SOMMAIRE

Autre illusion
Chamanisme
Langues Naturelles
Langues non indo-européennes
Neanderthal
Océan
Peuplement

AUTRE ILLUSION

L'illusion archéologique est une illusion empirique (ou naturelle) de l'induction, par laquelle il est considéré que les grottes ornées qui ont été découvertes ne sont pas toutes les grottes, qu'il y en d'autres qui restent à découvrir et qu'il y a donc des "chaînons manquants"; ainsi la quantité prévaut-elle sur la qualité : à chaque fois qu'une nouvelle grotte est découverte, il faut remettre en question la théorie d'ensemble ou l'ensemble des théories. En somme, un corpus ne saurait être représentatif : le nombre des grottes découvertes est infime par rapport à celles qui restent à découvrir ou par rapport à celles qui ont existé mais n'existent plus, ayant été détruites par les éléments de la nature et par les temps préhistoriques et historiques, par le temps qui passe et par le temps qu'il fait; les faits manquent à la théorie, la théorie manque de faits... C'est aussi une illusion rétrospective (ou interprétative), dans l'étude de l'art mobilier; illusion qui conduit à considérer comme parure ce qui a pu être une arme ou un outil, comme arme ce qui a pu être un outil ou une parure, comme outil ce qui a pu être une arme ou une parure -- sans parler d'autres usages : religieux, totémiques, érotiques, symboliques. Cette illusion rétrospective, selon Catherine Cyssau, nous amène à croire que les Préhistoriques voyaient ce que nous voyons, regardaient ce que nous regardons.

21/01/97

CHARMANISME

L'illusion énonciative atteint son sommet avec l'identification de l'artiste préhistorique à un chaman qui peindrait en transes et sous l'effet des hallucinogènes : dans l'application de certains colorants est privilégié le crachis, qui peut être source d'intoxication, car il y a un oxyde manganèse qui est toxique. Or, rien ne permet d'affirmer, sauf par comparaison avec les Bushmen d'Afrique du Sud, qu'il y a un artiste à l'origine, qu'il n'y en a qu'un seul, que c'est un chaman et que le chaman est un producteur plutôt qu'un initiateur, c'est-à-dire un officier de circulation, un guide, un "joker" ou un "jockey" à la Boal, voire une sorte de "disc-jockey", car on s'intéresse de plus en plus à la grotte comme espace musical, à l'espace acoustique de la caverne : non pas donc un auteur mais un acteur, un protagoniste ou un "maître de cérémonie" ou une sorte de "maître chanteur" (au sens allemand)... En outre, la peinture n'est pas la seule technique et ce n'est pas la plus répandue : la gravure n'utilise pas de pigment; la toxicité d'un pigment ne peut donc y jouer aucun rôle -- et il faut chercher l'hallucinogène source de transes ailleurs! Par ailleurs, que cela ne serait, cela n'explique rien : c'est comme analyser et expliquer les poèmes de Michaux, de Rimbaud, de Verlaine ou de Baudelaire par la mescaline, le haschisch, l'absinthe ou l'opium, l'écriture romanesque de Lowry par le mescal ou le bee-bob de Parker par l'héroïne. C'est là la dénégation du langage. En fin de compte, prendre partie pour le chamanisme est un retour certain au totémisme.

21/01/97

LANGUES NATURELLES

Il y a quarante ou cinquante mille ans, au moment de l'apparition de l'art paléolithique (mobilier et pariétal), les hommes (Homo sapiens sapiens) ont commencé à parler à peu près comme nous; cela ne veut pas dire qu'ils ne parlaient pas avant, mais autrement (sans articulation? par la seule vocalisation?). Il n'est pas impossible que les «marqueurs ethniques» aient été de véritables marqueurs linguistiques, une «écriture avant la lettre». Aurait donc eu lieu à cette époque la division et la dissémination des langues naturelles ou le passage du langage comme affect et non-concept au langage comme représentation ou concept, le passage du langage (animal) à la langue (humaine), une langue émergeant dans la distinction, dans la division, dans la séparation d'avec d'autres langues ou idiomes. Le mythe de Babel est peut-être une trace de cet événement caractéristique d'une discontinuité dans l'évolution.

21/01/97

LANGUES NON INDO-EUROPEENES

Le peuplement de la région où il y a le plus de grottes ornées, au sud de la France et au nord de l'Espagne, par l'Homme de Cro-Magnon, semble être venu du Moyen-Orient ou du Proche-Orient -- on y a retrouvé des sépultures de Proto-Cro-Magnon datant de 90,000 ou 100,000 ans -- après être venu d'Afrique de l'Est et du Sud. Cro-Magnon serait en quelque sorte originaire d'une région correspondant aujourd'hui à la rencontre de l'Afrique et de l'Asie ou de l'Occident et de l'Orient, entre la Méditerranée et la Mer Rouge. Or, les langues sémitiques ou chamito-sémitiques que l'on y parle aujourd'hui ne sont pas des langues indo-européennes, alors que les langues parlées en Europe du Sud-Ouest sont toutes, sauf le basque, des langues indo-européennes; l'ouralien (hongrois, finno-ougrien) et le turc sont d'autres langues non indo-européennes d'Europe. Il est vrai que le peuplement ou l'invasion des Indo-Européens est de beaucoup postérieur, étant venu après les glaciations et après la fin de l'art paléolithique, il y a environ 10,000 ou 12,000 ans. Les langues non indo-européennes sont sans doute apparues avant les langues indo-européennes. Il ne faut pas oublier que l'écriture, telle qu'on la définit aujourd'hui, est d'origine akkadienne, la plus ancienne des langues sémitiques (sémitique oriental) ou d'origine suméro-akkadienne. Est-il possible d'imaginer que le basque, qui provient de la zone caucasienne, serait la seule langue qui reste parmi ces langues non indo-européennes qui auraient été parlées aux temps préhistoriques en Europe et qui seraient désormais disparues sans laisser d'autres traces ou marques que l'art pariétal, entre autres au Pays basque? -- En fait ces langues ne seraient pas non plus des langues non indo-européennes, mais des langues agglutinées plus archaïques et antérieures à la distinction des langues indo-européennes et des langues non indo-européennes. À sa manière, la Bible en témoigne : la fin des glaciations a provoqué une montée des eaux dont la légende du déluge est une trace; mais ce qui importe davantage que l'arche, c'est que Noé -- le patriarche, le surhomme -- avait trois fils : Japhet, le benjamin, serait l'ancêtre des Indo-Européennes et donc des langues indo-européennes, Sem, l'aîné, serait l'ancêtre des langues sémitiques et Cham, celui des langues chamito-sémitiques.

21/01/97

NEANDERTHAL

Il apparaît de plus en plus que l'Homme de Neanderthal n'appartenait pas à la même espèce ou sous-espèce (sapiens) que l'Homme de Cro-Magnon, que l'on définisse ou non l'espèce par l'interfécondité. En outre, l'origine africaine de Neanderthal est douteuse, voire à exclure : si on en juge par la longueur de son tibia et de son avant-bras (plus courts que chez Cro-Magnon), il serait venu d'une région au climat plus froid, d'Asie donc ou il serait un Européen autochtone. Son cerveau était plus gros que le nôtre; cependant, certains ont suggéré qu'il ne parlait peut-être pas, parce que sa glotte n'était pas descendue. Pourtant, il avait le culte des morts, puisqu'on a retrouvé de ses sépultures : est-il possible d'avoir un tel culte, sans langue, sans art, sans religion, sans interdit de l'inceste? Serait-il disparu parce qu'il ne se serait pas libéré de l'interdit de l'infeste, carnivore plutôt qu'omnivore qu'il était, voire cannibale? Tout aurait été infeste, sauf la viande... Était-il soumis à l'interdit du meurtre? Mais peut-on parler d'un interdit sans profération de l'interdiction?

21/01/97

OCÉAN

Avant les continents actuels et selon la dérive des continents, l'océan Pacifique -- et l'océan Indien -- était beaucoup plus étendu, du côté ouest de l'Amérique et du côté est de l'Asie. Ce qui signifie que le Monde (humain) occupe la moitié de la Terre, l'autre moitié étant l'Océan. De manière centrifuge, le peuplement n'a pu se faire que de l'Afrique à l'Asie et à l'Europe : au début, le peuplement n'a pas pu venir de l'Océan. Mais après, il y a pu y avoir un mouvement ou un reflux centripète en réaction à la "diaspora" humaine qui avait atteint l'Amérique et l'Océanie. Les nomades sont en mouvement centrifuge, les sédentaires en mouvement centripète. Est-ce que les Indo-Européens ont surtout été des nomades (envahisseurs, conquérants) ou des sédentaires (bâtisseurs, stockeurs)? Et à quelle vitesse se sont-ils éloignés, puis rapprochés, de leur centre, du point ou du trou de leur origine?

15/03/95

PEUPLEMENT

Il est impossible d'expliquer le développement préhistorique et historique de l'homme, de l'Homo (sapiens), si on est incapable de décrire ce qu'il en a été du peuplement et ainsi de l'aménagement du territoire. C'est sans doute le peuplement qui vérifie toute hypothèse concernant l'origine, et non l'inverse. La description du peuplement doit être géographique et démographique, économique et politique, mais aussi linguistique; l'explication ne pourra qu'être (méta)biologique et métapsychologique. Homo habilis n'a jamais quitté l'Afrique; Homo erectus a vécu en Afrique, en Asie et en Europe; Homo sapiens (sapiens) a envahi le Monde. Par contre, il n'est pas impossible qu'un type d'Homo erectus soit apparu seulement en Asie et soit disparu depuis; il aurait ainsi connu, mais ailleurs, la même destinée que l'Homme de Néanderthal, qui n'était peut-être pas de type sapiens : l'appellation Homo sapiens neandertalis est-elle encore valable? -- De là, l'artifice des parenthèses dans "Homo sapiens (sapiens)", c'est-à-dire du nom de Homo sapiens fossilis.

13/03/95