le thème, le propos; de la phrase; c'est une catégorie spatiale qui est toujours de la troisième personne et qui ne peut donc être sujet d'un verbe à la première ou à la deuxième personne. Agent ou patient, le nom est marqué, en lui-même, par le rang, le genre et le nombre. Le nom propre a une compréhension ou une intension très large, même s'il ne désigne qu'un individu : il contient une liste non finie de traits lexicaux; par contre; son extension est très réduite ou presque nulle. Ce qui fait, par exemple, qu'un nom propre de personne au pluriel devient pratiquement un nom commun, celui-ci ayant une extension trés large et une intension plus réduite : si toutes les tables avaient un nom propre, c'est-à-dire beaucoup d'intension, il n'y aurait pas de table, c'est-à-dire de notion commune à toutes les tables...

2.2.2.1.2. Le verbe

Le verbe se définit par son incidence externe; il est l'apport, c'est-à-dire un prédicat ou un processus (action ou fait). C'est une catégorie non seulement spatiale mais surtout temporelle. C'est donc dire que le verbe est fortement marqué par les catégories grammaticales. Alors que tous les monèmes peuvent devenir des noms, en y ajoutant un déterminant, les verbes sont susceptibles d'être beaucoup transformés, par la conjugaison en premier lieu, où l'on retrouve les désinences variant selon la personne, le temps, le mode et le groupe du verbe (régulier ou irrégulier, à conjugaison vivante ou à conjugaison morte). Être ou faire, état ou action, le verbe n'est pas plus un procès que le nom : il y a des noms marqués par le procès et des verbes qui ne le sont pas, ne serait-ce que la copule "être", qui est plutôt un morphème qu'un lexème, comme tous les auxiliaires de conjugaison. L'infinitif est un verbe, parfois un verbe substantif, alors que le participe est un adjectif. En résumé, tandis que le nom est morphologiquement autonome, le verbe ne l'est pas : il n'informe qu'en se transformant, il n'est formé que lorsque transformé...

2.2.2.1.3. L'adjectif

Comme le verbe, l'adjectif est lui aussi d'incidence externe; comme le nom, c'est une catégorie spatiale; comme le verbe, c'est un apport, plus particulièrement un apport au support et donc au nom : c'est le qualificatif de la base qu'est le nom : c'est une propriété. D'une certaine manière, l'adjectif est un nom, celui-ci incluant aussi le substantif, en supposant que celui-ci est une catégorie morphologique et non syntaxique. L'adjectif qui sert surtout à la qualification est une épithète; celui qui sert davantage à la prédication est un attribut. Comme le verbe, l'adjectif est un terme secondaire par rapport au nom.

2.2.2.1.4. L'adverbe

L'adverbe est un terme tertiaire; il est d'incidence externe au deuxième degré : il est un apport au rapport entre le support et l'apport; il quantifie ou qualifie un rapport. C'est un qualificatif, comme l'adjectif; mais il qualifie une base non nominale : un adjectif, un verbe ou un autre adverbe. Les trois types d'adverbes sont les lexèmes adverbiaux, qui ajoutent le suffixe "ment" à un adjectif ou plus rarement à un adverbe, les locutions adverbiales, qui combinent des lexèmes et des morphèmes, et les morphèmes adverbiaux, qui sont généralement brefs et sont très fréquents. Nombre d'adverbes sont des quantificateurs.

Il est caractéristique des parties du discours qui sont des lexèmes de pouvoir changer de catégorie; c'est la translation. Un nom peut devenir un adjectif ou un adverbe dans certaines locutions incluant une préposition. Un verbe peut devenir un substantif : c'est l'infinitif; il peut aussi devenir un adjectif : c'est le participe; voire un adverbe, c'est le gérondif. Un adjectif peut devenir un adverbe, par l'ajout du suffixe "ment". De la même manière, une phrase peut devenir un substantif, un adjectif ou un adverbe.

2.2.2.1.5. Le déterminant

Le déterminant est l'accompagnateur ou l'actualisateur du nom, dont il est la marque de catégorie externe, en genre et en nombre. C'est par les déterminants que le nom passe du dictionnaire, c'est-à-dire du lexique disponible (en mémoire), au vocabulaire (du programme); il y a alors généralisation ou particularisation, spécification : détermination et même prédétermination, car le déterminant est toujours placé avant le nom, immédiatement ou non. L'article simple, le déterminant démonstratif et le déterminant possessif sont des actualisateurs du nom (ou d'une autre catégorie ainsi transformée en substantif); le déterminant numéral, le déterminant sommaire et le déterminant relatif, interrogatif ou exclamatif sont les autres accompagnateurs du nom. Les actualisateurs, surtout l'article simple, sont davantage spécifiques et ils sont proclitiques, c'est-à-dire dépourvus d'accent, faisant corps avec le mot suivant; les autres accompagnateurs sont plutôt complémentaires et ils peuvent se combiner avec un actualisateur.

L'article simple est un morphème nominal. Marqué par l'élision et par la contraction, l'article défini renvoie à une pré-information (connue) : il est anaphorique; sa valeur de base est donc la notoriété et il a souvent aussi une valeur généralisante; valeur qui n'est pas non plus absente avec l'article indéfini, qui peut accompagner un substantif actualisé mais non réalisé. Mais généralement, l'article indéfini renvoie à une post-information (inconnue) : il est cataphorique; il a une valeur de présentation et une valeur particularisante ou spécifiante. L'article partitif est la neutralisation de l'opposition de nombre que seul l'article cataphorique admet; alors que l'opposition de genre est neutralisée au pluriel autant par l'article anaphorique que par l'article cataphorique.

En sa forme simple ou composée (avec l'adverbe-suffixe "-ci" ou "-là"), le déterminant démonstratif est un localisateur et un présentatif; c'est aussi un focalisateur : de cette manière, l'article simple est une sorte de déterminant démonstratif usé... Le déterminant démonstratif peut localiser dans l'espace, dans le temps (durée) ou dans le contexte; cettre localisation peut aller jusqu'à une réalisation, une détermination. Le déterminant démonstratif peut ainsi acquérir une valeur notionnelle marquée d'affectivité : emphase, étonnement, indignation, agacement, mépris, laudation, péjoration, déférence, servilité, etc.

Le déterminant possessif marque un rapport d'appropriation par la personne; il corrige ainsi une inaptitude du pronom personnel employé comme cas prépositionnel et il permet d'éviter la répétition à la troisième personne. Plutôt anaphorique, il peut avoir une forme atone ou une forme tonique où il peut se combiner avec l'article indéfini ou avec le déterminant démonstratif. C'est le seul déterminant qui soit marqué par la personne du communicant; c'est donc une sorte de «déterminant personnel» ou de «morphème réfléchi».

Le déterminant numéral peut être cardinal ou ordinal. Font partie des nombres cardinaux, les nombres d'ensemble et les nombres d'éléments; les nombres d'ensemble renvoient au singulier (représentant un ensemble d'éléments) et les nombres d'éléments renvoient au pluriel (représentant les éléments d'un ensemble). Anaphorique ou cataphorique, le nombre cardinal peut avoir une forme simple ou une forme composée (selon des règles strictes et différentes de celles des mathématiques). Le nombre ordinal est une sorte d'adjectif qualificatif qui indique le rang, la place dans une série; il est souvent employé avec l'article anaphorique et très rarement avec l'article cataphorique ou l'article-zéro (absent); il peut aussi se combiner avec le déterminant démonstratif ou le déterminant possessif. Il est possible de former un adverbe numéral (en "ment") à partir du nombre ordinal; ce qui rapproche encore plus celui-ci de l'adjectif. Peuvent aussi être considérés comme étant des déterminants numéraux les substantifs et les adjectifs multiplicatifs ou totalisants.

Le déterminant sommaire (dit aussi indéfini) représente un domaine d'ensemble qui peut être singulier ou pluriel, le domaine singulier pouvant comprendre une grande ou une petite partie de l'ensemble et le domaine pluriel, un grand ou un petit nombre d'éléments. Le déterminant sommaire a donc une valeur d'estimation quantitative (estimation qui est habituellement cataphorique et exceptionnellement anaphorique), de comparaison (à degré comparatif, superlatif ou normatif) ou de totalisation (cardinale ou ordinale, par le singulier ou le pluriel et selon la référence anaphorique ou cataphorique et avec des possibilités de combinaison avec d'autres déterminants); le déterminant sommaire de totalisation cardinal comprend le morphème "tout", alors que l'ordinal est "chaque" (qui est toujours anaphorique).

Le déterminant relatif est la réunion de l'article défini et de "quel", ainsi que des contractions qui en résultent. Le déterminant interrogatif ressemble au précédent; mais il est surtout une forme propre au dialogue, au jeu de la question et de la réponse entourant l'identité ou la qualité d'une personne ou d'une chose. C'est cependant un déterminant plus autonome que les autres : il peut être attribut; mais il est moins réalisé que le relatif. Le déterminant exclamatif a une valeur affective; selon l'intonation, il peut traduire la sympathie ou l'antipathie, l'admiration ou le mépris, la satisfaction ou l'indignation.

Enfin, certains adjectifs peuvent fonctionner comme déterminants possessifs, numéraux ou sommaires et d'autres termes que l'on a l'habitude de considérer comme étant des déterminants sommaires sont en fait des adjectifs, des qualificateurs.

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Weinrich. Grammaire textuelle du français [entre beaucoup d'autres, p. 284-288].
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2.2.2.1.6. Le pronom

Le pronom est en partie une forme libre du déterminant et en partie un substitut du nom, dont il comble l'incapacité, l'insuffisance ou la disconvenance. C'est-à-dire que le nom, étant toujours de la troisième personne, ne peut exprimer, en langue, le rang de la première ou de la deuxième personne; d'autre part, pour éviter la répétition, il est souvent plus facile de lui substituer, en discours, un pronom de la même troisième personne, celui-ci jouant alors un rôle anaphorique ou cataphorique. Il n'est donc pas juste de dire qu'un pronom remplace un nom, puisqu'il peut remplacer autre chose ou ne rien remplacer ou représenter.

En outre, au niveau même du pronom personnel par exemple, il y a des pronoms qui sont de véritables noms, connaissant toutes les fonctions du substantif et étant accentués et prédicatifs; c'est-à-dire qu'ils peuvent exister sans prédicat : c'est le cas de "moi", "toi", "nous", "vous", "soi", "elle", "lui", "elles" et "eux".

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Chistian Baylon et Paul Fabre. Grammaire systématique de la langue française avec des travaux pratiques d'application et leurs corrigés. Nathan-Université (Études linguistiques et littéraires). Paris; 1978 (288 p.) [p. 32 et ss.]
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Par ailleurs, il y a les pronoms personnels qui sont toujours sujets et ceux qui sont toujours objets (directs ou indirects). Comme pronoms personnels, "y" est un pro-adverbe (ou un pronom adverbial) et "en" est un pro-complément. Quant au "il" dit impersonnel, c'est le pronom de la «personne d'univers» -- une sorte de quatrième personne... Sont variables en genre et en nombre les pronoms personnels de la troisième personne, ainsi que les pronoms démonstratifs, les pronoms possessifs, certains pronoms indéfinis ou sommaires, les pronoms relatifs et les pronoms interrogatifs composés; varient en personne les pronoms personnels et les pronoms possessifs; se déclinent les pronoms personnels, les pronoms relatifs simples, ainsi que les pronoms relatifs ou interrogatifs composés (avec "quel").

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R.L. Wagner et J. Pinchon. Grammaire du français classique et moderne. Hachette Université. Paris; 1962 (648 p.) [p. 160-174].
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Le pronom démonstratif est un actualisateur du substantif par substitution. Contrairement aux formes composées (avec "-ci" ou "-là" et "cela" devenant "ça"), les formes simples ont une faible valeur propre et manquent d'autonomie syntaxique; ayant besoin d'être suivis d'un déterminant, ce sont des «pronoms déterminatifs» ou des déterminatifs pronominaux. Les deux formes peuvent fonctionner comme représentants ou comme noms. Le pronom démonstratif fonctionne comme le pronom personnel de la troisième personne. "Ce" est la forme du présentatif.

Le pronom possessif est aussi un substitut, mais il est marqué par la personne (singulière ou plurielle) du possesseur; il corrige une inaptitude (à la première ou à la deuxième personne) ou une disconvenance (à la troisième personne). C'est presque toujours un représentant et parfois c'est un nom. C'est un marqueur de dépendence : appropriation, interdépendance, possession.

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Baylon et Fabre. Grammaire systématique de la langue française [p. 40].
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Le pronom sommaire ou indéfini est la forme libre du déterminant sommaire; pour certains, il n'est guère un pronom : ce n'est pas un représentant mais un pronom nominal. Le pronom dit indéfini "on" est parfois plutôt personnel.

Quant au pronom relatif et au pronom interrogatif, ils peuvent être définis comme étant de véritables joncteurs, même si le pronom relatif est parfois nominal; avec eux, apparaît la phrase complexe ou se développe le dialogue.

2.2.2.1.7. Le joncteur

Tel que mentionné, les pronoms relatifs sont déjà des joncteurs qui relient une base nominale ou pronominale et un complément verbal. La jonction est la liaison textuelle et particulièrement significative d'une base (déterminable) et d'un complément (déterminant); cette relation de détermination n'est donc pas une fonction. Parmi les joncteurs, il est possible de distinguer les joncteurs simples ou les conjonctions de coordination, qui lient des monèmes ou des énoncés équivalents ou parallèles; les conjonctions de subordination, dont la pro-conjonction "que", ou les subjonctions, qui relient généralement une base verbale et un complément également verbal; les prépositions ou les adjonctions, qui lient une base quelconque avec un complément nominal ou pronominal, les prépositions verbales étant le cas limite où le complément est un infinitif. Les joncteurs sont presque toujours des morphèmes ou ils incluent des lexèmes morphématisés.

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Weinrich. Grammaire textuelle du français [p. 359-360].
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Les joncteurs sont plutôt des «struments» de construction des phrases : ils explicitent le rapport de deux termes qui, eux, ont une fonction. Certains adverbes peuvent agir comme des joncteurs, plus particulièrement comme des subjoncteurs ou des adjoncteurs.

2.2.2.1.8. L'interjection

En langue, l'interjection ne peut guère être considérée comme une partie du discours; cependant, en discours, elle peut jouer le rôle de phatème ou d'appui du discours. C'est parfois une onomatopée (en langue). Les jurons et les sacres peuvent souvent servir d'appuis du discours. Les interjections sont des morphèmes, parfois des lexèmes, et elles sont essentiellement liées à la situation d'énonciation et d'actance; elles sont marquées par l'expression, l'intonation, l'exclamation et parfois par l'interpellation (salutation ou apostrophe), rejoignant ainsi les morphèmes phatiques par lesquels il y a entrée ou sortie du dialogue ou autrement maintien du contact. C'est ainsi que les interjections sont de véritables noms propres de discours.

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Weinrich. Grammaire textuelle du français [p. 490-503 et p. 559-561].
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2.2.2.2. Les catégories de la langue

Les catégories grammaticales sont des points de vue correspondant à des êtres, des objets, des notions, des concepts, etc.; points de vue relatifs à une langue qui assurent la cohérence et la cohésion, entre autres par la congruence (ou l'accord), des monèmes formant un énoncé : ce sont des classes conceptuelles. Ces catégories sont des noeuds d'opérations ou de relations entre les catégorèmes prédicatifs (ou morpho-syntaxiques) et les syncatégorèmes transprédicatifs (ou syntactico-sémantiques). Les principales catégories de la langue sont le genre, le nombre, la personne, le temps, le mode, la modalité, l'aspect et la voix.

2.2.2.2.1. Le genre

Le genre a son fondement dans le nom; du genre du nom dépendra le genre du déterminant ou du pronom, de l'adjectif ou du participe passé. C'est parfois le genre qui permet de distinguer deux noms homonymes. Le genre d'un nom est une donnée lexicale, qu'il faut donc connaître ou apprendre. Le genre masculin est plus ou moins le genre neutre, alors que le genre feminin est le genre marqué. Le genre ne se confond pas avec le sexe, même s'il peut le recouper. Entre le nom et le déterminant, l'accord en genre est de proximité; mais avec le pronom, l'adjectif et le participe passé, il pourra être un accord à distance. Le genre de l'adjectif n'est pas une donnée lexicale mais une donnée grammaticale; le féminin est formé par l'ajout d'un morphème grammatical (le féminin du suffixe par exemple ou le "e" modifiant la consonne finale).

2.2.2.2.2. Le nombre

Contrairement au genre, le nombre n'est nullement une donnée lexicale et il n'a donc rien à voir avec le dictionnaire. C'est cependant aussi dans la classe du nom que le nombre prend la réalité du singulier (ensemble d'éléments) ou du pluriel (éléments de l'ensemble). Le singulier est le nombre plus ou moins neutre, alors que le pluriel est le nombre marqué, le "s" final étant toutefois surtout une marque écrite. Le nombre modifie le signifié du seul nom; des autres catégories, il ne modifie que le signifiant. La réalité du nombre n'est connue que du nom, mais la marque du pluriel peut affecter d'autres catégories : le déterminant, le pronom, l'adjectif et le verbe. Alors que le genre peut être neutralisé par l'élision de l'article (ou par la modification du déterminant possessif ou démonstratif devant un nom ou un adjectif commençant par une voyelle ou un "h" vocalique), le nombre est parfois "surmarqué" ou "re-marqué" par la liaison. Enfin, mettre au pluriel un nom propre généralement singulier a pour effet d'en diminuer le nombre de traits lexicaux et donc de le stéréotyper ou de le transformer en nom commun.

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Weinrich. Grammaire textuelle du français [p. 51-52].
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2.2.2.2.3. La personne

La personne est l'indication du rôle textuel que joue le communicant dans une situation d'énonciation donnée. Les communicants sont les trois personnes grammaticales : la première personne est le destinateur, le locuteur, l'émetteur ou l'énonciateur; la deuxième personne est le destinataire, l'auditeur, le récepteur ou le co-énonciateur; la troisième personne est le référent, le contexte, l'horizon ou le site. Les noms étant toujours de la troisième personne, il n'y a que les pronoms personnels et possessifs et les verbes qui soent véritablement marqués par la personne, qui est elle-même déjà marquée par le genre et le nombre du nom s'il y a lieu. La conjugaison des verbes est une indication de la personne. Évidemment, la (troisième) personne est particulièrement introduite par les noms propres des individus : interpellation, identification, présentation, apposition, apostrophe, titres ou simples appellatifs. Les pronoms ne se distinguent, en genre, qu'à la troisième personne et les deux premières personnes, sauf par la personnification, excluent les choses. C'est par la personne que sont possibles la pronominalisation (du nom) et la renominalisation (du pronom), celle-ci ne se confondant pas avec la pré-ponominalisation ou la pronominalisation anticipée.

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Weinrich. Grammaire textuelle du français [p. 71-75].
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Par ailleures, des pronoms comme "nous", "vous" ou "on" peuvent brouiller ou embrouiller le nombre de la personne : il y a alors transfert de personnes; quant au "il" dit impersonnel ou unipersonnel, c'est un «morphème d'horizon» : c'est la «personne d'univers» et non le référent de la troisième personne; cet horizon peut être naturel, situationnel, social, textuel ou contextuel. Ce "il" est un morphème de topicalisation (thématique), alors que "ce" en est un de focalisation (rhématique).

2.2.2.2.4. Le temps

Dans un énoncé, le temps peut être indiqué par un nom (une date), par un adverbe ou par le temps du verbe. Le temps verbal ne se confond pas avec le temps chronologique ou psychologique ou le temps vécu. Il y a pourtant les temps verbaux du passé (le passé simple ou défini et le passé composé ou indéfini, le passé antérieur et le plus-que-parfait, ainsi que l'imparfait), le temps verbal du présent et les temps verbaux du futur (le futur simple et le futur antérieur, le conditionnel présent et le conditionnel passé ou antérieur). Les temps se distinguent aussi selon la perspective, qui est neutre (présent, imparfait, passé simple) ou différenciée; si elle est différenciée, elle peut être rétrospective (passé composé, plus-que-parfait, passé antérieur) ou prospective (futur, conditionnel). La perspective temporelle concerne la distinction entre le temps de l'énonciation (ou de la narration/description) et le temps de l'énoncé (ou de l'action/fiction : l'actance); distinction qui peut être neutralisée. Les temps verbaux se distinguent en outre selon le registre, les temps du commentaire étant le présent, le passé composé et le futur; alors que les temps du documentaire sont l'imparfait, le passé simple, le plus-que-parfait, le passé antérieur et le conditionnel. C'est donc le registre qui différencie le passé composé du passé simple et le futur du conditionnel. Le registre temporel est la manière ou l'attitude de locution envers l'énoncé, attitude que le locuteur cherche à faire partager à l'auditeur : dans le commentaire, l'attitude commande la participation, l'attente, l'entente ou la tension; dans le documentaire, elle permet le dégagement, la distance, la détente ou une attention sans tension. C'est pourquoi le documentaire laisse davantage libre cours à l'imagination de l'auditeur ou du lecteur... Les temps verbaux se distinguent enfin selon la mise en relief (le focus ou le foyer), l'imparfait et le plus-que-parfait étant les temps de l'arrière-plan, et, le passé simple et le passé antérieur, les temps de l'avant-plan; c'est donc le relief temporel qui différencie le passé simple de l'imparfait sous le même registre du documentaire : par l'imparfait il y a topicalisation (ou thème), par le passé simple il y a focalisation (ou rhème). L'avant-plan n'est pas nécessairement le premier plan : la description des états, du paysage, du décor, de l'atmosphère de la scène ou des sentiments peut prévaloir sur la narration des actions, de l'anecdote, de l'intrigue ou des faits...

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Weinrich. Grammaire textuelle du français [p. 121-139].
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2.2.2.2.5. Le mode

Que les temps soient distingués selon la perspective, le registre et la mise en relief veut aussi dire qu'ils sont définis par le mode, c'est-à-dire par la vision (ou le point de vue) de l'énonciation par rapport à l'énoncé ou de la situation par rapport à l'horizon du site. Les marques des modes sont des morphèmes grammaticaux ajoutés aux lexèmes verbaux, les auxiliaires de conjugaison étant eux-mêmes de tels morphèmes. Il faut distinguer les modes nominaux, qui n'ont pas le pouvoir d'exprimer le temps par la personne, et les modes verbaux, qui ont ce pouvoir d'engendrer des formes personnelles. Les modes nominaux sont des modes non personnels et non temporels; ils sont "idéels"; ce sont : l'infinitif, le participe et le gérondif. L'infinitif est la forme substantive du verbe; il peut ainsi être facilement nominalisé. Le participe est la forme adjective du verbe; mais il ne faut pas confondre l'adjectif verbal, qui n'admet pas de complément, et le participe présent. Le gérondif (construit avec "en") se distingue du participe présent en ce qu'il fonctionne comme un complément de circonstance. Les modes verbaux comprennent les modes personnels et non temporels, le subjonctif et l'impératif, et le mode personnel et temporel, l'indicatif. Le subjonctif est le mode "virtuel" ou "éventuel"; l'impératif, qui est défectif, est le mode "actuel" du discours ou de l'action; l'indicatif est le mode "réel", actualisé ou réalisé du procès (au présent ou par rapport au présent). Les quatre «tiroirs verbaux» (présent, passé, imparfait, plus-que-parfait) du subjonctif ne sont pas véritablement des temps : l'époque n'y est pas précisée; l'interprétation l'emporte sur l'actualisation.

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Wagner et Pinchon. Grammaire du français classique et moderne [p. 303-378].
Baylon et Fabre. Grammaire systématique de la langue française [p. 76-86 et p. 97-158].
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2.2.2.2.6. La modalité

La modalité est la «catégorie d'évaluation» que l'énonciateur assigne à la relation établie entre les termes de son énoncé. Les valeurs de la modalité peuvent être la possibilité, la probabilité, l'hypothèse, le doute, la croyance ou la confiance du côté de l'incertitude ou du degré d'incertitude, et l'affirmation, qui peut être assertion ou négation, du côté de la certitude; l'interrogation et l'injonction sont aussi des modalités de l'énoncé.

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Jacqueline Guillemin-Flescher. Syntaxe comparée du français et de l'anglais; problèmes de traduction. Ophrys. Paris; 1981 (552 p.) [p. 460-464].
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Les modalités sont souvent introduites par des auxiliaires modaux suivis d'un infinitif, par des semi-auxiliaires comme "pouvoir", "savoir", "devoir", "vouloir", "falloir" et "croire" (ou ses parasynonymes), qui sont des «auxiliaires de modalité».

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Weinrich. Grammaire textuelle du français [p. 188-200].
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Alors que la modalisation est l'opération par laquelle il y a prise en charge de l'énoncé par l'énonciateur ou par laquelle l'énoncé est évalué par l'énonciation, qui lui assigne ainsi une valeur, la modulation est le mécanisme par lequel l'énoncé est ponctué par l'élocution, l'intonation, le rythme, l'ordre, le registre syntaxique ou le répertoire lexical. La modulation est la prosodie de la modalisation.

2.2.2.2.7. L'aspect et la voix

Il n'y a de mode et de modalité que parce qu'il ya visée, c'est-à-dire direction ou orientation, origine ou destination du procès, que celui-ci soit état (sans changement ou déroulement) ou processus (avec changement ou déroulement); cette visée qui est imprégnée à l'énoncé par l'énonciation, c'est l'aspect. Celui-ci peut être perfectif (accompli) ou imperfectif (inaccompli), instantané (ponctuel) ou duratif, itératif, inchoatif, progressif, etc. Selon l'aspect, la forme du verbe sera simple, composée ou surcomposée, absolue (primaire) ou relative (dérivée). Mais l'aspect n'est pas seulement lié à la forme verbale, mais aussi au sémantisme de certains verbes (au contenu aspectuel) et au contenu lexical ou morphologique de certains noms (formes avec des affixes par exemple ou exprimant un procès), d'adverbes ou de périphrases verbales (incluant un semi-auxiliaire). L'aspect ne saurait donc être dérivé du mode et du temps (verbal) : il n'est pas que morphologique ou morpho-syntaxique; il est syntaxique et sémantique, comme la voix, dont la forme active ou passive n'est jamais qu'une dimension discursive. L'aspect et la voix ne sont pas des phénomènes de discours ou de surface, c'est-à-dire d'énonciation énoncée ou de communication (transcendante); ce sont les phénomènes de langue les plus profonds, en ce qu'ils sont le temps même -- la «chronogenèse» du «temps opératif» -- de l'énonciation (immanente) présupposée par l'énoncé. Avec l'aspect et la voix, le temps du langage, donc de la parole, n'est plus celui du seul temps du verbe de la langue et, a fortiori, du discours. C'est pourquoi la voix, comme la modalité et l'aspect, déborde le verbe et elle se répercute jusque dans l'adverbe, le joncteur et même l'interjection.

Pour récapituler, il serait possible d'en arriver à une sorte de tableau ou de table de concordance des parties morpho-syntaxiques du discours et des catégories grammaticales de la langue. Le rôle de pivot du verbe en ressortirait, ainsi que le statut de base du nom; d'autre part, que les morphèmes soient si peu marqués par les catégories grammaticales, contrairement aux lexèmes, veut tout simplement dire qu'ils sont en eux-mêmes grammaticaux -- ce qui leur confère une importance d'autant plus grande. Enfin, il faudrait noter que les catégories grammaticales débordent du mot vers la phrase.

2.2.3. La syntaxe

La syntaxe a pour objet la génération et l'enchaînement des monèmes dans un énoncé, une phrase, un texte. Elle est l'organisation des paradigmes lexicaux en syntagmes et la structuration de la forme de l'expression (ou du signifiant) par la forme du contenu (ou du signifié). La principale opération syntaxique (ou syntactico-sémantique) est le repérage grammatical, qui permet de renvoyer ce qui est repéré (le texte) à ce qui est son (point de) repère (le cotexte, le contexte, le site ou la situation). Le repérage grammatical peut donc être seulement contextuel : il correspond alors au mécanisme du débrayage anaphorique (et cataphorique); il peut être autrement situationnel : il correspond alors à l'embrayage déictique. Le repérage est ainsi diaphorique : il porte, transporte et supporte le sens à travers la signification; s'il ne renvoie qu'au site, il est endophorique, s'il renvoie à toute la situation, il est exophorique. Le brayage (et le balayage) qu'est le repérage permet de distinguer les unités et les fonctions dans un parcours syntaxique donné.

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Lemelin. «L'archétexte». Oeuvre de chair [p. 105-112].
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2.2.3.1. Les unités syntaxiques

Dans un texte, il peut y avoir plusieurs paragraphes et dans un paragraphe, plusieurs énoncés. L'énoncé peut être complexe et réunir quelques énoncés simples, surtout par la subordination; l'énoncé complexe est l'intersection de la proposition et de la phrase. L'énoncé (simple) est la principale unité syntaxique, par laquelle il y a position de la proposition et jonction des fonctions; jonction qui peut être de contact ou à distance. Alors que la lexie est le lexème mémorisé, la syntaxie est le syntagme ou le modèle syntaxique mémorisé. Un énoncé simple comprend un «nucléus» (ou un noyau) et des éléments marginaux, qui peuvent s'y ajouter et le compléter. Le nucléus, qui est obligatoire, comprend une base et un prédicat. La base est l'élément posé (le sujet), alors que le prédicat est ce qui est dit de la base.

Doivent maintenant être distinguées les unités formelles et les unités fonctionnelles. Le syntagme est la combinaison de quelques lexies; dans un énoncé, un syntagme -- ou un «synthème» : «monème conjoint» -- forme ou devient un fonctème nominal, adjectival ou verbal, qui assure la fonction correspondante. En français, la base a toujours la forme nominale ou pronominale; mais le prédicat peut être un fonctème nominal, adjectival ou verbal. Un syntactème est la combinaison de fonctèmes formant énoncé; un texte est la combinaison de syntactèmes. Le fonctème est donc une unité fonctionnelle, comme l'énoncé et la lexie; alors que le nucléus est une unité formelle, comme le syntagme et le mot. Au niveau de la forme du contenu, un syntactème "amalgame", par les fonctèmes, les parties du discours et les catégories de la langue dans les fonctions.

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Pottier. Linguistique générale [p. 33-34 et p. 223-297].
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2.2.3.2. Les fonctions syntaxiques

Déjà avec les catégories grammaticales que sont le mode, la modalité, l'aspect et la voix, ressortent diverses fonctions syntaxiques, plus particulièrement les rôles actantiels et la valence du verbe. Parmi les rôles textuels, les actants se distinguent des rôles rédactionnels que jouent plus ou moins les communicants, auxquels ils sont cependant toujours amalgamés en français. Les actants centraux sont le sujet, le partenaire et l'objet de l'actance. Le sujet est l'origine de l'action et le partenaire est le co-actant qui peut être destinataire ("à") ou bénéficiaire ("pour"). La conjugaison est régie par le sujet, même si elle peut être défective. Ces trois actants peuvent être nominaux ou pronominaux. L'allié et l'opposant (qui sont des actants animaux), ainsi que l'auxiliaire et l'obstacle (qui sont des actants non animaux) sont des actants satellites.

D'après le nombre et la nature des actants qu'il peut admettre, un verbe se distinguera selon sa valence, la puissance d'attraction ou de répulsion de l'objet, qui caractérise la situation actantielle. Il y quatre valences verbales :
1°) la (mono)valence-sujet, où le verbe ne peut avoir qu'un actant, le sujet;
2°) la (bi)valence-sujet/objet, où le verbe peut avoir deux actants, le sujet et l'objet;
3°) la (bi)valence-sujet/partenaire, où le verbe peut aussi avoir deux actants, le sujet et le partenaire;
4°) la (tri)valence-sujet/partenaire/objet, où le verbe peut avoir trois actants.
D'une certaine manière, il y a «avalence» des verbes personnels ou unipersonnels; il y a «tétravalence» quand il y a un intermédiaire entre le sujet ou l'objet et le partenaire. Les verbes monovalents sont en quelque sorte intransitifs, n'admettant pas d'objet et n'ayant pas de forme passive; ce sont souvent des verbes exprimant la vie physique et psychique, des verbes de mouvement (exprimant aussi la vie physique) ou des verbes désignant un phénomène naturel comme le temps (et étant donc utilisés avec le morphème-horizon "il"). Le verbe "être" comme copule est monovalent : c'est un prédicatif qui admet des prédicants (noms ou adjectifs). Les verbes plurivalents peuvent être monovalents; ils sont le surclassement des verbes monovalents, la monovalence (intransitive) commandant donc la plurivalence (transitive). La bivalence sujet/objet ajoute la disposition à la prédication (monovalente) : le verbe "avoir" est de ce type; ces verbes bivalents sont donc transitifs. Le sujet et l'objet peuvent être des choses ou des personnes; à l'objet, peut être ajouté un prédicant nominal ou adjectival. Il y a évidemment des verbes qui peuvent être transitifs et intransitifs; si c'est la valence qui définit le verbe, ce sont donc alors deux verbes différents d'un point de vue syntaxique. La bivalence sujet/partenaire est une question de destination ("à") au niveau lexical même de la signification du verbe; les verbes semblables sont assez rares : ils sont d'une certain manière intransitifs (ou transitifs indirects). La trivalence sujet/partenaire/objet est la réunion des deux bivalences dans la co-actance; les verbes y sont transitifs.

La valence textuelle d'un verbe peut dévier du code lexical par sur-valence, où s'ajoute un actant à la valence du verbe, ou par sous-valence, où c'est l'inverse et dont la forme passive est une réalisation et qui est seulement possible avec la bivalence sujet/objet et avec la trivalence sujet/partenaire/objet, donc seulement avec les verbes transitifs. Quant à la réflexivité (pronominale), elle caractérise une manière particulière d'amalgamer les actants et les communicants : il y réflexivité quand deux actants, le sujet et l'objet ou le partenaire, sont amalgamés au même communicant (qui est alors aussi le même individu comme personne ou chose). Dans la réflexivité sujet/partenaire, il y a autoréflexivité ou autodestination, le sujet (destinateur) étant son propre destinataire; dans la réflexivité sujet/objet (avec un verbe transitif), il y a autodisposition si l'individu est une personne. Tous les verbes plurivalents peuvent avoir un emploi réflexif et certains ont une variante réflexive -- on parle alors de verbes réfléchis -- et une variante non réflexive.

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Weinrich. Grammaire textuelle du français [p. 83-116].
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Selon les rôles actantiels et selon la valence du verbe, les fonctèmes seront articulés de manière à former un syntactème, c'est-à-dire un énoncé ou une phrase. Pour cela, les fonctèmes peuvent être élargis par des groupes. Par exemple, le fonctème nominal peut être élargi par un groupe adjectival (avec ou sans adverbe) ou par un groupe complément du nom, qui peut être épithète, en apposition, indirect, etc. Il peut y avoir élargissement du fonctème verbal par un adverbe, par un complément d'objet (direct ou indirect) ou par un complément circonstantiel (temps, manière, cause, but, conséquence, condition, concession, comparaison, apposition, restriction, etc.). Le complément du nom et le complément du verbe, ainsi que l'attribut du sujet ou de l'objet, peuvent transformer la phrase simple en une phrase étendue (déclarative, négative, impérative, passive, interrogative, exclamative, emphatique, etc.) et, de là, en une phrase complexe. Dans une phrase complexe, il y a une ou plusieurs propositions subordonnées : relatives (déterminatives ou appositives), complétives (conjonctives, infinitives, interrogatives indirectes, etc.) ou circonstancielles; les propositions sont des syntactèmes. Le texte, lui, est le développement et l'enveloppement de la phrase.

Après avoir découpé l'énoncé complexe en énoncés simples et après avoir identifié les éléments de l'énoncé simple et avoir distingué la base et le prédicat à l'intérieur du nucléus, l'analyse syntaxique complète l'analyse morphologique (ou morpho-syntaxique) en s'attardant aux fonctèmes et aux groupes; l'étude des fonctions doit être complétée par une étude des propositions et celle de la phrase, par celle du texte.

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Wagner et Pinchon. Grammaire du français classique et moderne [p. 499-619].
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2.2.4. La sémantique

Avec la sémantique s'achève l'étude de la forme du contenu et, de là, de la signification. Il ne sera pas question ici des sémantiques non linguistiques (philosophique, logique, mathématique), mais il faut quand même faire remarquer qu'avec la sémantique, la linguistique déborde de ses frontières et touche, entre autres disciplines, à la sémiotique. La sémantique (linguistique) sera définie comme étant l'étude de l'articulation de la signification et du sens et, ainsi, de l'articulation du vocabulaire et de la grammaire. Sont distinguées une sémantique analytique ou sémique, qui a pour objet le signifié des monèmes (plus particulièrement des lexèmes), et une sémantique synthétique ou schématique, qui a pour objet le signifié des énoncés (plus particulièrement des syntactèmes); la première pourrait être dite "lexicale" sans être seulement de la lexicologie, alors que la seconde est "grammaticale", allant jusqu'au signifié des morphèmes. Une sémantique globale étendra son étude jusqu'au texte... Mais avant d'être globale ou totale, une sémantique doit être fondamentale et radicale : elle est à la recherche de la racine du sens; racine qui peut être origine ou non, quête de l'origine plutôt qu'origine de la quête. Le sens est au fondement -- ou au non-fondement -- de la signification conduisant à la communication; le sens est davantage trajectoire qu'origine ou destination, trajet plutôt que projet et objet. La signification n'est jamais qu'effets de sens et la communication, effets de signification. C'est pourquoi il vaut mieux parler du langage du sens -- le texte-en-situation ou l'animalité et l'oralité de la textualité -- que du sens du langage : le langage n'a pas de sens, mais le sens a un langage, est langage. Le sens est monde et langage... Le sens inclut la référance au monde (naturel), celle-ci comprenant la référence comme désignation ou dénotation, renvoi au référent comme «unité culturelle», et la signifiance, c'est-à-dire ce par quoi il y a destination (et articulation) de la communication et de la signification, de l'expression et du contenu, du discours et de la langue, du signifiant et du signifié, etc. La signifiance est à la référance ce que l'immanence est à la transcendance; c'en est l'essence ou l'évidence irréductible. L'intersection de la référance et de la signifiance est un objet particulier de la sémantique; c'est la connaissance propre à l'existence de l'homme et donc à la pensée.

2.2.4.1. L'analyse sémique (et sémémique)

La sémantique est un investissement du lexique et de la syntaxe; par rapport au lexique, cet investissement est sémique. Jusqu'à un certain point, le lexique, comme mémoire de la langue, est une nomenclature, une terminologie inventoriée par les dictionnaires. Cette nomenclature peut être structurée ou organisée en classes correspondant à une taxinomie comprenant divers taxèmes, un taxème étant un paradigme sémantique ou un «ensemble en fonctionnement», dont les éléments sont des taxes. Les parties du discours et les catégories de la langue sont en quelque sorte des taxèmes grammmaticaux, de même que les unités et les fonctions syntaxiques conduisant à des relations, à des formulations ou à d'autres structurations capables de servir de modèles; un groupe de taxèmes lexicaux, des lexèmes, peut constituer un «domaine d'expérience» et un lexème peut faire partie de plusieurs domaines, surtout sous l'effet de la «culture ambiante». Au niveau des désignations, les taxèmes lexicaux pourront se retrouver dans des relations paradigmatiques (d'opposition ou d'inclusion) ou des relations syntagmatiques (de participation ou d'association), selon la détermination du domaine d'expérience comme champ sémantique cadastré ou quadrillé par une isotopie. Mais avant la léxémisation, on ne peut pas encore parler de lexèmes, qui n'y sont encore que des «nébuleuses», des «amalgames» ou des «agglomérats» sémiques instables : des lexes -- conceptions d'avant toute conceptualisation ou pré-concepts...

Nous avons vu, au niveau phonologique de la forme de l'expression, que les traits qui distinguent les phonèmes sont des phèmes et qu'un ensemble de phèmes est un phénème correspondant à un phonème; en outre, l'intersection des phémèmes d'une série est un archiphémème définissant un archiphonème. Au niveau sémique de la forme du contenu, il est possible de procéder de la même manière : les sèmes distinguent les lexèmes ou même les morphèmes entre eux; un ensemble de sèmes constitue un sémème correspondant à un monème (lexème ou morphème); l'intersection des sémèmes est un archisémème correspondant à un archimonème ou, plus particulièrement, à un archilexème. Nous avons aussi vu que dans un sème, il y a des sèmes constants (ou dénotatifs : descriptifs ou applicatifs) et des sèmes variables (ou connotatifs); parmi les sèmes constants, il y a un «noyau sémique», c'est-à-dire un ensemble de sèmes génériques qui est le classème; les sèmes variables ou virtuels constituent le virtuème. Le sémantème et le virtuème sont microsémantiques et le classème est mésosémantique. Au niveau sémantique (et donc sémique), il y a un binarisme du "non" et du "oui", du posé et du présupposé, de l'avant et de l'après, de l'hypothèse et de la thèse, du prospectif et du rétrospectif, de l'infini et du fini : du - et du +. Ces catégories sont des valeurs. Nous savons que les morphèmes font partie d'une classe finie ou fermée, alors que les lexèmes font partie d'une classe presque infinie ou ouverte; c'est donc dans l'étude des lexèmes que l'analyse sémique (et sémémique) est la plus efficace et la plus productive...

Généralement, la dénotation et la connotation du sémème varient en sens inverse : plus il y a de compréhension ou d'intension de la dénotation, moins il y a d'extension de la connotation et vice versa; un terme dit concret (comme "microscope") a moins d'extension et plus d'intension qu'un terme abstrait ("comme liberté") : un terme technique a peu d'extension, comme le nom propre (dont le sémantème est très chargé). Ce peut être la même chose pour des catégories grammaticales : le singulier a plus d'extension que le pluriel (qui a plus d'intension, donc de sèmes spécifiques); c'est la différence entre le neutre (extensif) et le marqué (intensif).

Au niveau du classème, nous retrouvons souvent de grandes classes comme : inanimé/animé, non-humain/humain, mâle/femelle, collectif/individuel, etc., le deuxième terme étant le terme marqué. Quant au virtuème, il varie selon le contexte, le site et la situation, donc aussi selon les interlocuteurs et leur univers de croyances et de connaissances. Le virtuème est ainsi tributaire de certains acquis culturels et socio-historiques; mais il peut accéder à la compétence, c'est-à-dire à la mémoire lexicale : c'est un peu le rôle de l'éducation de faire partager les connotations -- d'user de métaphores et de les user (comme c'est le cas avec la fonction connotative en poésie et en publicité)...

Alors que l'analyse sémique correspond au niveau phonologique de la forme de l'expression, la sémantique schématique correspondrait à son niveau morphologique; elle étudie les mécanismes de construction, d'intégration ou de dérivation morphologique : la formation des monèmes par l'ajout de morphèmes lexicaux aux lexèmes, dans la préfixation et la suffixation par exemple. La sémie sera alors la «substance sémantique» d'une lexie comme "constructeur". La sémantique schématique poussera son analyse jusqu'à l'énoncé et au paragraphe, où des schèmes d'entendement de nature logique (ou syntactico-sémantique) interviennent.

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Pottier. Linguistique générale [p. 61-105 et p. 143-156].
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2.2.4.2. La structure élémentaire de la signification

De la forme de l'expression à la forme du contenu, il faut constater qu'il y a moins de contraintes : la sémantique est moins stable, très combinatoire par rapport à la phonologie, qui est très contrainte par le petit nombre de phonèmes (malgré la grande diversité ou complexité phonétique); la syntaxe, elle, est une combinatoire très contraignante mais fort stable.

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Pottier. Linguistique générale [p. 28-29].
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L'instabilité de la sémantique et sa grande combinatoire lui viennent de la très grande généralité ou abstraction de son fondement, c'est-à-dire du caractère élémentaire ou primaire de la signification. Fondamentale, la structure élémentaire de la signification est une organisation très abstraite des valeurs, c'est-à-dire des catégories sémantiques binaires, un système de valeurs constituant une axiologie. Il y a ainsi des micro-univers sémantiques avant tout univers de discours, qui est la surface de l'univers. Au sein de ces micro-univers, peuvent être distingués des univers sémantiques (ou des totalités de signification) et des universaux sémantiques qui sont indéfinissables et qui sont des structures axiologiques élémentaires. L'axiologie de l'univers collectif ou sociolectal concerne le rapport entre la nature et la culture et donc la survie de l'espèce; l'axiologie de l'univers individuel ou idiolectal concerne le rapport entre la vie et la mort et donc le sexe de l'individu. Quant à la structure axiologique figurative, elle concerne le rapport entre les quatre éléments de la nature : feu/air/eau/terre.

Il peut y avoir projection de la structure élémentaire de la signification sur le carré sémiotique; c'est ce que l'on appelle le modèle constitutionnel, qui est sémantique et syntaxique. Le carré sémiotique est le modèle d'organisation de la signification ou la représentation visuelle de l'articulation logique d'une catégorie sémantique (comme "nature/culture" ou "vie/mort"); c'est un réseau relationnel ou une typologie des relations élémentaires, qui sont :

1°) la contradiction, qui est la négation, par disjonction, de l'assertion d'un sème par un autre sème;

2°) la complémentaire, qui est l'implication, par conjonction, de la contradiction;

3°) la contrariété, qui est la relation d'opposition ou de présupposition réciproque constitutive de la catégorie sémantique.

Se distinguent ainsi l'axe des contraires et des subcontraires, le schéma positif ou négatif et la deixis positive ou négative. Comme dénégation, la deixis est la dimension fondamentale du carré sémiotique; c'est celle de l'investissement thymique, pathique, phorique, proprioceptif, d'avant toute assertion; c'est la présupposition à la racine de toute (pro)position. Ainsi les deixis commandent-elles les schémas, qui commandent eux-mêmes les axes...

À partir du modèle constitutionnel, les valeurs sémantiques se transforment en thèmes et les univers axiologiques en champs : l'intersection des thèmes d'un même champ sémantique ou ce qu'il y a de commun et en assure la cohérence (par la redondance) est une isotopie, qui est une sorte d'archisémème des archisémèmes, l'isosémie étant la redondance du même sème. C'est l'isotopie qui permet d'identifier les systèmes d'idées que sont les idéologies politiques, sociales, morales, religieuses, littéraires, artistiques, etc., dont il sera possible de reconnaître les figures rassemblées dans des champs lexicaux et dont les termes pourront varier selon la terminologie d'un idiome ou selon son usage. Ce qu'il y a donc de commun aux champs lexicaux d'un même champ sémantique, c'est l'isotopie qui s'y répète, d'un paradigme à l'autre mais de manière syntagmatique dans un texte. En d'autres mots, une isotopie peut être figurative (lexicale) ou thématique/sémantique. L'isotopie est la rection axiologique de l'idéologie et la direction idéologique de la terminologie. Entre l'axiologie et la taxinomie, l'isotopie est le devenir-thymique du véridictoire (en Occident) ou le devenir-véridictoire du thymique (en Orient)...

2.3. PROBLÈME

Ce qui complique l'analyse de l'articulation du vocabulaire et de la grammaire, ainsi que de la signification et du sens, c'est que la grammaire est à la fois objet d'étude linguistique et étude de l'objet linguistique. Mais cela est sans doute significatif du fait qu'une langue est déjà elle-même une théorie; cette théorie, c'est la langue comme grammaire, comme signification. Là réside en outre la principe d'immanence de la linguistique comme science.

2.4. BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Bergeron, Richard. Initiation à la phonétique. Centre de Psychologie et de Pédagogie. Montréal; 1956 (152 p.)
Cordemoy, Gérard de. Discours physique de la parole. Bibliothèque du Graphe (Supplément au numéro 9 des Cahiers pour l'Analyse). Paris; été 1968 [1704, 1666] (XVI + 88 p.)
Encrevé, Pierre. La liaison avec et sans enchaînement; phonologie tridimensionnelle et usages du français. Seuil (Travaux linguistiques). Paris; 1988 (320 p.)
Fonds Gustave Guillaume. 4e Colloque de psychomécanique du langage. Université Laval. Québec; 15-16 mai 1990 (photocopié).
Greimas, A.J. Sémantique structurale; recherche de méthode. Larousse (Langue et langage). Paris; 1966 (264 p.)
Greimas, A.J. Du sens; essais sémiotiques. Seuil. Paris; 1970 (320 p.)
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Tutescu, Mariana. Précis de sémantique française. Editurica Didactica si Pedagogica/Klincksieck. Bucarest-Paris; 1975 (216 p.)

3. THÉORIE DU DISCOURS

Au delà de l'énoncé ou de la phrase, la sémantique rejoint la rhétorique, la poétique et la stylistique ou la pragmatique. La rhétorique réduit la signification à la communication; la pragmatique assimile l'énonciation à la communication. Un texte est un procès de signifiance; dans un texte, la signifiance est un procès de liaison : le discours est ce qui lie et relie divers éléments de la grammaire et du vocabulaire de manière particulière et manifeste ou superficielle; la manifestation est la performance du discours rendue possible par la compétence de la langue : c'est le discours de la transcendance, dont l'essence est la langue de l'immanence. Sans pour autant proposer une typologie des discours, sont ici distingués les discours linguistiques et les discours esthéthiques, ainsi que les figures (rhétoriques) et les actes (pragmatiques) du discours.

3.1. LES DISCOURS LINGUISTIQUES

Le principal discours linguistique est le discours direct (transitif) : il met en scène un "je" (locuteur) et un "tu" (allocuteur ou interlocuteur) dans une situation de dialogue, qui peut être aussi théâtrale, romanesque, cinématographique, télévisuelle, etc.; c'est donc le discours ou le style de la conversation entre personnes ou personnages. C'est le discours de la citation (rapportée ou imitée); quand il est parlé, il se caractérise par son intonation (exclamation, interrogation, interjection); quand il est écrit, il a ses marques : verbes déclaratifs et signes diacritiques (guillemets, tirets, deux-points). Parlé ou écrit, tous les temps du verbe, sauf le passé simple, y sont utilisés et y abondent les déictiques, renvoyant à la situation d'énonciation et caractéristiques des fonctions émotive et conative; c'est un discours surtout embrayé.

Le discours indirect (aussi transitif) met en scène aussi le "il" en tant que locuteur (et non pas interlocuteur), mais il n'implique qu'un seul locuteur. Alors que le discours direct est cité, le discours indirect est citant : c'est une assertion; il ne peut pas être interrogatif, exclamatif ou impératif. Parlé ou écrit, l'indirect a souvent besoin de la conjonction "que" après le verbe ou de la conjonction "si"; le passé simple y est possible et les déictiques y sont plus rares que les anaphores; c'est un discours à la fois embrayé et débrayé. À l'intérieur du discours indirect ne peut pas être utilisé le discours direct, mais l'inverse est courant.

S'il n'a pas de marques distinctives et qu'il est donc ainsi rapporté de manière immédiate, autonome et spontanée, le discours direct pourra être dit libre; c'est le cas du monologue intérieur, où domine la voix de l'acteur, alors que dans le discours indirect libre, domine encore la voix du narrateur. Prononcé ou non, parlé ou seulement pensé, le discours indirect libre brouille les frontières entre le rapporté et le transposé, entre le cité et le récité; il hésite donc entre le direct et l'indirect. Peut donc apparaître la discordance des temps, contrairement à la concordance qui caractérise le discours indirect lié.

Dans un texte, de la phrase au paragraphe, les discours direct, indirect et indirect libre tiennent de la distance narrative c'est-à-dire de l'attitude de locution intervenant entre le «monde commenté» et le «monde raconté».

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Harald Weinrich. Le temps; le récit et le commentaire. Seuil (Poétique). Paris; 1973 [1964] (338 - 2 p.) [p. 25-65].
Gérard Genette. Figures III. Seuil (Poétique). Paris; 1972 (288 p.) [p. 183-203].
Laurent Danon-Boileau. Produire le fictif; linguistique et écriture romanesque. Klincksieck. Paris; 1982 (184 p.)
Dominique Maingueneau. Éléments de linguistique pour le texte littéraire. Bordas. Paris; 1986 (VIII + 160 p.)
Marcel Vuillaume. Grammaire temporelle des récits. Minuit (Propositions). Paris; 1990 (128 p.)
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Le monde est commenté dans ou par le discours rapporté (immédiat, cité, récité), qui peut être un dialogue ou un monologue intérieur; c'est le développement du discours direct. Le monde est raconté par le discours narrativisé (médiat, différé, mentionné), qui peut être un monologue extérieur; c'est le développement du discours indirect. Mais le monde peut être commenté ou raconté par le discours transposé, qui interprète le rapporté et le narrativisé de manière (librement) indirect; c'est donc le développement de l'indirect libre. Le rapporté, le narrativisé et le transposé amplifient le direct, l'indirect ou l'indirect libre dans un «récit d'événements», où il s'agit plutôt de montrer et de conter, ou dans un «récit de paroles», où il s'agit davantage de dire. Raconter peut en somme consister en un monologue, en un dialogue ou en une narration (où alternent le monologue et le dialogue). Au delà du paragraphe se pose finalement la question du genre du texte.

3.2. LES DISCOURS ESTHÉTIQUES

Dans un genre débrayé comme l'épopée, le discours indirect et le discours narrativisé dominent; dans le drame et la tragédie, surtout embrayés, dominent le discours direct et le discours rapporté; dans le poème (embrayé), le direct libre apparaît; dans le roman (débrayé et embrayé), l'indirect libre, déjà présent dans l'épopée, se développe : ce ne sont évidemment ici que des tendances. Dans le discours lyrique, l'énonciation est réservée au poète-scripteur confondu avec le narrateur, lui-même parfois confondu avec l'auteur; y domine la situation du monologue : du "je". Dans le discours épique, l'énonciation alterne du narrateur aux acteurs, du monologue au dialogue; y dominent la situation de la narration et l'action : le "il". Dans le discours dramatique, l'énonciation est réservée aux acteurs; y domine le dialogue "je-tu" (entre acteurs, entre choeur et acteurs ou entre choeur et spectateurs). Le discours tragique, lui, est en quelque sorte l'essence (cathartique) des trois autres, si on ne le limite pas au genre qu'est le drame ou la tragédie. En résumé, le système des (archi)discours esthétiques ne doit pas être confondu avec le régime des (archi)genres que sont le poème, l'épopée (donc «l'épopée moderne» qu'est le roman), le drame et la tragédie; ce système se perpétue jusque dans un (archi)discours carnavalesque comme le grotesque ou dans un (archi)discours chevaleresque comme le romanesque (qui n'est pas le discours romantique).

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Lemelin. De la pragrammatique [p. 41-44].
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Il est évident que les discours esthétiques comme art et langage, comme langue et littérature touchent à l'institution et donc au rapport entre le corps et le texte; rapport qui se lie dans le corpus de l'interdiscours, sorte de forme devenue norme. Comme interdiscours, comme discours et parcours, comme récit constitutionnel, l'institution impose le système esthétique et le régime littéraire, en constituant un répertoire ou un palmarès de chefs-d'oeuvre ainsi qu'en adoptant un registre rhétorique de figures, selon les avatars de la mode...

3.3. LES FIGURES RHÉTORIQUES

Chez les Grecs de l'Antiquité, l'artistique (ou le technique) et le politique sont étroitement reliés; l'esthétique se prolonge dans une poétique et dans l'art du vers qu'est la poésie, qui ne se confond alors ni avec la littérature ni avec le poème et qui s'accompagne souvent de musique, celle-ci étant à l'âme ce que la gymnastique est au corps. Mais l'esthétique est aussi une partie de la dialectique, qui est l'art de discuter, de dialoguer, de converser et de convertir; c'est l'art de démontrer et de prouver, de disputer et de réfuter; c'est l'art d'argumenter, de manipuler, de persuader : c'est l'art de convaincre et ainsi de vaincre. C'est pourquoi la dialectique se continue dans la rhétorique et dans l'art de la prose qu'est l'éloquence. L'ancienne rhétorique doit donc être considérée comme étant l'art du discours et comme une théorie du bien penser et du bien parler; elle comprend cinq parties, la première et la dernière n'étant pas spécifiquement rhétoriques :
1°) la mémoire ["memoria"], qui est de l'ordre du rapport entre le langage et la pensée : il faut se remémorer, se souvenir, pour penser et parler; il faut aussi oublier;
2°) l'invention ["inventio"], qui consiste à trouver quoi dire; c'est proprement une méthode de découverte des arguments en vue de convaincre et d'émouvoir; c'est donc une méthode à la fois logique et psychologique qui fonctionne à la preuve et à l'épreuve, à l'induction et à la déduction; c'est la partie la plus proprement topique de la rhétorique (comme répertoire de thèmes à traiter);
3°) la disposition ["dispositio"] ou la composition (taxique, syntaxique) que l'on retrouve encore dans la dissertation (avec ou sans digression) et qui comprend elle-même quatre ou cinq parties : l'exorde ou le prologue, la narration, la confirmation et l'épilogue; plus passionnels, le prologue et l'épilogue font appel aux sentiments, alors que la narration et la confirmation sont plus démonstratives et font appel aux faits et aux jugements de la raison : la narration relate les faits et la confirmation en tire les conséquences; la description peut s'inscrire dans la narration;
4°) l'élocution ["elcutio"], plus lexicale, est la manière de mettre en mots la disposition; c'est la partie la plus rhétorique au sens strict ou restreint; c'est la théorie des figures de discours ou de style; c'est sans doute là où la rhétorique est le plus proche de la stylistique, du côté des ornements les plus superficiels et les plus artificiels ou artificieux;
5°) la diction ["actio"], qui consiste à jouer le discours comme un acteur, par les gestes et la prononciation, par la locution, par l'éloquence, par l'art oratoire...
Très en vogue chez les Romains et chez les Scolastiques au Moyen-Âge et jusqu'au XVIIe siècle, l'ancienne rhétorique s'est vue dépourvue de l'invention par la logique comme art de penser et la disposition a été absorbée par la grammaire comme art de parler et d'écrire. À la (nouvelle) rhétorique, il ne reste donc que l'élocution, que le registre des figures rhétoriques. La rhétorique s'affirme alors comme génologie, comme théorie ou typologie des genres, et comme tropologie, comme théorie des figures de mots.

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Roland Barthes. «L'ancienne rhétorique; aide-mémoire». L'aventure sémiologique. Seuil. Paris; 1985 (268 p.) [p. 85-165].
Gérard Genette. «Figures». Figures I. Seuil (Points # 74). Paris; 1966 (272 p.) [p. 205-221].
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À la connotation, qui est le contraire du métalangage, sont associées les figures de discours, que l'on appelle les métaboles, où se distinguent les figures de mots et les figures de phrases. Parmi les figures de phrases, il y a les métalogismes, du côté du signifié, et les métataxes, du côté du signifiant; parmi les figures de mots, il y a les métaplasmes, du côté du signifiant, et les métasémèmes, du côté du signifié. En fait, alors que les métalogismes concernent le rapport entre le signifié et le référent, les métasémèmes concernent le rapport entre le signifiant et le signifié.

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Groupe µ. Rhétorique générale. Larousse (Langue et langage). Paris; 1970 (208 p.) [voir tableau de la p. 49].
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Les métasémèmes sont des tropes. Les trois principaux tropes, les (archi)figures, ou les trois principales images sont la métonymie, la synecdoque et la métaphore. Du côté du mot à mot, du syntagme et du déplacement, la métonymie se caractérise par le transfert : du contenant au contenu, du signe au symbole, du lieu à l'objet, du possédé au possesseur, de la cause à la conséquence, du concret à l'abstrait, etc. Dans la métonymie, il y a dépendance externe du terme comparant et du terme comparé, qui sont donc dans une relation de combinaison, de voisinage, de contiguïté; la métonymie est un terme englobant. La synecdoque est une sorte de métonymie, où le genre peut être utilisé pour l'espèce (ou l'inverse), le singulier pour le pluriel (ou l'inverse), la partie pour le tout (ou l'inverse), la matière pour l'objet (ou l'inverse), le nom commun pour le nom propre (ou l'inverse), etc.; dans la synecdoque, il y a dépendance interne. La métaphore est le produit de deux synecdoques. Du côté du mot pour un mot, du paradigme et de la condensation, la métaphore se caractérise par la comparaison; le terme comparant et le terme comparé y sont dans une relation d'association, d'analogie (ressemblance), de similarité; de leur intersection interne résulte, par sélection de sèmes, le terme englobé qu'est la métaphore.

De la figure au fantasme ou du visage du désir à l'image du plaisir, peuvent être distingués des pôles, qui sont des tendances dominantes. Il y a le pôle métonymique de la prose et du roman, du réalisme, du naturalisme ou de l'hyperréalisme, de l'architectonisme (du cinéma à gros plans); c'est un pôle à connotations épiques. Il y a le pôle métaphorique du vers et du poème, du romantisme, du symbolisme et du surréalisme, du chromatisme (du cinéma à fondus); c'est un pôle à connotations lyriques. De même, il y a un pôle sous-métonymique, dans le «trouble de la contiguïté», qui se caractérise par une difficulté aphasique de réception ou de définition et donc par une carence de la syntaxe. Il y a un pôle sous-métaphorique, dans le «trouble de la similarité», qui se caractérise par une difficulté aphasique d'émission ou de dénomination et donc par une carence (paradymatique) du lexique. Enfin et à la limite, il y aurait un pôle sur-métonymique dans la théorie ou la science, dans la paranoïa ou le délire; il y aurait un pôle sur-métaphorique, dans la folie ou la schizophrénie, dans la psychose ou la démence. Dans le premier cas, il y aurait sur-ponctuation et dans le second, sous-ponctuation [...]

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Jean-Marc Lemelin. «Le poétique». La signature du spectacle ou De la communication. Ponctuation. Montréal; 1984 (208 p.) [p. LIX-LXX].
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3.4. LES ACTES PRAGMATIQUES

Pour la pragmatique, le langage est action et le discours est la mise en acte(s) de la langue. L'acte de langage est un ensemble d'actes communicatifs qui parlent le monde ou du monde à travers les propres conditions de la transmission dudit acte. L'acte de langage implique un objet, qui est le monde ou autre chose; un sujet, en (inter)action avec un autre sujet (individuel ou collectif); l'acte même comme geste et agir, comme activité explicite (avec contrat et consensus) ou implicicité (avec stratégie); le langage lui-même comme communication, comme jeu (avec des règles) impliquant un je dans une joute où il y a un enjeu...

Lorsque l'on prononce une phrase, il y a trois sortes d'actes de discours ["speech acts"] :
1°) l'acte d'articuler et de combiner des sons et des mots dans des propositions ou des phrases selon des règles grammaticales : c'est l'acte locutoire;
2°) L'acte d'instaurer un certain rapport avec des interlocuteurs, le fait de parler à et pour quelqu'un : c'est l'acte illocutoire, où se distinguent l'énoncé constatif dominé par l'informativité consistant à formuler ou à décrire une action, et, l'énoncé perfomatif dominé par la performativité où dire égale faire;
3°) l'acte de chercher à agir sur l'interlocuteur, à le pousser à réagir par la ruse, la manipulation, l'ordre, le conseil, etc., le fait de parler pour quelque chose : c'est l'acte perlocutoire, où domine l'énoncé impératif.
Pourraient aussi être autrement identifiés : l'acte de référence (correspondant à la fonction dénotative), l'acte de prédication (en appelant à la fonction métalinguistique) et l'acte illocutionnaire (impliquant les fonctions émotive et conative).

L'acte illocutoire de discours comprend un contenu propositionnel explicite (verbes performatifs, impératifs, première personne) ou implicite (sous-entendus, présuppositions, insinuations, implications, implicitations) et une force illocutionnaire commandant autant les prises de parole que les pauses, les regards, les attitudes, les postures, etc.; c'est donc une force praxémique et proxémique (ou kinésique). Selon la force illocutionnaire, se définissent différents actes illocutionnaires, dont les marques sont surtout des verbes :
1°) l'acte verdictif (ou évaluatif) de jugement, d'estimation, d'appréciation, d'évaluation;
2°) l'acte exercitif de pouvoir, de droit ou d'influence;
3°) l'acte promissif (ou commissif) d'action, d'intention, d'engagement;
4°) l'acte comportatif d'attitude;
5°) l'acte expositif du propos maintenu ou entretenu;
6°) l'acte prédictif de la prévision ou de la prophétie.
Les actes illocutionnaires cherchent à conduire à la persuasion, à la conviction, à la conversion par le moyen de l'assertion (déclaration), de l'interrogation (jeu de la question et de la réponse) et de la directive (commande); tous moyens qui ne peuvent se passer de l'argumentation comme maniement du raisonnement (postulat, preuve, exemple, explication, objection, justification, argument d'autorité, etc.) et manipulation du sentiment (demande, menace, souhait, désir, conseil, assentiment, flatterie, apologie, etc.); en outre, il doit y avoir une sorte de «principe de coopération», sans lequel il n'y a pas conversation et communication.

Le jeu de langage implique des règles et des contraintes, mais aussi une marge de jeu ou de manoeuvre; jeu du langage par lequel il y a une certain liberté de (re)cadrage ou de ponctuation de la situation. Le jeu de langage conditionne divers comportements :
1°) le comportement allocutif vise le destinataire; il peut être injonctif (ordre, interdiction, jugement), discriminatif (degré de connaissance, hiérarchie sociale, affectivité) ou sollicitatif (identification, qualification);
2°) le comportement élocutif concerne le rapport entre le destinateur et son énoncé; il peut être obligatif, possibilitif, volitif, opinitif (constat, savoir ou ignorance, conviction ou supposition), appréciatif ou dictif (déclaration, acceptation, aveu, engagement);
3°) le comportement délocutif renvoie à l'énoncé; il peut être assertif (évidence, probabilité, appréciation, approximation, interprétation, constatation), citatif (renvoi) ou allusif (rappel).

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Patrick Charaudeau. Langage et discours; éléments de sémiolinguistique (théorie et pratique). Hachette Université (Langue, linguistique, communication). Paris; 1983 (176 p.) [p. 58-66] et Grammaire de l'expression et du sens. Hachette (Éducation). Paris; 1992 (928 p.).
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Les verbes sont les mots du discours privilégiés par la pragmatique, mais il y en a beaucoup d'autres : contacteurs, indicateurs, articulateurs, connecteurs, modalisateurs, déclencheurs, marqueurs et autres opérateurs qui sont tous plus ou moins des index.

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Lemelin. Oeuvre de chair [p. 109-112].
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3.5. PROBLÈME

Par rapport à la linguistique, la rhétorique et la pragmatique sont des théories du discours (ou de la performance), auquel la langue (ou la compétence) se trouve ainsi réduite. La question est donc posée de savoir si la linguistique a besoin d'une pragmatique (au delà de la grammaire) ou d'une grammatique (en deçà de la grammaire); grammatique qui implique une narratique et une rythmique...

3.6. BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

Adam, Jean-Michel. Le texte narratif; traité d'analyse textuelle des récits (avec des travaux pratiques et leurs corrigés). Nathan-Université (Études linguistiques et littéraires). Paris; 1985 (240 p.)
Berrendonner, Alain. Éléments de pragmatique linguistique. Minuit (Propositions). Paris; 1981 (248 p.)
Cervoni, Jean. L'énonciation. PUF (Linguistique nouvelle). Paris; 1987 (128 p.)
Cornulier, Benoît de. Effets de sens. Minuit (Propositions). Paris; 1985 (216 p.)
Dupriez, Bernard. Gradus; les procédés littéraires (dictionnaire). UGE (10/18 # 1370). Ottawa; 1977 (544 p.)
Felman, Shoshana. Le Scandale du corps parlant; Don Juan avec Austin ou La séduction en deux langues. Seuil. Paris; 1980 (224 p.)
Flahaut, François. La parole intermédiare. Préface de Roland Barthes. Seuil. Paris; 1978 (240 p.)
Fuchs, Catherine. La paraphrase. PUF (Linguistique nouvelle). Paris; 1982 (184 p.)
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Hall, Edward T. Le langage silencieux. Mame. Paris; 1973 [1959] (224 p.)
Henry, Paul. Le mauvais outil; langue, sujet et discours. Klincksieck (Horizons du langage). Paris; 1977 (X + 214 p.)
Maingueneau, Dominique. Genèses du discours. Pierre Mardaga Éditeur (Philosophie et langage). Bruxelles-Liège; 1984 (212 p.)
Martin, Robert. Pour une logique du sens. PUF (Linguistique nouvelle). Paris; 1983 (272 p.)
Milner, Jean-Claude. L'amour de la langue. Seuil (Connexions du champ freudien). Paris; 1978 (142 p.)
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Récanati, François. Les énoncés performatifs; contribution à la pragmatique. Minuit (Propositions). Paris; 1981 (288 p.)
Vignaux, Georges. Le discours acteur du monde; énonciation, argumentation et cognition. Ophrys (L'homme dans la langue). Paris; 1988 (2 + 246 p.)
Watzlawick, Paul et al. Une logique de la communication. Seuil (Points # 102). Paris; 1972 [1967] (288 p.)
Wilden, Anthony. Système et structure; essais sur la communication et l'échange. Boréal Express. Montréal; 1983 [1972] (LVIII + 688 p.)

CONCLUSION

La chaîne du langage, celle-là même qui enchaîne la structure élémentaire de la signification et qui fait que la deixis y est fondamentale, est le processus par lequel le système de la langue se réalise dans le procès du discours. Mais le discours, c'est-à-dire la représentation ou la manifestation, le spectacle de la représentation, tient de la transcendance et donc d'une extériorité ou d'une objectivité irréductible, celle de la communication. Première articulation du langage, cette dernière est collective ou sociolectale; de la langue naturelle, elle fait une langue officielle, voire artificielle, pour faciliter la transmission de l'information : cybernétique oblige!... Mais la signification, parce que spécifiquement humaine, résiste à la communication; elle en a la compétence. Cependant, l'immanence même de la signifiance ne tient pas de cette compétence, mais d'une incompétence radicale ou transcendantale qui fait que l'énonciation n'est pas la communication, parce qu'individuelle, parce que subjective avant d'être intersubjective; c'est là le rappel que toute langue naturelle est une langue maternelle.

Contrairement à la pragmatique du discours, la diagrammatique du langage ne confond pas la communication et l'énonciation : la situation d'énonciation est la ponctuation de la situation de communication; cette ponctuation est le tempo par lequel l'énonciation, qui est la troisième articulation du langage, est en même temps la dernière instance contre tout autre instance. C'est-à-dire que l'énonciation (individuelle, subjective) échappe à la représentation même de la subjectivité que se donne la communication : il n'y a pas d'«énonciation de la subjectivité», mais il y a subjectivité de l'énonciation. Ce qui veut aussi dire que le sujet de l'énonciation ne peut pas être psychologique, psycho-social ou socio-historique; il n'est pas "subjectum" mais "subjectus" : il est affect et non représentation de la conscience; il est passion.

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Lemelin. «Deixis et pathos». Oeuvre de chair [p. 113-121].
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Rejoignant la métapsychologie et la phénoménologie, la diagrammatique du langage est capable de tirer toutes les conséquences de ceci que la langue est inséparable de l'inconscient, qu'elle est structurée comme l'inconscient : c'est ce que l'on a appelé «lalangue» (en un mot)...

La diagrammatique du langage est non seulement une théorie de la langue (ou de la signification) et une théorie du discours (ou de la communication); c'est d'abord et avant tout une théorie de la parole. Comme incompétence du langage, la parole en est l'essence non linguistique; elle n'est donc pas l'objet de la linguistique, de la grammaire, mais de la (dia)grammatique de la voix comme rythme et récit. La parole n'est pas discours mais archidiscours; elle est ce par quoi le texte n'est pas simplement phéno-texte (grammatical) mais géno-texte (grammatique : narratique et rythmique); la parole est la racine de l'archi-texte, qui est le procès ou la chaîne de lecture comme oralisation de l'écriture, comme liaison et livraison de la tradition.

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Jean-Marc Lemelin, Robert Giroux et al. Le spectacle de la littérature; les aléas et les avatars de l'institution. Triptyque. Montréal; 1984 (256 p.) [surtout p. 7-11 et p. 137-231].
Lemelin. La puissance du sens [p. 28-38].
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Affect et pulsion, la parole est la jonction, dans et par l'énonciation, de l'animalité et de l'oralité, celle-ci étant entendue comme étant la généalogie même du nom propre, c'est-à-dire du non-concept qu'il y a au fondement de tout concept. La parole est donc l'ancrage du langage dans le corps (animal et oral) et dans sa finitude (natale, agonale).

Comme théorie de la parole (ou de l'énonciation), la diagrammatique du langage est aussi une schématique de l'imagination et une agonistique de la passion, celle-ci comprenant une anthropique de l'imaginaire et une mystique de la subjecti(vi)té. C'est ainsi que toute linguistique générale peut être fondamentale et radicale et que toute linguistique d'une langue particulière peut être une linguistique générale : parce que toute langue est parole d'avant tout discours, affect d'avant toute représentation, passion d'avant toute action, imagination d'avant toute raison. Irréductible à la grammaire de la signification, la parole est la signature du sens.

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Jean-Marc Lemelin. La grammaire du pouvoir ou Du spectacle / Le pouvoir de la grammaire ou De la signature (avec la collaboration d'O'Neil Coulombe). Ponctuation. Montréal; 1984 (90 p. et 90 p.)
Jean-Marc Lemelin. Le petit principe / Le grand princeps. Le principe d'autorité : du récit. Ponctuation. Montréal; 1988 (58 p. et 50 p.)
Jean-Marc Lemelin. Signature; appellation contrôlée; autographie diagrammatique. Triptyque. Montréal; 1989 (130 p.)
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La signature échappe à la signification de la grammaire, ainsi qu'à la communication selon la pragmatique, la rhétorique ou la stylistique; mais il n'y a pas d'autre style que l'énoncé et le sign(ifi)er de la signature. Signature du sens, la parole l'est comme trajet même du langage, du sujet à la science : il n'y a de science, de science du sujet, que du sens, par et pour la parole...
-- De ce trajet qu'est la diagrammatique du langage, ces notes ont suivi le cours, dans ce projet de science général de l'homme qu'est la pragrammatique du sens.

JML/rédigé en 1990-1991 et révisé à l'automne 1996

INDEX DES DÉFINITIONS
(termes en caractères gras italiques)

actants
acte de langage
acte illocutoire
actes de discours
adjectif
adjonctions
adverbe
allophones
appareil phonatoire
archidiscours
archilexème
archimonème
archiphémème
archiphonème
archisémème
archi-texte
argot
article simple
aspect
axiologie

base

catégorèmes
catégories
catégories grammaticales
classème
classes
code
complémentaire
composition
conjonctions
connaissance
contexte
contradiction
contrariété
cotexte
créole

dérivation
destinataire
destinateur
déterminant
déterminant démonstratif
déterminant exclamatif
déterminant interrogatif
déterminant numéral
déterminant possessif
déterminant relatif
déterminant sommaire
dialecte
diglossie
discours direct
discours dramatique
discours épique
discours indirect
discours indirect libre
discours lyrique
discours narrativisé
discours rapporté
discours tragique
discours transposé

énoncé
étymon

fonctème
fonction
fonction conative
fonction connotative
fonction dénotative
fonction émotive
fonction métalinguistique
fonction phatique
force

genre
glossèmes
grammème
grammes
graphème
grotesque
groupes

idéologie
idiolecte
idiome
information
interdiscours
interjection
intonation
isosémie
isotopie

jargon
jeu de langage
jonction

langue
langue référentiaire
langue sacramentaire
langue véhiculaire
langue vernaculaire
lexème
lexes
lexies

message
métaboles
métalangue
métalogismes
métaplasmes
métasémèmes
métataxes
micro-univers
mise en relief
modalisation
modalité
mode
mode d'articulation
modèle constitutionnel
modulation
monème
morphème
mots du discours

néologismes
nom
nombre
nucléus

objet
onomatopée
ordre

panglossie
paradigmes
parasynonymie
patois
personne
perspective
phème
phémème
phonème
phones
phrase complexe
pidgin
point d'articulation
pôles
polysémie
prédicat
pronom
pronom démonstratif
pronom interrogatif
pronom personnel
pronom possessif
pronom relatif
pronom sommaire

référance
référence
référent
réflexivité
registre
registres
repérage
répertoires
romanesque

sabir
schèmes
sémantème
sème
sémème
sémie
série
signifiance
site
sociolecte
sous-valence
subjonctions
sur-valence
syntactème
syntagme
syntaxie

taxème
temps
tétraglossie
texte
tropes
type d'articulation

valence
valeurs
véhicules
verbe
virtuème
voix

zones d'articulation