4. Les personnages et leur caractère

Remarques préliminaires sur les caractères dans la tragédie et la comédie. On peur distinguer le rôle joué par les caractères (les personnalités des personnages) dans la tragédie et dans la comédie. (i) Dans les tragédies les personnages principaux se trouvent devant une crise ou une contradiction morale. - Pour reprendre l'exemple du Cid de Corneille, Rodrigue se trouve dans une crise parce que son père lui dit qu'il doit tuer le père de sa fiancée, Chimène, pour défendre l'honneur de sa famille. Conformément au principe tragique de la fatalité de l'action, Rodrigue est obligé de le faire - il n'a pas le choix, mais (dans l'illusion dramatique) c'est en raison justement de son caractère : il prise avant toute autre chose, même avant l'amour de Chimène, le devoir et l'honneur. - Souvent la crise domine les personnages (dans le théâtre de Racine, par exemple) : l'action est fatale parce que le caractère des personnages est marqué par une obsession. Mais dans Corneille l'action est fatale à cause de la personnalité puissante des personnages. - Les personnages dans la plupart des tragédies ont un statut social important : ce sont des membres de la famille royale, des hommes d'État, etc. (ii) Dans les comédies les caractères représentent le plus souvent un type : le membre d'une profession, un tricheur, un snob, un beau parleur, un jeune couple, un époux réprobateur, etc. -- voir « comédie de moeurs » ci-dessous). (beau-parleur : smooth talker) La structure actantielle / Le schéma actantiel - On lit (ou regarde) une pièce comme si l'action était réelle (l'illusion théâtrale). Dans cette illusion théâtrale, les principales causes de l'action semblent être (i) les caractères des personnages, et (ii) les contraintes de la situation. Mais en réalité c'est l'inverse. Ces caractères sont plutôt des effets de l'action, car en fait le personnage n'existe pas et on ne peut le définir que par ses actions (ou plus exactement par le dialogue qui mène l'action de la pièce). Bref, le personnage n'est pas substantiel mais fonctionnel - Compte tenu de ces observations, certains analystes littéraires (Algirdas Julien Greimas, et, pour le théâtre, Anne Ubersfeld, auteur de Lire le théâtre, 1977) préfèrent le terme « actant » (ce qui agit, ce qui fait fonctionner et avancer l'action de la pièce) à celui de personnage. Mais un actant n'est pas seulement un personnage ; ce peut être une classe sociale, une collectivité, une nation, une valeur abstraite (la gloire), etc. - Dans une pièce, il y a un sujet en quête d'un objet ; dans La Farce de Maître Pathelin M. Pathelin est le sujet et il est en quête du drap (sans le payer). Le Carré Actantiel de Greimas destinateur destinataire (fait agir le sujet) - (personne/chose à qui l'objet - - est destiné) - - - - sujet - - - | - - objet - - - adjuvant opposant (aide le sujet) (rend difficile la quête) - tous les personnages dans ce modèle sont des actants ; dans La Farce de Maître Pathelin Guillemette peut être considérée comme étant le destinateur et la destinataire, Pathelin est le sujet, le drap est l'objet, le berger est l'adjuvant, et le drapier est l'opposant. - tous les personnages d'une pièce ne rentrent pas forcément dans cette structure ; c'est un modèle, une généralisation - il est possible de formuler plus d'une seule analyse actancielle pour une oeuvre littéraire donnée (cf. les différentes possibilités pour La Farce de Maître Pathelin.

5. Le cadre

Le cadre comporte les éléments suivants : 1) l'endroit : où l'action a lieu 2) le temps : quand l'action a lieu 3) le délai : la durée la durée (illusoire) : surtout dans le théâtre francais classique la durée imaginaire de l'action d'une pièce est de 24 heures le cadre = "setting" La règle des « trois unités » du théâtre français classique : 1) l'unité de lieu : l'action se déroule dans un seul lieu 2) l'unité de temps : l'action doit se dérouler en 24 heures 3) l'unité d'action : il n'y a qu'une seule fable Normalement, le théâtre francais classique respecte ces trois règles. Bien qu'il y ait deux intrigues dans La Farce de Maître Pathelin (celle de Pathelin et le drapier, et celle du drapier et du berger), l'unité de l'action est respectée parce qu'elles sont entrelacées : il n'y a qu'une fable (« histoire »). Dans un film hollywoodien il y a parfois deux ou trois histoires différentes, il n'y a donc pas d'unité d'action.

La Comédie

- On peut distinguer la comédie de moeurs et la comédie de caractère(s) (mais on peut trouver l'une et l'autre dans la même pièce, et même dans un seul personnage). (a) la comédie de moeurs (= "comedy of manners, comedy of morals") ; c'est plus ou moins synonyme d'une satire. (Mais le terme de comédie de moeurs s'emploie uniquement dans le contexte du théâtre, tandis que le terme de satire a un sens plus large et s'emploie dans beaucoup d'autres contextes : un poème, un roman, un essai, ou un film peut être une satire.) - il s'agit d'une exagération des caractéristiques d'un certain groupe social (avocats, professeurs, bourgeois, hommes pieux, époux, jeunes couples etc.). La pièce se moque d'eux, en exagérant certaines vraies caractéristiques du groupe (ou de certains membres de ce groupe). On touve ainsi dans la comédie une caricature pour présenter un stéréotype qui fait rire le public. Par exemple, Maître Pathelin est un stéréotype caricatural des avocats car il est malhonnête et manipulateur. (b) Dans la comédie de caractère(s) les traits particuliers d'un personnage individuel sont mis en relief. Il ne s'agit pas d'une généralisation, d'un stéréotype d'un groupe de personnes, mais plutot du caractère d'un individu dans sa particularité. Le comique dans la comédie. Henri Bergson (Le Rire, 1924) réduit le comique à trois éléments : 1) la répétition (ex. : scène 1 ; Guillemette répète ses plaintes à son mari) 2) l'inversion (l'ironie, le paradoxe, l'arroseur arrosé, etc) 3) l'interférence des séries (Notes terminologiques : un paradoxe : une sorte de contradiction apparente qui peut cacher une vérité. l'ironie (nf) : manière de se moquer en disant le contraire de ce qu'on veut exprimer (Le Robert Micro) l'interférence des séries : la rencontre d'éléments (idées, mots, caractères) rélévant de séries indépendantes. interférence (ici) = interaction, confrontation série (ici) = catégorie, type (de discours,de caractère, etc.) Exemples: 1) les quiproquos : des mésententes sur l'identité d'une personne ou le sens d'un énoncé 2) les lapsus = "slips of the tongue/pen" 3) les jeux de mots/langage (Scène 5, Pathelin parle en différentes langues : il y a une « rencontre » de « séries » linguistiques tout à fait inattendue) La Farce - dans le son sens originel, la farce est un terme culinaire qui désigne le mélange de pain et d'épices qu'on met dans une dinde, par exemple. On farcit la dinde - le terme de farce est apparu dans les pièces religieuses il y a 600 ans - il y avait deux types de ces pièces : les mystères (sur la vie de Jésus) at les miracles (sur la vies des saints) - ils duraient très longtemps, souvent pendant deux ou trois jours, et ils étaient sérieux. Donc, pour les alléger, ils y ont mis des scènes brèves comiques (des farces). (On a farci ces pièces sérieuses de petites scènes comiques.) Qu'est-ce qui caractérise la farce ? - des situations ridicules - des personnages ridicules - des quiproquos/malentendus - une action simple - le comique de gestes (actions physiques des comédiens) - le comique de mots Pour résumer, la farce -- pour la distinguer de la comédie de moeurs et la comédie de caractères -- est dominée par le comique de situations, de gestes et de mots un jeu de scène : désigne les mouvements des personnages sur scène (gestes, entrées, sorties, etc.)