INTRODUCTION : LE PARCOURS
GÉNÉRATIF
1°) au niveau discursif de la forme de l'expression, se distinguent, au sein de la sémiotique discursive de la manifestation, la syntaxe discursive (la discursivisation) et la sémantique discursive (la thématisation et la figurativisation);
2°) au niveau narratif de la forme du contenu, se distinguent, au sein de la grammaire sémio-narrative, la syntaxe narrative et la sémantique narrative, ainsi que la syntaxe fondamentale et la sémantique fondamentale.
C'est par le parcours génératif qu'il y a calcul du
texte, programmation textuelle, textualisation -- de
l'instance ab quo à l'instance ad quem -- des structures
sémio-narratives (profondes), qui sont des structures
virtuelles (fondamentales) et des structures
actualisantes ou actualisées, par les structures
discursives (superficielles), qui sont des structures
réalisantes ou réalisées. La textualisation est à la fois
linéarisation, c'est-à-dire linéarité et élasticité, et
ponctuation, c'est-à-dire clôture (ouverture et
fermeture) du corpus. L'élasticité peut être condensation
ou expansion (dénomination ou définition, périphrase ou
paraphrase, coordination ou subordination, glose ou
scolie, etc.). Alors que l'énoncé est la condensation du
discours, le discours est l'expansion de l'énoncé.
APPLICATION OU ILLUSTRATION
Comte de Lautréamont
(pseudonyme d'Isidore Ducasse)
[Écrivain français ou uruguayen : 1846-1870]
Les Chants de Maldoror
(1869)
EXERCICE OU EXPOSÉ
APPLICATION OU ILLUSTRATION
Arthur Rimbaud
[Poète français : 1854-1891]
Une saison en enfer
(1873) (retrouvé en 1901 et distribué en 1914)
DÉLIRES II, ALCHIMIE DU VERBE débute par «À moi.
L'histoire d'une de mes folies», comme si c'était un "Au
secours!" et comme si c'était au tour de l'Époux infernal
de se confesser; mais cette confession ne concerne pas la
Vierge folle mais le parcours de la voyance, de la poésie
et de la folie, qui se voit reniée en deux phrases
finales : «Cela s'est passé. Je sais aujourd'hui saluer la
beauté» [146]; la condamnation triomphe de la célébration.
L'IMPOSSIBLE met en scène et en oeuvre le parcours de la
raison capable d'évaluer la fin de l'Orient et
l'impossibilité d'être et de ne pas être en Occident
[147]; l'impossible, c'est d'allier une sagesse orientale
et une paresse occidentale «depuis cette déclaration de la
science, le christianisme» [148]. De l'Orient, «la patrie
primitive» [148], l'évasion est bien loin -- et «la
science ne va pas assez vite pour nous!»...
L'ÉCLAIR confronte le parcours thématique du travail,
celui de la paresse et celui du devoir : «J'ai mon devoir»
[149] [cf. 137 : «Puis il faut que j'en guide d'autres :
c'est mon devoir. Quoique ce ne soit guère ragoûtant...,
chère âme»] -- au risque de perdre l'éternité, comme il
est rappelé à la «chère pauvre âme» [150].
MATIN substitue la jeunesse à l'enfance de L'IMPOSSIBLE,
mais c'est le parcours de la faiblesse : «Je ne sais plus
parler» [150, en italiques dans le texte], devant un idéal
utopique de «travail nouveau», de «sagesse nouvelle», de
«fuite des tyrans et des démons», de «Noël sur la terre» --
et pour des esclaves [150].
-- Et quand l'aurore et la veille succèdent à une «dure nuit» (l'obscurité et la lumière, la terre et le feu de l'enfer) et que la vigueur et la tendresse ou la patience ont triomphé de la paresse, point d'autre cantique -- par le condamné à vie : le (con)damné à vivre, le damné d'une saison en enfer -- que celui-ci :
«Il faut être absolument moderne»...
EXERCICE OU EXPOSÉ
C) LA SYNTAXE NARRATIVE DE
SURFACE
1°) la syntaxe narrative de surface,
2°) la syntaxe narrative intermédiaire,
3°) la syntaxe narrative profonde.
La syntaxe narrative de surface est dite anthropomorphe;
c'est la plus développée de toutes les composantes de la
sémiotique et plus particulièrement de la grammaire
sémio-narrative.
pour // sans / contre // avec
SUJET // ANTI-DESTINATEUR / ANTI-SUJET // DESTINATEUR
ou
ACTANT // NÉGACTANT / ANTACTANT // NÉGANTACTANT
[C'est ainsi que sera désormais
schématisé ici le
carré sémiotique :
terme contraire // terme contradictoire / terme contraire // terme contradictoire
Les termes centraux sont complémentaires entre eux, de
même que les termes extrêmes, la lecture s'effectuant sur
le carré du haut à gauche au bas à droite, du bas à
droite au haut à droite et du haut à droite au bas à
gauche].
1°) L'épreuve qualifiante caractérise la situation
initiale du récit, lorsqu'il y a une rupture du contrat
qui enclenche le récit : la rupture de l'ordre crée une
situation de manque (ou de disjonction du Sujet et de
l'Objet), de désordre, qui doit être comblée par la quête
ou la mission -- quête qui présuppose le désir et dont le
but est la liquidation du manque -- du Sujet. Elle est le
lieu de l'acquisition de la compétence du Sujet au milieu
de la manipulation par le Destinateur initial et elle est
parfois présupposée, c'est-à-dire absente du temps de la
fiction et de l'espace de la narration (ou de la clôture
du texte). Elle implique un savoir-faire et un pouvoir-faire et les moyens (instruments, outils) d'un programme
narratif d'usage, ainsi que l'intervention de l'Adjuvant.
2°) L'épreuve décisive caractérise la situation centrale
du récit, centre qui n'est pas nécessairement le milieu
(séparant deux moitiés) mais le noyau. Elle est le lieu
de la performance, de l'action (décision et exécution),
du Sujet et parfois de la confrontation de l'Adjuvant et
de l'Opposant ou du Sujet et de l'anti-Sujet. Elle
implique les fins (objectifs et cibles) d'un programme
narratif de base visant la conjonction du Sujet et de
l'Objet de valeur(s), de l'Objet de la quête ou du
désir).
3°) L'épreuve glorifiante caractérise la situation finale
du récit et elle implique la défaite de l'Opposant et/ou
de l'anti-Sujet. Elle est le lieu de la sanction de
l'action ou de la quête du Sujet par le Destinateur
final, qui réapparaît ou dont l'apparition du
Destinataire tient lieu. Lorsque l'épreuve décisive s'est
effectuée sur le mode du secret, un pouvoir-faire-savoir
(l'aveu ou la révélation par la dénonciation) vient
figurativiser par la marque (objet, signe, cicatrice,
balafre, blessure, handicap, infirmité, etc.) la
reconnaissance du Sujet comme tel. Il y a alors
conjonction du Sujet et de l'Objet de valeur,
liquidation du manque ou de l'aliénation et parfois
réalisation du héros dans un espace utopique et
solitaire, après un combat donnant la victoire au Sujet
(ou du protagoniste) sur l'anti-Sujet (ou l'antagoniste),
qui se trouve ainsi dépossédé, dépourvu ou privé de
l'Objet de valeur.
APPLICATION OU ILLUSTRATION
Jacques Ferron
[Écrivain québécois : 1921-1985]
«Mélie et le boeuf»
(Contes du pays incertain)
(1962)
EXERCICE OU EXPOSÉ
D) LA SYNTAXE NARRATIVE
INTERMÉDIAIRE faire-faire // ne pas faire-faire / faire-ne pas faire // ne pas faire-ne pas faire
INTERVENTION // ABSTENTION / EMPÊCHEMENT // ABSENCE
SOUVERAINETÉ // HUMILITÉ / SOUMISSION // FIERTÉ
APPLICATION OU ILLUSTRATION
Guy de Maupassant
[Écrivain français : 1850-1893]
Le rosier de Madame Hussson
(1888)
-- Partout le mensonge et le secret, la fausseté et la
tromperie, jamais de vérité, si ce n'est celle qui fait
rire, ou pleurer.
EXPOSÉ OU EXERCICE
E) LA SYNTAXE NARRATIVE
PROFONDE
devoir-être // ne pas devoir être / devoir ne pas être // ne pas devoir ne pas être
NÉCESSITÉ // CONTINGENCE / IMPOSSIBILITÉ // POSSIBILITÉ
Les modalités
déontiques sont celles où il y
surdétermination de l'énoncé de faire par un énoncé modal
ayant aussi pour prédicat le devoir :
devoir-faire // ne pas devoir faire / devoir ne pas faire // ne pas devoir ne pas faire
PRESCRIPTION // FACULTATIVITÉ / INTERDICTION // PERMISSIBILITÉ
Les modalités déontiques affectent le sujet dans sa
compétence modale et font partie de sa définition; elles
ne régissent pas l'univers du Destinateur et son
axiologie.
croire-être // ne pas croire être / croire ne pas être // ne pas croire ne pas être
CERTITUDE // INCERTITUDE / IMPROBABILITÉ // PROBABILITÉ
Les modalités épistémiques n'excluent pas la
contradiction : l'opposition possible / impossible n'est
pas une contradiction qui exclut tout tiers; elles ne
dépendent pas seulement du faire interprétatif (ou du
savoir) mais aussi, sinon surtout, du vouloir-croire et
du pouvoir-croire.
être // non-être / paraître // non-paraître
L'être et le non-être sont de l'ordre de l'immanence; le
paraître et le non-paraître sont de l'ordre de la
manifestation (ou de la transcendance). La
vérité est ce
qui est et paraît; la fausseté (par la tromperie
ou l'illusion ou par l'erreur) est ce qui ne paraît pas et
n'est pas; le mensonge est ce
qui paraît mais n'est pas;
le secret est ce qui ne
paraît pas mais est. La
véridiction consiste donc à statuer sur l'existence de
l'immanence à partir de la transcendance de la
manifestation, à statuer sur l'être de l'être; c'est une
inférence impliquant une ontologie et mettant en scène le
"jeu de la vérité" : dire-vrai / croire-vrai. Un contrat
de véridiction met en oeuvre des effets de sens et des
effets de vérité : des effets de sens "vérité"...
vouloir-être // ne pas vouloir être / vouloir ne pas être / ne pas vouloir ne pas être
vouloir-faire // ne pas vouloir faire / vouloir ne pas faire // ne pas vouloir ne pas faire
Il y a des affinités sémantiques entre le vouloir-faire
(du Destinateur), le devoir-faire (du Sujet) et le
pouvoir-faire (de l'Adjuvant). La logique volitive (ou
boulestique) n'est pas encore capable de fournir des
termes aux relations, des valeurs aux structures. C'est
sans doute à la psychanalyse de prendre ici le relais
pour distinguer, le désir et la volonté, la volition et
l'intention, la négation et la dénégation, le déni et le
désaveu, le rejet et le refus, etc.
pouvoir-être // ne pas pouvoir être / pouvoir ne pas être // ne pas pouvoir ne pas être
POSSIBILITÉ // IMPOSSIBILITÉ / CONTINGENCE // NÉCESSITÉ
pouvoir-faire // ne pas pouvoir faire / pouvoir ne pas faire // ne pas pouvoir ne pas faire
LIBERTÉ // IMPUISSANCE / INDÉPENDANCE // OBÉISSANCE
[cf. section précédente pour les codes d'honneur]. Il y
a des affinités sémantiques entre le devoir-être et le
pouvoir-être, ce dernier étant l'inversion des termes
isotopes.
APPLICATION OU ILLUSTRATION
Denis Diderot
[Écrivain français : 1713-1784]
Jacques le fataliste et son maître
(1796)
1°) celle d'un narrateur-scripteur, qui interpelle et
apostrophe le lecteur et qui contrôle la stratégie
narrative;
2°) celle d'un narrateur-raconteur, qui relate les
aventures et les mésaventures de Jacques et de son
maître;
3°) celle d'un narrateur-acteur singulier, qui se
distingue du premier en ce qu'il joue un rôle dans
l'action, par exemple dans l'épisode du poète de
Pondichéry [50-52] ou dans celui de Gousse [78-81, 100-103, 109-113];
4°) celle des nombreux narrateurs-acteurs particuliers,
surtout : Jacques, son maître, l'hôtesse et le marquis
des Arcis.
Il y a de multiples embrayages et débrayages, le
débrayage le plus complexe étant celui donnant lieu,
encadré par une histoire de chiens, au récit de la
vengeance de Mme de La Pommeraye et du mariage saugrenu
[116] ou singulier [124] du marquis des Arcis : du
domestique de ce dernier à la servante de l'hôtesse, de
cette servante au mari de l'hôtesse et du mari à sa femme
[108].
-- Tout cela pour dire que le langage du maître (la
liberté, a libre pensée, le libertinage) n'a
d'équivalent, dans Jacques le fataliste et son maître,
que le maître du langage (la nécessité, la fatalité, la
destinée), mais que ce maître -- pas celui de Jacques --
est un valet, un serviteur, un Jacques qui n'a de maître
que le grand rouleau; ce grand rouleau, c'est le langage,
qui n'a pas de maître et qui est le maître à m'être et
en malêtre [Lacan].
EXERCICE OU EXPOSÉ
1°) les valeurs
descriptives (ou pragmatiques), qui
concernent les objets consommables et thésaurisables (les
états de chose) et les plaisirs (les états d'âme); vont
alors se distinguer des valeurs subjectives
(essentielles), celles de l'être, et des valeurs
objectives (accidentelles), celles de l'avoir;
2°) les valeurs
modales,
dont il a déjà été question avec
les modalités et la modalisation.
Se distinguent aussi les valeurs de
base identifiant les
fins, les objectifs et les cibles, les valeurs
d'usage
désignant des moyens, des instruments, des outils, des
ustensiles, et les valeurs
d'échange comme le contrat
fiduciaire -- la monnaie, l'étalon, la mesure -- réglant
l'échange, c'est-à-dire la transformation des valeurs et
la circulation des objets de valeur du discours narratif.
À cela, s'ajouteraient des valeurs
d'usure investies dans
les rapports des sujets et des objets et impliquant
l'intérêt, non seulement comme profit ou bénéfice mais
aussi comme gain ou perte d'intérêt, surestimation ou
sous-estimation, surévaluation ou sous-évaluation,
spéculation plus que thésaurisation...
APPLICATION OU ILLUSTRATION
Jean Anouilh
[Dramaturge français : 1910-1987]
Antigone
(1944)
-- Il faut que meurent les pères pour que vivent les
fils!
EXERCICE OU EXPOSÉ
1°) C'est un réseau relationnel, la
relation pouvant être
différence ou ressemblance, altérité ou identité, entre
au moins deux valeurs-termes (ou sèmes) de l'axe
paradigmatique (du ou... ou) et de l'axe syntagmatique
(du et... et) conduisant à la signification.
2°) C'est une typologie des relations élémentaires :
a) La contradiction
est la relation qui existe entre deux termes de la catégorie
binaire assertion/négation, l'assertion n'étant pas synonyme
de l'affirmation, mais étant le contradictoire de la négation : c'est un des deux termes de la catégorie
transformation conduisant au faire. La négation est l'opération qui établit la relation de contradiction,
donc de disjonction, entre un terme rendu absent et son contradictoire qui acquiert ainsi une existence;
elle ne se confond pas avec la privation ni avec l'opposition : le binarisme n'est pas un simple
dualisme. Les termes deviennent des points d'intersection menant à des étiquettes, quand il y a
lexicalisation.
b) La complémentarité est
la relation entre un subcontraire et un contraire par présupposition particulière
(singulière ou unilatérale) ou implication (non-contrariété) et donc conjonction.
c) La contrariété,
contradiction particulière, est la relation de présupposition réciproque des termes, où
la présence de l'un présuppose la présence de l'autre
et où l'absence de l'un présuppose l'absence de l'autre; le terme contradictoire de l'un implique
le contraire de l'autre. La contrariété est constitutive de la catégorie sémantique
(ou de la non-contradiction). La subcontrariété
est une relation entre deux subcontraires.
3°) C'est le carré
sémiotique, entendu comme la
représentation visuelle de l'articulation logique d'une
catégorie sémantique quelconque. Se distinguent, dans le
carré sémiotique, les axes (des contraires et des
subcontraires), les schémas (positif et négatif) et les
deixis (positive et négative). Il y a schéma positif
quand le terme premier des contradictoires appartient à
la deixis positive; il y a schéma négatif quand le terme
premier est situé sur la deixis négative. La
deixis est
la dimension fondamentale du carré sémiotique qui réunit
un contraire avec le contradictoire de l'autre contraire
par la relation d'implication. Les deixis (la dénégation)
conditionnent les schémas (la négation), qui commandent
les axes (l'assertion). Les deux relations de contrariété
(des contraires et des subcontraires) conduisent à une
contradiction et les deux relations de complémentarité
(des deixis) conduisent à une contrariété; il y a alors
des métatermes contradictoires, comme la vérité et la
fausseté, et des métatermes contraires, comme le secret
et le mensonge. Un terme complexe peut réunir deux
contraires et un terme neutre peut réunir deux termes
subcontraires ou se situer entre les deux.
APPLICATION OU ILLUSTRATION
Denys Arcand
[Cinéaste québécois né en 1941]
Jésus de Montréal
Canada; 1989.
[À venir à l'automne 1998 en collaboration avec
Danielle Conway]
EXERCICE OU EXPOSÉ
APPLICATION OU ILLUSTRATION
Affiche du film
Jésus de Montréal
[À venir à l'automne 1998]
EXERCICE OU EXPOSÉ
plus l'écart se creuse entre l'énonciation énoncée et
l'énoncé, soit parce que l'énoncé est trop vaste ou trop
mince, soit parce que l'énonciation énoncée est trop
vague
ou trop mince, moins il y a valeur esthétique (il y a une
simple éthique transcendante); plus l'énonciation énoncée
tend à se confondre avec l'énoncé, plus il y a valeur
esthétique (transcendantale).