(1975-1985 et 1992-1997)
Le terme "littérature"
LE RÉGIME SOCIO-HISTORIQUE DE L'ARCHI-TEXTE
a) La critique historique
1°) La critique philologique
2°) La critique psychologique
b) La critique herméneutique
1°) La critique symbolique
2°) La critique thématique
B) DU DISCOURS AU PARCOURS : L'HISTOIRE ET LA DIALE CTIQUE
a) Le réalisme critique du jeune Lukacs
Typologie de la forme romanesque
b) Le structuralisme génétique de Goldmann
1°) En philosophie
2°) En sociologie de la littérature
3°) En sociologie du roman
c) Le personnalisme ou l'existentialisme de Falardeau
Typologie du roman québécois
2) LA CRITIQUE SOCIO-HISTORIQUE : DE LA PRATIQUE À LA CRITIQUE
a) La critique philosophique de Marx et Engels
b) La critique politique de Lénine
1°) Les écrivains et leurs oeuvres
2°) La littérature et le Parti
3°) La culture
c) La critique esthétique de Trotski
d) Le réalisme socialiste de Staline et Jdanov
e) Le populisme de Gramsci ou de Mao
f) Le fonctionnalisme de Trétiakov
g) La critique du réalisme par Brecht
h) La critique de l'esthétique aristotélicienne par Boal
3) LA THÉORIE CRITIQUE : DE LA CRITIQUE À LA THÉORIE
a) Le technicisme de Benjamin
b) La théorie esthétique d'Adorno
c) L'esthétique critique de Marcuse
1) L'ESTHÉTIQUE DE LA RÉCEPTION
a) Sartre et Barthes
b) La sociologie positive d'Escarpit
1°) La sociologie de l'écriture
2°) La sociologie du livre
3°) La psychosociologie de la lecture
c) La sociologie positionnelle de Bourdieu
1°) Le champ du pouvoir et le champ intellectuel
2°) La sphère de production restreinte
3°) Les instances de diffusion et de légitimation : la loi culturelle
4°) La sphère de grande production
5°) L'art savant et l'art moyen
6°) Les positions et les prises de position
3) LA THÉORIE SOCIO-HISTORIQUE
a) Macherey
b) Hadjinicolaou
c) Vernier
d) R. Balibar
e) Macherey et É. Balibar
a) Zima
b) Grivel
1°) Sur le texte
2°) Sur le roman
Martin Heidegger : «L'origine de l'oeuvre d'art» dans Chemins qui ne mènent nulle part.
Gallimard nrf (Classiques de la philosophie). Paris; 1962 [1950] (320 - 2 p.) [p. 11-68].
Alain Viala. Naissance de l'écrivain....
L. Febvre et H.J. Martin. L'apparition du livre. Albin Michel.
A. M. Boyer. Le livre. Larousse.
Études françaises, Volume 18, numéro 2 : "L'objet-livre".
[Pour des références complètes, cf. Bibliographie de pragrammatique sur ce même site].
1°) Au XVIe siècle, "littérature" veut dire "culture", culture du lettré : érudition; c'est la connaissance des lettres mais aussi des sciences; c'est une somme de lectures. Ainsi, dit-on à l'époque, "avoir de la littérature" : c'est un avoir.
2°) Au XVIIIe siècle, "littérature" désigne la condition de l'écrivain, soit :
a) le monde des lettres;
b) la carrière des lettres;
c) l'industrie des lettres.
C'est un devenir : le devenir-artiste de l'écrivain.
3°) À partir du XIXe siècle, "littérature" devient plus ou moins synonyme de "belles-lettres" (les lettres et les humanités par rapport aux sciences qui s'autonomisent) :
a) c'est l'art de l'expression intellectuelle (éloquence, poésie);
b) c'est l'art d'écrire des oeuvres qui durent;
c) c'est l'art d'écrire par rapport aux autres arts;
d) c'est l'art d'écrire par rapport aux autres techniques d'écriture (théologie, philosophie, science, etc.).
D'une part, c'est une activité (une existence technique); d'autre part, c'est un être (une essence esthétique) plutôt qu'un état (la condition ou la qualité de l'homme de lettres en sa culture et en son érudition). La littérature se trouve alors réduite à l'écriture, voire à l'écriture de fiction (depuis la Révolution française) et, de plus en plus, à la fiction romanesque.
4°) Au XXe siècle, Escarpit considère que la littérature est l'ensemble de la production littéraire incluant les faits littéraires : c'est donc un objet d'étude, un corpus d'oeuvres consacrées, c'est-à-dire enseignées par les intellectuels, professeurs ou autres (selon Barthes).
Robert
Escarpit dans Le littéraire et le social, p. 259-272 et dans Littérature et genres littéraires, p.
7-15.
LE RÉGIME SOCIO-HISTORIQUE DE L'ARCHI-TEXTE A) LE DISCOURS INSTITUTIONNEL
Jean-Marc Lemelin. «La communication de l'art ou De l'esthétique» dans La signature du
spectacle ou de la communication. Ponctuations II. Ponctuation. Montréal; 1984 (208 p.) [p.
17-58].
1) L'ESTHÉTIQUE LITTÉRAIRE
1°) Pour l'esthétique objective, il y a une réalité extérieure à la pensée, une réalité objective dont l'art (la littérature) est le reflet : plus le reflet est exact, plus il y a réflexion passive ou active de la réalité par une oeuvre, plus celle-ci est réaliste, plus elle a de la valeur. À l'esthétique objective du contenu (thématique) conduisant au réalisme, correspond l'esthétique objective de l'expression (stylistique) conduisant au formalisme. La forme (l'expression) et le fond (le contenu) sont les catégories duelles fondamentales de l'esthétique (objective). Le réalisme socialiste, c'est-à-dire la soi-disant esthétique marxiste est une esthétique objective du contenu.
Avner Ziss. Éléments d'esthétique marxiste. Éditions de Moscou [surtout «Petit vocabulaire esthétique», p. 280-300].
2°) Pour l'esthétique positive, l'art est homologue (plutôt qu'analogue), comme sujet, à l'objet qu'est le monde ambiant ou environnant. Le développement de l'art est alors le développement conceptuel de l'histoire, de l'esprit, de la pensée. L'esthétique hégélienne -- et a fortiori l'esthétique aristotélicienne, contrairement à l'esthétique platonicienne (plutôt objective) -- est une telle esthétique positive en définissant l'art par un concept, par son propre concept (à réaliser ou à retrouver), et en séparant l'artistique et le politique tout en les réunissant dans le spirituel (l'Esprit absolu). Pour Hegel, il y a une hiérarchie des arts, du matériel au spirituel : l'art supérieur est l'art idéal et idéel, c'est l'art le plus éloigné du matériel (la matière et la nature), c'est l'art le plus raisonnable et le plus spirituel; c'est la poésie. Aux arts symboliques (la thèse) comme l'architecture, ont succédé les arts classiques (l'antithèse) comme la sculpture et, enfin, les arts romantiques (la synthèse) comme la poésie (musicale, théâtrale, littéraire). La poésie est elle-même hiérarchisée de l'épique au dramatique en passant par le lyrique : en ce sens, l'opéra de Wagner est l'art romantique par excellence. L'esthétique du jeune Lukacs (et de Goldmann) est elle aussi une esthétique positive (fondamentalement hégélienne).
3°) L'esthétique négative qui s'inscrit dans la dialectique négative d'Adorno et de Horkheimer et qui est inspirée de la théorie critique de l'École de Francfort à laquelle les deux appartenaient, repose sur une critique (kantienne) de la raison au profit d'une éthique du jugement, mais elle n'accède pas au statut d'esthétique transcendantale du sublime comme chez Kant. Pour Adorno, l'art a valeur de vérité parce qu'il est liberté et il est la négation de la totalité (la réalité, la société, l'aliénation, le fascisme) qui est fausseté.
4°) Pour l'esthétique subjective d'un Marcuse, l'art, comme subjectivité, a un potentiel révolutionnaire de transformation de l'objectivité.
5°) De Nietzsche à Lyotard et à Deleuze, se développe une esthétique affirmative, pour laquelle
l'art n'est pas intentions mais intensités : pouvoir d'affirmation de la libido, du désir, de la force,
de la volonté de puissance; cette esthétique s'oppose à la fois à l'esthétique objective de Platon et
à l'esthétique positive de Hegel, mais pas à l'esthétique négative et à l'esthétique subjective.
1°) L'illusion empirique (ou naturelle) -- l'illusion de l'induction, selon nous -- prend l'oeuvre comme acquise et clôturée par l'ouvrage, comme un étant donné, comme un état de fait; elle ne questionne pas le corpus et elle clôture le texte en réduisant la littérature à l'écriture; elle explique l'oeuvre par l'auteur individuel (l'écrivain) ou par l'auteur collectif (la société, la classe, le groupe, le sexe). Le critique empiriste se fait le complice de l'écrivain en suggérant que ce sont les auteurs et les oeuvres qui font la littérature, alors que c'est la littérature -- l'art, la tradition, l'histoire, la critique -- qui fait les auteurs et les oeuvres.
2°) L'illusion normative (ou virtuelle) -- l'illusion de la déduction, encore selon nous -- corrige l'oeuvre selon un modèle esthétique, éthique, idéologique; elle la soumet à une norme, à un code, à un(e)mode; elle refait l'oeuvre en la restreignant à une lecture idéologique, en réduisant la littérature à l'idéologie. Expliquant l'oeuvre par un lecteur naïf, le critique magistrat (journaliste) se fait alors le maître de l'écrivain.
3°) L'illusion interprétative (ou culturelle) actualise ou réalise les deux autres illusions en une herméneutique qui met en oeuvre les couples duels de catégories esthétiques ou métaphysiques : fond/forme, intériorité/extériorité, inspiration/improvisation, etc. Elle explique l'oeuvre par l'oeuvre, mais en postulant que l'oeuvre à un sens (secret, caché) en soi et que la lecture ne fait que le découvrir, le dévoiler, le révéler (ou le trahir); le sens se trouve alors réduit à la signification. L'interprète se fait interprêtre, c'est-à-dire esclave ou disciple, voire complice, de l'oeuvre même, substituant l'explicitation (herméneutique dans sa genèse et son exégèse) à l'explication (sémiotique), l'interprêtrise (psychologique) à l'interprétation(métapsychologique).
Pierre Macherey. Pour une théorie de la production littéraire.
Nicos Hadjinicolaou. Histoire de l'art et conscience de classe.
2) L'HISTOIRE LITTÉRAIRE
1°) la langue écrite : le français et non d'autres langues parlées sur le territoire français;
2°) l'époque : le Moyen-Âge, la Renaissance, le Classicisme et les Lumières avant la Révolution et la Modernité depuis;
3°) l'école (ou le courant);
4°) le genre : la non-fiction et la fiction, le poème et le roman ou les autres formes romanesques (nouvelle, conte), la pièce de théâtre, les écrits intimes ou autobiographiques, etc.;
5°) le style : variable d'une oeuvre ou d'un auteur à l'autre;
6°) l'auteur lui-même : sa vie et son oeuvre.
3) LA CRITIQUE LITTÉRAIRE
a) La critique historique
1°) La critique philologique
2°) La critique psychologique
Jean-Marc Lemelin. «Les études littéraires»
dans Le sens (p. 13-21, surtout p. 17).
b) La critique herméneutique
1°) La critique symbolique
Gaston Bachelard.
Gilbert Durand.
Si ces symboles tiennent des mythes, il est alors possible de parler de la critique symbolique comme d'une mythocritique empruntant à la mythologie et à l'ethnologie.
Georges Dumézil.
Northrop Frye.
Mircea Eliade.
Roger Caillois.
Claude Lévi-Strauss.
Si les symboles sont attachés à des complexes, il est possible de parler de la critique symbolique comme d'une psychocritique, aussi souvent d'inspiration jungienne que freudienne.
Charles Mauron.
Marie Bonaparte.
Marthe Robert.
Gérard Bessette.
2°) La critique thématique
Georges Poulet.
Jean-Pierre Richard.
Jean-Paul Weber.
Jean Starobinski.
Jean Rousset.
André Brochu.
Lorsque la thématique rassemble surtout des thèmes philosophiques (ontologiques, phénoménologiques) ou des thèmes théologiques, il y a lieu de parler de philocritique.
Georges Bataille.
Pierre Klossowski.
Maurice Blanchot.
Jean-Paul Sartre.
Serge Doubrovski.
Alors que la philocritique est plus ou moins rattachée à la philosophie existentialiste, la
sociocritique l'est plutôt à la philosophie socialiste ou communiste et nous allons maintenant
nous attarder davantage à la critique sociologique, dont fait partie la sociocritique.
B) DU DISCOURS AU PARCOURS :
L'HISTOIRE ET LA DIALECTIQUE
1) LA CRITIQUE SOCIOLOGIQUE
a) Le réalisme critique du jeune Lukacs
Georg Lukacs. Histoire et conscience de classe.
Typologie de la forme romanesque
1°) (selon l'abstraction ou l'identification par la thèse ou l'affirmation), il y a d'abord le roman de l'idéalisme abstrait, du personnage démonique à conscience trop étroite pour la complexité du monde :
le modèle est Don Quichotte de Cervantès ou Le rouge et le noir de Stendhal;
2°) (selon l'objectivation ou l'aliénation par l'antithèse ou la négation), il y a ensuite le roman psychologique à héros passif dont l'âme est trop large pour s'adapter au monde :
le modèle est L'Éducation sentimentale de Flaubert;
3°) (selon la médiation ou la nouvelle totalisation par la synthèse ou la négation de la négation), il y a aussi le roman éducatif du renoncement conscient qui n'est ni résignation ni désespoir :
le modèle est Wilhelm Meister de Goethe.
Ce dernier type de roman est «la réconciliation de l'homme problématique avec la réalité concrète et sociale»; c'est la synthèse des deux premières formes. Lukacs entrevoit enfin «le dépassement des formes sociales de vie» dans les romans de Tolstoï : nouvelle thèse?...
Georg Lukacs. Théorie du roman.
b) Le structuralisme génétique de Goldmann
1°) En philosophie
Lucien Goldmann. Le Dieu caché.
Lucien Goldmann. Épistémologie et structuralisme génétique.
Collectif. Le structuralisme génétique.
Collectif. L'oeuvre et l'influence de Lucien Goldmann.
Jean-Michel Palmier. «Goldmann vivant» dans Esthétique et marxisme.
2°) En sociologie de la littérature
1°) la relation qu'il y a entre oeuvre et société concerne les catégories;
2°) les structures ou catégories mentales ne sont pas celles d'un individu;
3°) il y a homologie ou relation significative entre la conscience collective et une oeuvre littéraire et cette homologie est exprimée par une vision du monde;
4°) ce sont les catégories de la vision du monde qui font l'unité et la cohérence d'une oeuvre;
5°) les structures catégorielles ne sont ni conscientes ni inconscientes : elles sont informulées.
Selon Goldmann, plus une oeuvre est cohérente ou plus sa vision du monde est structurée et plus cette oeuvre a de la valeur; valeur qui est donc de nature conceptuelle, pour la littérature comme pour la philosophie. En ce sens, la philosophie ou la sociologie de Goldmann est fondamentalement une psychologie. Selon Zima, Goldmann «continue avec persévérance la tradition hégélienne en supposant que toute grande oeuvre littéraire exprime une vision du monde et qu'elle peut être interprétée de manière univoque, autrement dit : qu'elle a un équivalent philosophique».
Pierre Zima, p. 176.
3°) En sociologie du roman
1°) une étape transitoire, où la biographie de l'individu est remplacée par la biographie du groupe, dans les romans de Malraux;
2°) une deuxième période, qui va de Kafka au nouveau roman, où le héros n'est pas remplacé, où il y a absence du sujet.
Le roman (à héros problématique) n'exprime pas la conscience réelle ou possible de la
bourgeoisie à l'histoire de laquelle il est lié; il la critique et s'y oppose, selon Goldmann.
Lucien Goldmann. Pour une sociologie du roman.
Jacques Leenhardt.
Henri Mitterand.
Pierre Barbéris.
Jean Decottignes.
Claude Duchet et al.
Charles Bouazis, dans Le littéraire et le social.
Claude Prévost.
Jean Thibaudeau.
c) Le personnalisme ou l'existentialisme de Falardeau
1°) la structure formelle : enchaînement des parties de l'oeuvre et leur progression, procédés narratifs, rhétorique;
2°) les «deux formes essentielles» que sont l'espace et le temps;
3°) les personnages;
4°) les thèmes, les symboles, les mythes.
Typologie du roman québécois
1°) le héros du roman traditionnel, du roman paysan ou historique est un héros qui se veut exemplaire; sa vision du monde lui est donnée et il veut y correspondre comme à un modèle; il vit dans un espace québécois et rural :
Menaud, maître-draveur de Savard marque l'apothéose de ce roman du héros exemplaire; il en est la dernière incarnation : Menaud atteint le mythe par sa foi et sa fidélité; c'est un héros dramatique (tragique ou démonique, disait Lukacs);
2°) avec La Scouine de Laberge, Un homme et son péché de Grignon et les romans de Thériault, le héros n'est plus préoccupé par un modèle idéal : c'est la négation du héros exemplaire dramatique;
3°) apparaît en même temps le héros romanesque urbain : celui qui est préoccupé de modèle (chez Harvey, Desrosiers, Charbonneau, Giroux, Lemelin, Roy),
celui qui ne l'est pas du tout et qui apparaît pour la première fois dans les romans de Langevin; «étape capitale, peut-être la plus révélatrice de notre roman contemporain» : «Le héros romanesque urbain sans modèle est désespéré de reconstruire autrui; trop faible pour s'affirmer contre autrui, incapable de comprendre et d'aider autrui», il est étranger au monde;
4°) le roman à héros aliéné :
cette aliénation est davantage religieuse que politique et économique; ainsi, ce qui fait «le plus
grand intérêt du roman québécois, en définitive, est peut-être d'ordre théologique», conclut
Falardeau.
Jean-Charles Falardeau. Notre société et son roman.Imaginaire social et littérature. L'essor des
sciences sociales au Québec.
2) LA CRITIQUE SOCIO-HISTORIQUE : DE LA PRATIQUE À LA CRITIQUE
a) La critique philosophique de Marx et Engels
. d'un langage opaque, contrairement à la science qui serait un langage transparent;
. d'une "camera obscura", c'est-à-dire d'une image inversée des choses;
. d'une illusion qui n'a pas d'histoire et qui est conscience fausse (ou faussée), alors que la science serait conscience vraie;
. d'une superstructure sociale qui serait le reflet, c'est-à-dire la réflexion et la réfraction : la représentation et la reproduction, de l'infrastructure économique : «conditions matérielles d'existence», forces de production, capital et travail, mode de production (capitaliste).
Ce qui fait que dans une formation sociale capitaliste, la littérature est bourgeoise : idéaliste, idéologique, spéculative, comme la philosophie.
Marx et Engels. L'idéologie allemande.
Marx et Engels. La Sainte Famille.
Georg Lukacs. Marx et Engels historiens de la littérature.
Jean-Louis Houdebine. Langage et marxisme.
b) La critique politique de Lénine
Il y a trois types d'intervention de Lénine à propos de la littérature:
1) les écrits sur les oeuvres et les écrivains russes :
Herzen, Gogol, Nekrassov, Tourgueniev, Dostoïevski, Maïakowski, Gorki et surtout Tolstoï;
2°) les écrits sur la littérature et le Parti :
la question de la «littérature de parti», de la place et du rôle des intellectuels, de la lutte contre le populisme et du rôle de la presse;
3) les écrits sur la culture :
les débats autour de la «culture prolétarienne», de la «culture nationale» et de l'héritage culturel.
1°) Les écrivains et leurs oeuvres
Lénine. Sur l'art et la littérature 3 tomes
Pierre Macherey. «Lénine critique de Tolstoï L'image dans le miroir» dans Pour une théorie de la production littéraire.
Claude Prévost. «Lénine, la politique et la littérature» (surtout «Les articles de Lénine sur Léon Tolstoï» dans Littérature, politique, idéologie [p. 91-153].
Jean Thibaudeau. Interventions; socialisme, avant-garde, littérature [p. 147-163].
Guy Besse et al. Lénine, la philosophie et la culture.
2°) La littérature et le Parti
Lénine. «L'organisation du parti et la littérature de parti» dans Sur l'art et la littérature, tome 2 [p.
19-24 et p. 91-135 pour la polémique entourant l'article de 1905].
3°) La culture
Lénine. Sur l'art et la littérature tome 2 [p. 315-436].
c) La critique esthétique de Trotski
Léon Trotski. Littérature et révolution.
d) Le réalisme socialiste de Staline et Jdanov
1) la construction du socialisme provoque la production d'une littérature socialiste;
2) la corruption et la décadence du régime capitaliste conduisent au déclin et à la décadence de la littérature bourgeoise;
3) seule la littérature soviétique est révolutionnaire;
4) la littérature soviétique est héroïque et optimiste, parce que ses écrivains sont les «ingénieurs des âmes» (selon Staline);
5) la méthode de la littérature et de la critique littéraire appelée la méthode du réalisme socialiste consiste à : «connaître la vie afin de pouvoir la représenter véridiquement dans les oeuvres d'art, la présenter non point de façon scolastique, morte, non pas simplement comme la "réalité objective", mais représenter la réalité dans son développement révolutionnaire»;
6) la littérature soviétique est tendancieuse; c'est une littérature de classe comme toute littérature;
7) être «ingénieur des âmes», c'est-à-dire pratiquer le réalisme socialiste en littérature et en art, «cela veut dire avoir les deux pieds sur le sol de la vie réelle» : rompre avec le romantisme traditionnel et lui opposer le romantisme révolutionnaire dominé par le héros prolétarien à l'esprit positif et optimiste;
8) on ne peut être réaliste socialiste si on ne possède pas la maîtrise littéraire : une «langue riche»
pour des oeuvres au «contenu idéologique et artistique élevé».
Collectif. Esthétique et marxisme.
e) Le populisme de Gramsci ou de Mao
Antonio Gramsci. Gramsci dans le texte.
Mao Tsé Toung. Sur la littérature et l'art.
f) Le fonctionnalisme de Trétiakov
Serge Trétiakov. Dans le front gauche de l'art.
g) La critique du réalisme par Brecht
Bertolt Brecht. «Sur le réalisme» dans Écrits sur la littérature et l'art 2.
Bernard Dort. Théâtre réel.
J.- M. Lachaud. Brecht, Lukacs.
1°) le théâtre continue de ne pas aller aux spectateurs, au public;
2°) le rapport privilégié auteur/pièce/comédiens est maintenu ou préservé par la mise en scène;
3°) ce que la distanciation dénonce ou annonce est souvent perdu dans ce qu'elle énonce, dans un scientisme ou un dualisme qui peut être vécu par le spectateur, soit comme populisme : "voir quelqu'un pointer la lune du doigt et ne voir que la lune" (slogan, réalité sans signification : «aliénation économique» selon Perniola), soit comme élitisme : "voir quelqu'un pointer le lune du doigt et ne voir que le doigt" (affiche, signification sans réalité : «aliénation artistique» selon le même Perniola).
Walter Benjamin. Écrits sur Bertolt Brecht.
Martin Esslin. Bertolt Brecht.
Louis Althusser. Pour Marx [p. 142-152].
h) La critique de l'esthétique aristotélicienne par Boal
Augusto Boal. Théâtre de l'opprimé.
Friedrich Nietzsche. La naissance de la tragédie et La naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque.
Antonin Artaud. Le théâtre et son double.
Jacques Derrida. «Le théâtre de la cruauté et la clôture de la représentation» dans L'écriture et la différence. [p. 341-368].
Hervé Fischer. Théorie de l'art sociologique.
Jean-Marc Lemelin. La grammaire du pouvoir.
3) LA THÉORIE CRITIQUE : DE LA CRITIQUE À LA
THÉORIE
Max Horkheimer. Théorie critique et théorie traditionnelle et Théorie critique.
Theodor Adorno. Dialectique négative.
Horkheimer et Adorno. La dialectique de la raison.
1) Le technicisme de Benjamin
Walter Benjamin. «L'auteur comme producteur» dans L'homme, le langage et la culture.
Walter Benjamin. «L'oeuvre d'art à l'ère de la reproductivité technique» dans Essais sur Bertolt Brecht. Mythe et violence. Poésie et révolution. Origine du drame baroque allemand. Baudelaire.
Recherches internationales à la lumière du marxisme # 87.
Matvejevitch. Pour une poétique de l'événement.
b) La théorie esthétique d'Adorno
Theodor Adorno. La théorie esthétique. Autour de la théorie esthétique. Philosophie de la nouvelle musique. Essai sur Wagner. Musique de cinéma. Mahler.
Marc Jimenez. Adorno : art, idéologie et théorie de l'art.
c) L'esthétique critique de Marcuse
Herbert Marcuse. La dimension esthétique.
4) LA CRITIQUE RADICALE
Mario Perniola. L'aliénation artistique.
Guy Debord. La société du spectacle.
Jean-Marc Lemelin et O'Neil Coulombe. Le pouvoir de la grammaire.
C) LE RÉCIT CONSTITUTIONNEL
1) L'ESTHÉTIQUE DE LA RÉCEPTION
H. J. Jauss. «Littérature médiévale et théorie des genres» dans Poétique 1 et «Littérature médiévale et expérience esthétique» dans Poétique 31, ainsi que Pour une esthétique de la réception.
Jacques Michon. Structure, idéologie et réception du roman québécois de 1940 à 1960. CELC # 3; Sherbrooke; 1979.
CELC # 7.
Poétique 39.
Degrés 28.
Revue des sciences humaines 177.
Walter Iser. L'acte de lecture.
2) LA THÉORIE SOCIOLOGIQUE
a) Sartre et Barthes
1°) la langue, qui est «un corps de prescriptions et d'habitudes, commun à tous les écrivains d'une époque» et qui «passe entièrement à travers la parole de l'écrivain»;
2°) le style est la forme, la parole de l'écrivain dans sa dimension verticale (c'est-à-dire non linguistique mais biologique, charnelle); alors que la langue est horizontale, le style est vertical : la langue est en deçà de la littérature, alors que le style est au delà; l'écrivain ne choisit ni l'une ni l'autre;
3°) l'écriture se situe entre la langue et le style; c'est par elle que l'écrivain choisit et s'engage; elle
est «la morale de la forme» : le lieu de la liberté et de l'engagement.
1°) une écriture opaque : celle de Flaubert ou de Mallarmé;
2°) une écriture blanche : celle de Blanchot;
3°) une écriture neutre : celle de Camus (ou de Gide);
4°) une écriture parlée : celle de Queneau.
L'écriture blanche ou neutre est transparente : sans style.
1°) le lisible, c'est ce qui peut être lu mais non écrit : est lisible ce qui s'écrivait et s'écrit encore comme tel; c'est le texte classique ou traditionnel; c'est l'écriture comme véhicule; c'est le produit: c'est l'affaire de l'écrivant; c'est l'écrivance (transitive);
2°) le scriptible, c'est ce qui est aujourd'hui écrit, ce qui se récrit; c'est le texte moderne (pluriel, atonal); c'est l'écriture comme matériau; c'est la production : c'est l'affaire de l'écrivain; c'est l'écriture proprement dite (intransitive).
Le scriptible «fait du lecteur un producteur de texte». Quant au recevable, c'est «l'illisible qui accroche» mais est impubliable.
Jean-Paul Sartre. Qu'est-ce que la littérature?
Roland Barthes. Le degré zéro de l'écriture et S/Z.
b) La sociologie positive d'Escarpit
1°) La littérature est un art, mais elle diffère des autres arts parce qu'elle est à la fois chose et signification, à la fois art et langage.
2°) «La littérature dans notre société se caractérise par une adéquation ou un affrontement dans l'au-delà du langage d'une forme institutionnelle et d'une liberté d'écriture», d'une idéologie et d'une écriture.
3°) «La littérature est composée d'oeuvres qui organisent l'imaginaire selon des structures homologiques aux structures sociales de la situation historique», tel que Goldmann le propose lui aussi.
4°) «[E]st littéraire une oeuvre qui possède une "aptitude à la trahison", une disponibilité telle qu'on peut, sans qu'elle cesse d'être elle-même, lui faire dire dans une autre situation historique autre chose que ce qu'elle a dit de façon manifeste dans sa situation historique originelle»; c'est par l'aptitude à la trahison qu'il y a survie de l'oeuvre.
Ce quatrième critère redonne une essence à l'oeuvre, à l'écriture, au système par rapport à
l'existence, au phénomène, au procès.
Comme processus, elle se caractérise par un projet, par un médium et par une démarche :
1°) Le projet, c'est l'oeuvre brute, c'est l'écriture; c'est la production, par l'écriture, de l'oeuvre; dans ce projet conscient, domine le sociologique sur le psychologique, l'historicité sur l'individualité; mais les deux sont réunis par le sémiologique, par l'expressivité.
2°) Le médium, c'est le livre ou le document écrit : c'est à ce niveau que la littérature, de processus, devient appareil; quand il est question du livre, il est question d'imprimerie, de typographie, de reliure, d'édition, de collection, de format, de prix, etc.
3°) La démarche, c'est l'oeuvre lue, c'est la lecture; c'est la consommation, par la lecture, de
l'oeuvre.
Comme appareil ou institution, la littérature se compose de la production, du marché et de la consommation:
1°) Il y a production par l'éditeur; pour Escarpit contrairement à Bourdieu, c'est l'éditeur -- lui qui était imprimeur ou libraire jusqu'à la fin du XVIIIe siècle -- qui est le producteur et non l'auteur; c'est l'éditeur qui fait la première sélection et ce qu'il publie est à 75% non littéraire (selon la classification des bibliothèques).
2°) Sur le marché, le livre ou le document est un produit comme un autre; c'est un instrument qui obéit donc aux lois de la circulation : il y a là aussi sélection.
3°) La consommation est tributaire de la publicité et, au niveau intellectuel (scolaire), du statut
professionnel et de la situation culturelle des publics : il y a ici une dernière sélection.
1) La sociologie de l'écriture
1°) par le financement interne, c'est-à-dire les droits d'auteur;
2°) par le financement externe, qui est de deux types : le mécénat et l'auto-financement.
Le mécénat a été très répandu sous le régime féodal et monarchique et à l'époque de l'aristocratie
: beaucoup d'écrivains ont été entretenus par la noblesse ou par le clergé; il se perpétue
aujourd'hui sous la forme du mécénat d'État : pensions, bourses, subventions, fonctions
officielles, prix littéraires. L'auto-financement peut prendre plusieurs formes : fortune
personnelle ou familiale, spéculation; second métier (qui est en fait le premier : il y a beaucoup
de professeurs, de journalistes et de professionnels libéraux qui écrivent; le second métier est
alors une sorte d'"auto-mécénat"...
1°) par le forfait, qui est un contrat par lequel l'auteur cède ses droits à l'éditeur, moyennant une certaine somme d'argent;
2°) par le paiement par pourcentage, où l'auteur reçoit un pourcentage sur chaque livre vendu.
Un auteur peut aussi choisir le salariat, au service d'une maison d'édition comme lecteur,
réviseur, rédacteur, conseiller littéraire ou journaliste-critique. Il y a aussi le demi-salariat, qui
peut lier un auteur et un éditeur : un éditeur peut avoir une "écurie d'auteurs"...
1°) une oeuvre écrite après l'âge de 40 ans a moins de chances de survie qu'une oeuvre écrite avant;
2°) il y a un rapport entre l'âge de l'écrivain et l'âge du lecteur;
3°) la récognition a lieu vers 25 ans et dure environ 15 ans.
Mais parce qu'il distingue une méthodologie sociologique et une problématique littéraire, un
appareil littéraire et un processus littéraire, il n'accorde aucune valeur phénoménologique à ces
conclusions. Il lui faut faire appel à l'aptitude à la trahison, qui contre «l'absurdité de l'existence
humaine», et à la contingence de la littérature pour justifier le fait que des oeuvres survivent et
d'autres non : le lecteur peut s'opposer ou acquiescer au «consensus de la vision historique de la
littérature»; il n'y a pas de génies méconnus : un écrivain oublié n'est pas ressuscité, redécouvert
ou remis à la mode; il y a seulement reclassement, selon Escarpit.
2) La sociologie du livre
1°) le circuit lettré, qui est le milieu littéraire, où se recrutent écrivains, enseignants et autres hommes de lettres comme éditeurs et critiques, sans oublier les étudiants; le milieu littéraire se définit par le jugement;
2°) les circuits populaires, caractérisés par le goût et qui alimentent le grand public.
Le circuit lettré passe surtout par la librairie, alors que les circuits populaires passent par des
débits ou des points de vente comme les tabagies ou les kiosques à journaux. Les deux circuits
sont contrôlés par la bourgeoisie et par la petite bourgeoisie intellectuelle; seuls les circuits
populaires s'adressent aux classes dominées, qui ne participent aucunement au "jeu littéraire".
1°) les procédés commerciaux traditionnels, c'est-à-dire étendre aux circuits populaires la production et la diffusion du circuit lettré par l'édition à bon marché (le livre de poche) et par les clubs du livre;
2°) les procédés commerciaux hétérodoxes comme le colportage (le porte-à-porte);
3°) le prêt par bibliothèques, bibliothèques ambulantes; rayons de prêt à l'anglaise dans les magasins, bibliothèques de paroisse, d'usine, de syndicats; mais il y a encore là une sélection, par le bibliothécaire;
4°) le dirigisme, qui doit éviter le souci didactique, parce que la littérature n'est pas la cause mais le résultat de la lecture.
Mais Escarpit remarque qu'il est impossible de passer alors à côté d'un didactisme technique,
idéologique ou humain au niveau de la distribution parce que «le déséquilibre de la distribution
répond au déséquilibre de la production». Sauf que, chose curieuse, la solution ne se trouve pas
au niveau de la production, selon lui, mais au niveau «du comportement des groupes humains
envers la littérature, c'est-à-dire au niveau de la consommation», de la lecture.
3) La psychosociologie de la lecture
1°) lire peut être un acte thérapeutique : on peut lire pour s'endormir, pour s'occuper l'esprit, pour chasser une angoisse;
2°) lire peut être un acte gymnastique ou hygiénique : on peut lire pour s'évader, pour s'exciter (lectures de terreur, humoristiques, lacrymogènes, érotiques); toute lecture, qu'elle soit pornographique ou non, a un aspect érotique;
3°) lire peut être un acte militant : on peut lire par devoir, pour apprendre ou pour être au courant
de sa doctrine (religieuse ou politique).
1°) l'âge : c'est entre 35 et 40 ans qu'on lit le plus;
2°) le type d'activité professionnelle;
3°) l'habitat;
4°) les conditions climatiques;
5°) la situation familiale.
Les moments de disponibilité se divisent en trois catégories :
1°) les moments creux irrécupérables (transports, repas), qui sont le plus souvent consacrés au journal et au policier ou au "roman de coeur" (surtout le feuilleton illustré);
2°) les heures libres (après le travail) comme la lecture de soirée ou au lit : c'est le "livre de chevet" auquel on consacre le plus de temps;
3°) les périodes de non-activité (dimanches, congés, maladie, convalescence, retraite), où le sport
est le principal rival de la lecture.
Robert Escarpit. Sociologie de la littérature.
Robert Escarpit et al. Le littéraire et le social.
CERM . Colloque sur la situation de la littérature, du livre et des écrivains.
c) La sociologie positionnelle de Bourdieu
1°) le champ politique est le champ du pouvoir;
2°) le champ intellectuel est inclus dans un type spécifique de champ politique : c'est le champ du savoir;
3°) le champ culturel peut être littéraire, artistique, religieux, juridique ou scientifique : il est plus vaste (et plus vague) que le champ intellectuel : c'est le champ du savoir-faire;
4°) le champ littéraire est un champ idéologique : c'est le champ du savoir-dire ou du
comment-dire.
1) Le champ du pouvoir et le champ intellectuel
1°) l'apparition d'un corps de producteurs professionnels, d'intellectuels professionnels et non plus de professionnels intellectuels;
2°) le développement d'une véritable industrie culturelle, surtout à cause de la grande presse;
3°) l'extension du public de consommateurs, surtout parmi les femmes, provoquée par la généralisation de l'enseignement élémentaire, de l'école obligatoire;
4°) la multiplication des instances de diffusion, de légitimation et de consécration : des
intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs.
Mais ces mêmes facteurs provoquent la division du champ intellectuel en deux sphères :
1°) la sphère de production restreinte, où la valeur symbolique des oeuvres prime, où la valeur d'usage (c'est-à-dire le produit ou l'objet : l'oeuvre) prime sur la valeur d'échange (la marchandise : le livre);
2°) la sphère de grande production, où la valeur d'échange prime sur la valeur d'usage, la valeur
économique sur la valeur symbolique.
2) La sphère de production restreinte
3) Les instances de diffusion et de légitimation :
la loi culturelle
4) La sphère de grande production
5) L'art savant et l'art moyen
1°) les oeuvres d'avant-garde : destinées à quelques pairs;
2°) les oeuvres d'avant-garde en voie de consécration ou déjà reconnues;
3°) les oeuvres d'"art bourgeois" : destinées aux fractions non intellectuelles de la classe dominante et souvent consacrées par des instances de légitimation.
Dans le culte de la forme, l'art savant est le bonheur de l'art.
1°) la culture de marque : les ouvrages couronnés par des prix littéraires;
2°) la culture en simili : les ouvrages de vulgarisation qui s'adressent aux classes moyennes et surtout à leurs fractions en ascension;
3°) la culture de masse : les ouvrages dits "omnibus".
Dans la recherche de l'effet (sur le public) et dans le plagiat ou la parodie de l'art savant, l'art
moyen est l'art du bonheur -- jusqu'au kitsch!
6) Les positions et les prises de position
Pierre Bourdieu. «Le marché des biens symboliques» dans L'année sociologique 22 (1971), «Champ intellectuel et projet créateur» dans Les Temps modernes 246, «Champ intellectuel, champ du pouvoir et habitus de classe» dans Scolies, La distinction. Questions de sociologie. Leçon sur la leçon. Ce que parler veut dire. Les règles de l'art.
Actes de la recherche en sciences sociales.
Accardo. Initiation à la sociologie de l'illusionnisme social.
Claude Lafarge. La valeur littéraire
Alain Viala. Naissance de l'écrivain.
Jacques Dubois. L'institution de la littérature.
Abraham Moles. Psychologie du kitsch; l'art du bonheur.
CELC # 6 : «L'arbitraire culturel».
Jacques Leenhardt et Pierre Jozsa. Lire la lecture.
1°) une phase de rupture prophétique, marquée par la préface-manifeste des Poèmes antiques de Leconte de Lisle, qui s'oppose au néo-romantisme et à «l'École du Bon Sens»;
2°) une phase de rationalisation prosodique, où il y a constitution d'une communauté émotionnelle caractérisée par des rapports étroits entre le maître et les disciples comme Hérédia; de cénacle qui se réunit dans le salon de Leconte de Lisle, le Parnasse devient une École littéraire où les disciples ont chacun leur salon;
3°) une phase de pleine orthodoxie (en prosodie et en pouvoir symbolique), où il y a des exclusions (Verlaine), mais aussi de l'opposition de la part des Symbolistes : Mallarmé, à son tour, est en quête de capital symbolique; cette phase est marquée par l'entrée des Parnassiens comme critiques dans les journaux les plus prestigieux et par un autre manifeste;
4°) une phase de casuistique prosodique, de complaisance, où on commence déjà à réfléchir sur son art et où les Parnassiens sont reçus à l'Académie française ou nommés officiers de la Légion d'honneur; la décadence est alors proche...
Ainsi la valeur symbolique des oeuvres à peu à voir avec leur valorisation esthétique.
Rémi Ponton dans Revue française de sociologie XIV (1973).
Marcel Fournier dans Possibles.
Jean-Marc Lemelin. «Le champ littéraire au Québec; récits pragmatiques». dans Robert Giroux et
Jean-Marc Lemelin Éds. Le spectacle de la littérature; les aléas et les avatars de l'institution [p.
187-247].
3) LA THÉORIE SOCIO-HISTORIQUE
Louis Althusser. «Idéologie et appareils idéologiques d'État» dans Positions.
Jean-Marc Lemelin. «Idéologie, idéologies et idéologiques» dans Recherches et théories # 23 et
«L'institution littéraire et la signature; notes pour une taxinomie» dans Voix et Images VI # 3 [p.
409-433].
a) Macherey
1°) le langage quotidien (commun) est le langage de l'idéologie, c'est-à-dire de la représentation réelle d'un rapport imaginaire [ou symbolique] aux conditions matérielles d'existence (selon Althusser);
2°) la littérature, l'écriture littéraire plutôt, fait du langage et de l'idéologie un usage inédit;
3°) le langage littéraire n'est pas reproduction de la réalité, mais production par la contestation du langage;
4°) l'auteur n'est pas le sujet de l'oeuvre : l'écrivain n'est pas le sujet du texte; il n'y a pas de sujet individuel ou collectif.
Les lois de la production sont fournies à l'oeuvre littéraire :
1°) par l'histoire des formations sociales, c'est-à-dire des ensembles socio-historiques résultant des modes de production (et de reproduction);
2°) par le statut de l'écrivain;
3°) par les autres oeuvres littéraires;
4°) par les autres usages du langage.
Pierre Macherey. Pour une théorie de la production littéraire.
b) Hadjinicolaou
1°) l'histoire de l'art comme histoire des artistes, qui est une conception qui voile le rapport entre l'image et l'idéologie; elle comprend trois variantes :
. l'explication psychologique (par la personnalité ou le comportement de l'auteur),
. l'explication psychanalytique -- psychocritique plutôt, selon nous -- (par l'inconscient de l'auteur),
. l'explication sociologique (par l'environnement de l'auteur);
on passe ainsi à côté de l'oeuvre pour s'intéresser à l'artiste : on est alors victime de l'idéologie bourgeoise de l'individu créateur, alors qu'il n'y a pas de sujet de l'oeuvre;
2°) l'histoire de l'art comme partie de l'histoire des civilisations, qui est une conception qui méconnaît le rapport entre l'art et les idéologies globales des classes sociales; pour cette conception, représentée par l'autogenèse des contenus de Panofsky, et dont la technique privilégiée est l'iconologie, l'histoire de l'art n'est qu'une partie de l'histoire de la culture, de l'histoire de l'esprit ou de l'histoire des sociétés, ces trois histoires étant autonomes, mais l'histoire de l'art n'ayant aucune autonomie relative : il n'y a pas d'histoire de l'esprit et la sociologie de l'art n'a pas d'objet qui lui soit propre;
3°) l'histoire de l'art comme histoire des oeuvres d'art, où il y a négation du rapport art-idéologies-lutte idéologique des classes :
. par l'histoire de l'art comme histoire des formes, qui considère le style comme l'expression de l'état d'esprit d'une époque,
. par l'histoire de l'art comme l'histoire des structures,
. par l'histoire de l'art comme addition des analyses d'oeuvres d'art particulières;
l'histoire de l'art acquiert ainsi une indépendance absolue : or, si l'histoire de l'art est autonome,
elle n'est pas indépendante.
1°) à la conception du style comme organisation de la forme, conception qui est celle de l'histoire des oeuvres d'art et de l'histoire des artistes;
2°) à la conception du style comme somme de la forme et de la force ou comme fond;
3°) à la conception du style comme conséquence de la culture, de l'esprit et de la société, conception qui est celle de l'iconologie.
Pour Hadjinicolaou, s'inspirant d'Antal, le style réunit la forme et le thème; c'est un style de
classe: il est neutre de toute valorisation esthétique; ce n'est pas une catégorie esthétique : toute
oeuvre, esthétique ou pas, a son style.
Nicos Hadjinicolaou. Histoire de l'art et lutte des classes.
Jean Baudrillard. De la séduction.
c) Vernier
France Vernier. L'écriture et les textes et «Une science du "littéraire" est-elle possible? dans La
Nouvelle Critique 1971.
d) R. Balibar
Renée Balibar. Le français national et Les français fictifs.
e) Macherey et É. Balibar
1°) des textes littéraires, qui sont des formations idéologiques particulières et singulières;
2°) du mode d'identification idéologique produit par le travail de la fiction littéraire;
3°) de la place de l'effet esthétique littéraire dans le procès de reproduction de l'idéologie
dominante.
Pierre Macherey et Étienne Balibar. «Présentation» de Les français fictifs.
Gérard Delfau et Anne Roche. Histoire/littérature.
Jean-Marc Lemelin. «(Méta)langues; pragmatique et grammatique des études littéraires : Les théories de l'écriture» dans La puissance du sens; essai de pragrammatique [p. 59-99, surtout p. 70-75] et Kristeva/Meschonnic; théorie de l'écriture et/ou théorie de la littérature.
Roman Jakobson. Essais de Linguistique générale et Questions de poétique.
Tzvetan Todorov. «la notion de littérature» dans Qu'est-ce que la poétique?, Littérature et signification, Introduction à la littérature fantastique, Poétique de la prose et Grammaire du Décaméron.
Groupe u. Rhétorique générale.
Gérard Genette. Introduction à l'architexte, Fiction et diction et L'Oeuvre de l'art; immanence et transcendance.
Henri Meschonnic. Pour la poétique.
Iouri Tynianov. «L'évolution littéraire».
Formalistes russes. Théorie de la littérature
Mukarowsky, Tomachevsky, Lotman.
Wellek et Warren. La théorie littéraire.
5) LA SOCIO-SÉMIOTIQUE
a) Zima
1°) la langue n'est pas neutre;
2°) les problèmes socio-économiques peuvent être représentés comme des problèmes linguistiques sur le plan textuel et intertextuel : l'idéologie est dans la forme, dans le signe, dans la langue;
3°) l'autonomie de l'art est inséparable de l'individualisme bourgeois.
C'est donc par le socio-linguistique que le socio-économique advient au textuel, au fictionnel, au
littéraire.
Pierre Zima. Le désir du mythe -- une lecture sociologique de M. Proust, Goldmann -- dialectique de l'immanence, L'École de Francfort -- une dialectique de la particularité, Pour une sociologie du texte littéraire, L'ambivalence romanesque et «Littérature et société» dans A. Kibédi-Varga et al. Théorie de la littérature.
Mickhaïl Bakhtine. Le marxisme et la philosophie du langage, La poétique de Dostoïevski, Esthétique et théorie du roman et L'oeuvre de Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge.
Henri Godard. Poétique de Céline.
Claude Abastado. Mythes et rituels de l'écriture.
b) Grivel
1°) Sur le texte
1. Le texte est son effet; son effet le contient : le texte est donc histoire, dans l'histoire.
2. Le texte n'est pas (relativement) autonome, même s'il y a coupure entre l'idéologie et l'écriture : l'autonomie du texte est un mythe.
3. Le texte est sa lecture, même s'il commande sa lecture : il est engendrement des lectures et de la lecture de ces lectures qu'est la théorie.
4. Le texte renvoie à la fiction qui renvoie au référent.
5. Le contexte fait partie du texte; il mène au sens du texte, comme le texte mène à son effet.
6. L'usage du texte produit son usure (à la fois son intérêt et sa détérioration).
7. Le sens du texte est le produit et la finalité du texte.
8. À partir de son effet, tout le texte sera pris pour vrai.
9. Le titre ne raconte pas le texte mais son intention, son projet.
10. Le texte accomplit un service idéologique.
11. Toute littérature est propagande.
12. Dans le texte, il y a des universaux, des archétypes, des idéologèmes (des énoncés idéologiques, selon Bakhtine et Kristeva), qui font le «code dans l'écrit».
13. Le sens d'un texte est le rapport de son dire à sa pratique, c'est-à-dire à son utilisation institutionnelle en fonction de l'intertexte.
14. L'idéologie représente le champ d'existence du texte, son origine, sa fin, aussi bien que son milieu même.
15. Le texte est un effet de production idéologique (soumis à la dictée institutionnelle et prenant part à sa profération) : il illustre, accumule, réalise le sens idéologique; le texte est produit-producteur d'idéologie.
16. Le texte est un effet idéologique d'obnubilation de l'idéologique.
17. L'intention d'un texte est une pratique de classe.
2°) Sur le roman
1. Le roman est un instrument de connaissance idéologique.
2. Le roman n'a pas de sens : il est un sens, celui de l'idéologie.
3. Le roman, comme tout récit, est un texte.
4. L'auteur n'est pas l'auteur du roman; l'art est une oeuvre non de l'homme mais de ce qui le produit : l'idéologie; il n'y a pas de sujet (individuel ou collectif) de l'oeuvre.
5. Le texte romanesque est un effet sur le sens idéologique donné.
6. Le roman se définit par son efficacité, son efficace, son effet.
7. Le texte romanesque vérifie et démontre, en fiction, le sens idéologique de base.
8. Le roman est de l'intérêt produit à partir d'une histoire.
9. Un roman sans extraordinaire est un faux roman.
10. La poésie est l'extraordinaire de la prose.
11. Le sens du récit, du roman, va de l'infirmation à la confirmation.
12. L'effet du roman est une réduction de l'écriture, de la fiction.
13. Le lecteur, prévu par le texte, est un rôle du roman.
14. La fiction, pour être efficace, se fait passer pour l'histoire.
15. Le personnage n'est personne; la personne est la fiction, projetée, reçue pour vraie, du personnage.
16. Tout élément du texte romanesque est instrument de la vraisemblance.
17. Toute subversion, ou toute soumission romanesque, commence par le nom propre; le nom propre signifie la fiction et la vérité de la fiction.
18. Le roman ne peut pas montrer le roman.
19. L'extraordinaire masque l'origine romanesque du texte.
20. Le roman est le signifiant de l'archétype idéologique; il est la leçon du roman : le propre discours de l'archétype.
21. Il n'y a pas de roman sans contradictions, sans antagonismes.
22. Le roman ne représente pas la lutte des classes; il la manque, il en représente l'état idéologique : il représente la représentation du conflit entre le réel et l'oeuvre -- l'instance idéologique.
23. Quand le roman peint la lutte des classes, il cesse d'être roman.
24. Le roman est théoriquement inimaginable dans une société sans classes.
25. Le roman est une proposition idéologique dans sa portée et son fonctionnement.
26. Plus le roman dénonce sa textualité, plus il donne à croire à sa justesse.
27. La réalité est l'apparence du roman.
28. Le roman est un des procédés de vraisemblabilisation (de vérification) de l'idéologique.
29. La fiction se fait vraie pour être lisible (lue) dans son effet de fiction.
30. La vérité de la fiction est l'archétype.
31. Le roman accomplit l'idéologique.
32. C'est le code idéologique qui est l'auteur du livre, du roman.
33. Le roman démontre le code; il ne le démonte pas.
34. Le roman se définit par son rendement idéologique.
35. L'intérêt romanesque est un intérêt idéologique.
36. Le roman, via l'idéologique, sert le politique; mais la politique est le refoulé du roman.
37. Le roman est un instrument, une parole, de la classe dominante.
38. La lecture du roman se joue à propos de la reconnaissance de l'ordre de classe.
39. Le capitalisme provoque l'apparition du roman; l'apogée de la bourgeoisie coïncide avec le roman réaliste.
40. Le roman est une projection de l'idéologie dominante sur la classe dominée.
41. On ne peut changer le roman qu'en faisant cesser le roman : le "roman socialiste" est une contradiction dans les termes.
42. Le roman développe et soutient la pénétration idéologique de la classe dominée.
43. Le roman est une tactique d'épuration idéologique.
44. Le roman est une censure; il réalise une police culturelle (idéologique).
45. Le roman signifie la mise à mort de la conscience de la classe dominée.
46. Le roman ne se nie pas dans le roman; aucun roman ne sort du roman; il n'y a pas d'anti-roman.
47. Le roman est un genre faux; il ne peut constituer une parole vraie.
48. Le roman n'engendre que le roman, c'est-à-dire l'idéologique; c'est sa seule réalité.
49. Il n'y a pas de roman véritablement réaliste possible.
50. Le roman répète le roman; du roman succède au roman : le roman est interminable.
Charles Grivel. Production de l'intérêt romanesque, «Modes de réduction institutionnelle du texte (romanesque)» dans le tome II de Production de l'intérêt romanesque, «Pour une sémiotique des produits d'expression, 1 : Le texte», «Théorie du récit ou théorie du texte».
Charles Bouazis.Littérarité et société, Essais de la sémiotique du sujet et Ce que Proust savait du symptôme.
Charles Bouazis et al. Essais de la théorie du texte.
Julia Kristeva. Le texte du roman.
Léo Hoek. La marque du titre.
Roland Barthes et al. Littérature et société.
Colloque de Cluny II. «Littérature et idéologies» dans La Nouvelle Critique 39bis, 1970.
Littérature.
Degrés.
Semiotica.
6) LA GRAMMATOLOGIE
Jacques Derrida. L'écriture et la différence, La voix et le phénomène, De la grammatologie, La dissémination, MARGES De la philosophie, etc.
Jean-Marc Lemelin. Signature; appellation contrôlée et «Rousseau et Derrida : L'oralité et la
textualité» dans Le sujet ou Du nom propre [p.91-104].
CONCLUSION
1°) une approche latérale de la littérature comme art et langage : une prag(ram)matique sociologique et socio-historique comme construction (institution, constitution, reconstitution);
2°) une approche littérale de la langue et du discours ou de l'écriture et de la lecture : une grammaire de la signification qui nous est fournie par la sémiotiquecomme reconstruction du sens;
3°) une approche littorale de la signature par la déconstruction (grammatologique ou métapsychologique, phénoménologique ou psychanalytique) : une (pra)grammatique.
Ainsi est possible une approche littéraire de la parole : une (dia)grammatique de la voix comme
récit --(archi)texte ou archigenre : grammaire du sens -- et rythme -- archétexte : signifiance --;
grammatique qui inclut donc une narratique et une rythmique, sous l'instruction de la
diagrammatique du langage, elle-même sous le patronage de la struction et de la (trans)duction
de la pragrammatique comme science générale de l'homme et comme science du sens (qui est à la
fois monde et langage, animalité et oralité).
Jean-Marc Lemelin. La puissance du sens; deuxième livre : «La jouissance du nom propre : La signature de quatre romans québécois» [p. 113-196], Du récit, Oeuvre de chair et Le sens.
André Kibédi-Varga et al. Théorie de la littérature.
Maurice Genevoix et al. Méthodes du texte.
Marc Angenot et al. Théorie littéraire.