Jean-Marc Lemelin



LES ÉTATS DE LA SÉMIOTIQUE



Mars-mai 1998



SOMMAIRE

Du parcours au dispositif

Du schéma narratif canonique au schéma pathémique canonique

De la virtualisation à la potentialisation

De la valeur à la valence

De l'économie de la passion à la passion de l'économie

De la physique à la métaphysique



Il est entendu ici que la sémiotique n'est pas la sémiologie : elle n'est pas une théorie du signe ou des systèmes de signes (à la Mounin ou à la Peirce); elle est la théorie générale de la signification. Elle est donc identifiée à la sémiotique greimassienne et postgreimassienne (Fontanille et Zilberberg d'abord et avant tout ici). Le tome 1 du Dictionnaire est le fruit du travail conjoint de Greimas et de Courtés; le tome 2, des deux mêmes -- par leurs «jugements classificatoires» [Dictionnaire 2, 5] -- mais surtout du travail de quarante collaborateurs; la suite du Dictionnaire ou sa modification, Sémiotique des passions, a pour signataires Greimas et Fontanille; la rectification de Sémiotique des passions est le fruit de la collaboration de Fontanille et de Zilberberg.



Du parcours au dispositif

Depuis Sémantique structurale de Greimas, le concept central ou cardinal de la sémiotique a été celui de parcours génératif, concept essentiel à l'analyse du récit et concept constitutif d'une grammaire du texte (et non seulement du discours) : principe d'engendrement ou de génération d'un niveau de surface par un niveau profond, le parcours génératif comprend une grammaire sémio-narrative (profonde) et une sémiotique discursive (superficielle); la sémiotique discursive comprend la syntaxe discursive et la sémantique discursive (l'instance ad quem), tandis que la grammaire sémio-narrative comprend une sémiotique fondamentale et une sémiotique narrative; la sémiotique narrative se compose de la syntaxe narrative (de surface, intermédiaire et profonde) et de la sémantique narrative, tandis que la sémiotique fondamentale se compose d'une syntaxe fondamentale et d'une sémantique fondamentale (l'instance ab quo) [cf. Dictionnaire 2 et JML. Manuel d'études littéraires / Analyse du récit sur ce même site].

Le parcours génératif est l'économie générale de la théorie sémiotique et il repose sur la structure élémentaire de la signification qui peut être projetée sur le carré sémiotique, projection qui est considérée comme étant le modèle constitutionnel. D'un niveau profond à un niveau de surface, il y a conversion; d'un niveau de surface à un niveau profond, il y a convocation. Les principales opérations de transformation rendues possibles par le modèle constitutionnel (les relations de contradiction, de complémentarité et de contrariété), ou qui l'accompagnent, sont : l'aspectualisation, la catégorisation, la classification, la discursivisation, la figurativisation, la formalisation, l'interprétation, la modalisation (virtualisation, actualisation, réalisation), la textualisation, la thématisation, etc. [cf. Dictionnaire 1].

Mais avec la relégation de la narrativité au second plan, au profit de la discursivité, et dans «l'attraction des profondeurs», le parcours génératif ne constitue plus l'ensemble de l'économie générale de la sémiotique greimassienne, qui se veut une «physique des humanités» [Dictionnaire 2, 6]. En partie sous l'impact de la critique de Ricoeur, la sémiotique semble avoir évolué ou progressé vers une dialectique ou une dynamique de la langue et du discours, du schéma (ou du système) et de l'usage, de la structure et de l'histoire, du continu (tensif) et du discontinu (catégoriel). Il est apparu justement que la structure élémentaire de la signification n'échappait pas au temps, au rythme, au tempo; ainsi l'aspect s'est-il vu attribuer un rôle beaucoup plus fondamental, ainsi que les modalités [cf. Du sens II]. Il y a donc eu passage d'une sémiotique de l'action (avec la manipulation en amont et la sanction en aval) à une sémiotique de la passion, en même temps que la sémiotique s'est faite de plus en plus syntaxique par rapport à Sémantique structurale, le procès de la signification ne pouvant pas être confondu avec le signifié : avec la simple dénotation ou dénomination et même avec la connotation -- le sens, à la limite, n'étant pas (que) sémantique.

Dès la première page de Sémiotique des passions, le «discours génétique et générateur» qu'est la construction de la théorie, se dépasse et se transforme en un «discours génératif» [7]. Tandis que la sémiotique de l'action (les états de choses) a pour objet ou pour milieu (de vie) le monde discontinu (l'articulation, la discrétisation, la catégorisation), la sémiotique de la passion (les états d'âme) a plutôt comme forme (de vie) ou comme substance le continu. Dans le discours, se manifestent l'état du sujet et l'existence sémiotique praesentia in absentia [10], le mode d'existence sémiotique étant imaginaire et réel [12]. Se voulant toujours hypothético-déductive (en profondeur) mais aussi inductive (à la surface) [7], la sémiotique reconnaît qu'il peut y avoir «contamination de la description par l'objet décrit», de l'analysant par l'analysé; mais voulant encore se garder contre l'ontologie, elle se dit ontique [10] -- il se pourrait cependant que l'épistémologie (ou la phénoménologie) y tienne lieu d'ontologie et la physique de métaphysique...

Distinguant les universaux (sémiotiques) et les primitifs (généralisables) [11] et conciliant la génération et la genèse [12], la sémiotique va mettre en place son nouveau dispositif, son «dispositif de dispositifs» ou son «macrodispositif», comprenant un niveau épistémologique, un niveau sémio-narratif et un niveau discursif. Le niveau épistémologique est celui de la "ceptivité" (intéroceptivité, proprioceptivité et extéroceptivité), du sentir du corps propre, où un état modal (la modulation ou l'ondulation du continu) régit l'aspectualisation et dont dépend la modalisation du discontinu au niveau des conditions de la signification. Le niveau épistémologique est celui des préconditions de la signification : de la (pro)tensivité et de la phorie («simulacre tensif», «tensivité originelle», «protensivité phorique», «tensivité phorique» comme «écran de l'être», «soubassement phorique», «simulacre phorique», «masse phorique», «masse thymique», «surplus pathémique», «excédent» «énergie», etc.). Il y a donc un «espace tensif», celui de la «chair vive» ou de la «proprioceptivité sauvage» [Husserl, Merleau-Ponty], qui se situe en deçà du «sujet énonçant» («sujet d'énonciation» ou sujet de l'énonciation?) [13-20]. L'horizon ontique de la sémiotique rencontre ou rejoint ici l'énergétisme, le vitalisme, l'élan vital, tel que l'ont fait entendre les «autres voix, non moins intéressantes» en 1986 [Dictionnaire 2, 6 : NOVATIONS].

La «senteur» ou le «parfum» des passions relève de l'«organisation discursive des structures modales» et de la «disposition d'ensemble» d'un «certain arrangement moléculaire». Toujours au niveau épistémologique, niveau qui a pour seuil «l'écran ontique» de l'être, l'«horizon tensif» n'est pas encore polarisé, catégorisé. En appelant à la physique ondulatoire (des forces) ou à la physique corpusculaire (des positions), il est alors proposé que le terme complexe ou le terme neutre (les métatermes) est à l'origine et que la polarisation (les termes) vient après : le syncrétisme (l'un) ou la neutralisation (l'inconciliable ou l'irréconciliable) précède l'opposition binaire et ainsi la catégorisation. C'est donc un «univers indifférencié» (l'in-différence) qui est postulé comme «précondition de toute signification». Avant même qu'il y ait distension des termes, il y a tension ou protension vers l'unité, l'«esthésis originelle» qui fait que la «dimension passionnelle» (la phorie) a comme contrepartie une «dimension esthétique» (l'attente ou la nostalgie d'un retour à la «protensivité phorique»). Passer d'un «état fusionnel» (l'un) à un «état scindé» (la scission du «protoactant indifférencié») consiste à passer de la protensivité du sujet (l'ipséité du «sujet tensif») à la fiducie (l'ensemble des valences), où advient l'intersubjectivité (l'altérité du double ou des intersujets) : advient le devenir [22-35].

Le devenir a un «effet de visée» -- effet syntaxique -- avec un effet source (le sujet) et un effet (ou une image) but (l'objet). L'effet de visée (prospective) a pour inverse un «effet de saisie» (rétrospective). La modulation du devenir, la modulation étant la «préfiguration de l'aspectualisation discursive», couplée avec la discrétisation conduit à la modalisation. Il y aura alors «traitement du continu» par la démarcation (source de modulation) et par la segmentation (source d'unités discrètes : discontinues). Il ne manque pas d'y apparaître que le devenir est déjà modulé par l'aspect, par l'orientation de l'aspect, les trois modulations (ouvrante, clôturante et cursive) correspondant à la «triade aspectuelle» (inchoatif, terminatif, duratif comme ponctuel ou itératif); il y a aussi une quatrième modulation, une «ponctualisation de la modulation» : la «modulation ponctualisante». -- L'économie générale de la théorie ne comprend-elle pas elle-même trois modules [33-37]?

Il y a, en d'autres mots, une sorte de «triangle théorique» : tensivité phorique (modulation), niveau sémio-narratif (modalisation) et discours (aspectualisation). Ce qui fait problème, c'est évidemment l'"articulation" de la "trinité". Il y a transition des préconditions de la signification aux conditions de la signification par la négation; le sujet doit nier pour connaître : «La négation est la première opération par laquelle le sujet se fonde lui-même comme sujet opérateur et fonde le monde comme connaissable» [40, en italiques dans le texte]. La négation est un acte de disjonction; c'est le «premier geste», un «acte pur», «l'acte par excellence», acte par lequel il y a sommation : le «premier acte négateur et fondateur» en est un d'arrêt-saisie; «[l]e second geste, qui n'est que l'autre face du premier, est une contradiction, la négation au sens catégoriel» [41, en italiques dans le texte]. Le sujet tensif devient donc un sujet opérateur, le sujet de la sommation, qui va «catégoriser la perte de l'objet» ou la «potentialité de l'objet» en (pro)formes; se met en place une «syntaxe élémentaire», celle de la «sommation des phases de la protensivité» [38-43].

Se distinguent les «modalisations exogènes» (devoir vs pouvoir) du «sujet hétéronome» et les «modalisations endogènes» (savoir vs vouloir) du «sujet autonome», les «modalisations virtualisantes (devoir vs vouloir) du «sujet virtualisé et les «modalisations actualisantes» (pouvoir vs savoir) du «sujet actualisé», ainsi que les «modalisations stabilisantes» (devoir vs savoir) et les «modalisations mobilisantes» (pouvoir vs vouloir). Quand le sujet tensif devient sujet opérateur de la sommation, il peut y avoir «orientation axiologique», polarisation de la phorie, et le carré sémiotique intervient pour la projection du protoactant («presque-sujet») en :

actant // négactant / antactant // négantactant.

Il y a scission de l'un en sujet et objet ou en intersujets; même s'il n'y a pas encore d'anti-sujet (mais peut-être un «anti-objet» ou un «non-objet»), les structures polémiques et contractuelles de la communication (polémique ou contrat, antagonisme ou discorde, collusion ou conciliation) ne sont pas loin et l'on se retrouve en terrain (re)connu, celui de la conversion ou de la transformation (de la sommation à la catégorisation en passant par la discrétisation) [44-50].

La «syntaxe intermodale» -- ou «inter-modale» : le trait d'union (comme la majuscule) est très volage ou volatil en sémiotique -- prend le devant de la scène pour rendre compte des passions ou des «simulacres passionnels» ou du «macrosimulacre passionnel» qui constitue l'univers de discours, dont l'attachement est «le présupposé fondateur» [226]; mais il n'en sera guère question ici directement, reconnaissant d'emblée la puissance de la «syntaxe passionnelle» -- dont il y aurait quelques éléments chez Spinoza [105-109] -- par rapport à la «nomenclature passionnelle». Entre le niveau sémio-narratif et le niveau discursif, il y a une «double convocation» : celle des «formes sémiotiques de la subjectivité» et celle des «formes [ou des forces?] tensives de l'actantialité» [62].

En somme, le dispositif général comprend : 1°) un dispositif "nodal" ou un «état modal» (le niveau épistémologique des préconditions de la signification : le sentir et le devenir, la tensivité phorique et continue, la protensivité, le sujet tensif, la fiducie); 2°) un dispositif modal (le niveau sémio-narratif et discontinu des conditions de la signification ou de la catégorisation et de la conversion des structures élémentaires en structures narratives (par la syntaxe intermodale), ainsi que les «styles de vie» (ou les «styles sémiotiques») assurant la «programmation discursive»; 3°) la disposition (les opérations de la mise en discours : la «praxis énonciative», l'instance de l'énonciation). Il y a conversion du premier dispositif (les modulations) en le second (les modalisations) par la discrétisation (comme sommation et catégorisation); la (double) convocation, exigeant un «réembrayage sur le sujet tensif», intervient entre le second dispositif et la disposition (les opérations discursives : les aspectualisations) [75-82].

Au niveau sémio-narratif, le parcours génératif comprend des grandeurs universelles et des grandeurs généralisables; au niveau de la syntaxe narrative de surface, la dimension thymique apparaît maintenant comme étant une dimension autonome; au niveau discursif, se distinguent le rôle thématique (de l'action) et le rôle pathémique (de la passion), les thèmes et les pathèmes comme «ensemble des conditions discursives nécessaire à la manifestation d'une passion-effet de sens» [85].

Par rapport à l'Introduction et à «L'épistémologie des passions», «À Propos de l'avarice» et «La jalousie» présentent quelques variations sensibles : parfois le dispositif en est un d'attachement et de détachement, d'attraction et de répulsion; la disposition est celle des styles sémiotiques conduisant à une attitude ou à une conduite, qui sont des formes de passage à l'acte [130-131]. Le dispositif pathémique (de la jalousie) se voit défini comme «dispositif de dispositifs» [256], où l'attachement rompu, le sujet est menacé de «régresser à un stade présémiotique où rien n'aurait plus aucune valeur pour lui» [201]... Plus loin, la transformation est accolée au niveau sémio-narratif, l'émotion au niveau discursif et le comportement au parcours figuratif [261]. Par ailleurs, le caractère «dérive directement de la récurrence fonctionnelle», tandis que le tempérament est «la domination d'un rôle pathémique sur les autres» [178].

Pour résumer ce qui précède, il est éclairant de mentionner la comparaison de Greimas et Fontanille : «le sujet passionné fonctionne comme certaines mémoires de sauvegarde en informatique : d'une part les fichiers sont stockés de manière compacte, illisibles et inutilisables tels quels, et d'autre part il existe une commande qui les restaure et les rend accessibles à l'utilisateur; le dispositif modal serait à l'image de cette version "compressée" et non accessible, le principe protensif et régissant serait la commande de restauration et la disposition serait le résultat lisible et accessible et, par conséquent, opérationnel de l'ensemble de la procédure» [77-78].

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Notre entreprise n'en étant pas une de falsification (épistémologique) mais d'homologation (épistémique), il nous semble préférable d'établir des correspondances ou des équivalences entre les théories. Il appert que le parcours génératif est vidé de sa sémiotique fondamentale au profit du niveau épistémologique et qu'il se trouve ainsi réduit à la grammaire sémio-narrative et à la sémiotique discursive. Bien d'autres réaménagements avaient déjà été proposés auparavant -- par Zilberberg surtout [cf. Essai sur les modalités tensives, les entrées signées C. Z. dans le Dictionnaire 2 et Raison et poétique du sens, ainsi que notre article compte rendu] -- ou l'ont été depuis. Le dispositif de la (pro)tensivité (tonicité, tonalité) n'a pas besoin d'être nécessairement ancré dans l'intentionnalité (husserlienne) : il peut l'être dans la disposibilité (heideggérienne) ["Stimmung" comme prédisposition]. La protensivité, comme masse phorique ou masse thymique, ressemble étrangement à la chora platonicienne et c'est la définition kristevienne du sémiotique (par rapport au symbolique) qui réapparaît, mais d'une manière non sémanalytique et non métapsychologique -- peut-être présémiotique? En outre, la phorie (présyntaxique) n'est qu'un squelette sans la chair de la thymie (présémantique).

Une décision (épistémologie) a été prise : celle qui consiste à ne plus identifier la sémiosis et la forme, la valence débordant sur la substance [cf. infra]. Il est vrai que la substance est déjà embryonnaire dans la deixis; ce qui nous avait déjà amené à proposer que la dénégation (déictique) précède la négation (sémiotique); c'est la dénégation inconsciente (au sens métapsychologique), la (dé)négation comme (dis)jonction, qui provoque «l'ébranlement de la plénitude tensive» [24], «l'ébranlement du sens» (33], «le premier ébranlement du sens» [229], «l'ébranlement phorique fondamental» [214-215]...

Par ailleurs, plutôt que de continuer de penser le dispositif en termes de niveaux, de couches -- ce qui a pour effet de maintenir la discontinuité dans la continuité --, il nous semble plus économique de distinguer le cours génitif du sens (signifiance et signature; voix comme récit et rythme en analyse textuelle ou en grammaire du texte) et le parcours génératif de la signification (grammaire). Le cours génitif est un réseau continu et le parcours génératif est un ensemble discontinu de niveaux : par rapport aux instances des niveaux (syndromes), il y a l'insistance ou la résistance radicante du réseau (rhizome).

Le (par)cours génitif est au (dis)cours génératif ce que la passion est à l'action, ce que la passion du récit est au récit de la passion : c'est la sève de l'arbre, des racines aux feuilles; c'est le "principe vital", sans lequel le parcours génératif est sans recours et d'aucun secours dans l'analyse du discours -- mais c'est sans doute un principe davantage généalogique que génétique, un principe de vie irréductible à un principe biologique ou anthropologique, parce qu'il a comme contrepartie un principe de mort : c'est un principe anthropique!



Du schéma narratif canonique au schéma pathémique canonique

Pendant longtemps, la composante de la sémiotique qui a été la plus développée a été la syntaxe narrative (de surface) : fonction, énoncé narratif, programme narratif, parcours narratif, rôles actantiels, schéma actantiel, stratégie narrative, structure polémique du contrat et du conflit, mais surtout schéma narratif canonique (plus ou moins hérité de la morphologie de Propp, morphologie plus ou moins réaménagée par l'ethnologie de Lévi-Strauss). Le schéma narratif concerne la compétence et la performance, la manipulation et la sanction de l'action, les trois épreuves (qualifiante, décisive, glorifiante), etc. Il a beaucoup été exploré et exploité, sans doute trop : peut-être qu'à force d'en user, d'en abuser, on l'a usé ou il s'est usé. Vu cette usure (avec ou sans intérêt), son usage s'est vu contesté par l'échange ou la circulation des paroles, des idées, des concepts dans le champ de la sémiotique : son caractère "contagieux" (de "mimème"), son contage, s'est amoindri, amenuisé.

En expulsant le Destinateur du dispositif pathémique [64 et 164-165], Greimas et Fontanille finissent par contester l'universalité du schéma narratif canonique : il n'a rien d'un universel, il n'appartient pas de droit au niveau sémio-narratif; c'est une «construction idéologique» et une «grille de lecture culturelle» : «En ce sens, le schéma narratif serait tout au plus un primitif installé au niveau sémio-narratif par la procédure rétroactive que nous avons envisagé pour les dispositions passionnelles : l'usage collectif donne naissance à un stéréotype culturel, qui figure ensuite dans le réservoir disponible pour une nouvelle convocation en discours» [267 (note 1), en italiques dans le texte]. C'est ainsi que, dans l'analyse des passions, lui est substitué le schéma pathémique canonique, qui n'est pas narratif mais discursif, la mise en discours ayant une composante syntaxique («l'aspectualisation du procès et ses différentes figures, spatiales, temporelles et actorielles») et une composante sémantique («les investissements sémantiques et les manifestations figuratives des différentes modalisations») [266].

Il y a d'abord l'«[é]bauche d'un parcours pathémique» ou de la «syntaxe discursive du sujet passionné», qui va de la constitution à la sensibilisation en passant par la disposition. La constitution est «une prédisposition générale du sujet discursif aux parcours passionnels qui l'attendent, définissant son mode d'accès au monde des valeurs et sélectionnant à l'avance certaines passions plutôt que d'autres»; «en remontant le cours de la syntaxe discursive», la disposition prolonge la constitution, qu'elle présuppose, et elle aboutit à la sensibilisation [162, en italiques dans le texte].

Suit «[l]'ébauche du schéma pathémique», où la moralisation (le jugement de valeur : le jugement éthique ou moral portant sur le «comportement observable») vient terminer et accomplir le parcours pathémique en fin de séquence; elle présuppose l'émotion comme «manifestation pathémique» et l'émotion présuppose elle-même la sensibilisation, qui est «la transformation thymique par excellence, l'opération par laquelle le sujet discursif est transformé en sujet souffrant, sentant, réagissant, ému». La disposition «résulte de la convocation des dispositifs modaux dynamisés et sélectionnés par l'usage; elle met en oeuvre une aspectualisation de la chaîne modale et un "style sémiotique" caractéristique du faire pathémique». Mais c'est la constitution qui est en tête de séquence et qui détermine «l'être du sujet, afin qu'il soit à même d'accueillir la sensibilisation». Chose encore plus significative, c'est qu'au niveau même du discours, il y a «une détermination du sujet discursif antérieure à toute compétence et à toute disposition : un déterminisme - social, psychologique, héréditaire, métaphysique, quel qu'il soit - préside alors à l'instauration du sujet passionné»... La constitution (à nécessité externe) et la moralisation (aussi externe) ne font pas partie du «simulacre passionnel» : «on entre dans le simulacre avec la disposition et on en sort avec l'émotion» [170-171, en italiques dans le texte]. En outre, «la constitution, la disposition, la sensibilisation, l'émotion et la moralisation seraient interprétables comme l'ouverture, le déclenchement, le développement et l'installation des rôles pathémiques et subsumeraient par conséquent les agglomérats de rôles sous-jacents» [180].

La schématisation ne s'arrête pas encore là, car dans la distinction de la macroséquence du dispositif pathémique -- macroséquence qui «obéit à la logique aspectuelle du schéma narratif canonique» [269], avec ses «trois étapes canoniques : confrontation-domination-appropriation» (ou dépossession) [238] -- et de la micro-séquence de la «crise passionnelle» dans la jalousie -- microséquence qui «semble obéir à une logique strictement pathémique [269] --, une nouvelle étape ou un nouveau stade apparaît : celui de la pathémisation qui est «la sensibilisation conçue comme une opération appartenant à la syntaxe discursive»; elle est première dans le «parcours discursif» par rapport à la sensibilisation qui est une «opération discursive» seconde [157]. Dans le cas de la jalousie, il s'agit de «[l]a vision exclusive et [de] l'acquisition de la certitude, qui recouvrent la transformation thymique principale» [270]. Par rapport à l'inquiétude et au soupçon d'une part et à l'émotion et à la moralisation d'autre part, la vision exclusive occupe donc la position centrale, comme la pathémisation par rapport à la disposition et à l'émotion au sein de la sensibilisation comme «procès passionnel proprement dit». Par ailleurs, la constitution se trouve associée à «l'étape correspondant au réembrayage, où est défini préalablement le style tensif du sujet passionné» : «La constitution du sujet passionné est donc la phase qui procure à l'ensemble du processus son style sémiotique» comme «modulations de la tension» [270]. Or, dans le cas de la jalousie, voire de la passion en général, c'est l'inquiétude qui «constitue le sujet passionné, car elle comporte un réembrayage sur le sujet tensif» [268-271, en italiques dans le texte] : le «sujet inquiet», victime d'«une oscillation thymique», n'est-il pas «le prototype du sujet passionné» [215]?

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Nous assistons au devenir-expression du contenu ou au devenir-discours du récit et nombre de problèmes sont ici soulevés. D'abord, est-il loisible de considérer que, par rapport au sujet hétéronome de l'action, le sujet de la passion puisse être autonome et libéré du Destinateur ou du Mandateur? Il semble y avoir une certaine confusion entre l'actant et l'acteur, quand on ne voit pas qu'une «disposition passionnelle» peut manipuler, mandater, aveugler, faire errer : le sujet de la passion est d'abord sujet à la passion et il n'échappe donc pas à l'air(e) du Destinateur; il lui faut porter sa croix (ant)agonique... Par ailleurs, dans une théorie qui se réfère explicitement à la théorie du désir mimétique ou triangulaire de Girard [40 (note 1), 90 et 195 (note 1)], il est à notre avis impossible d'éliminer le Médiateur, serait-ce le rival ou le modèle (pour l'émule) personnifié ou individu(alis)é par l'acteur qui représente l'anti-Sujet.

Dans le schéma pathémique canonique, il y a un effet de redoublement, de doublure, du dispositif triangulaire : la constitution correspond au niveau épistémologique, la sensibilisation au niveau sémio-narratif et la moralisation au niveau discursif; de même, au sein de la sensibilisation, la disposition correspondrait au premier niveau, la pathémisation au second et l'émotion au troisième. C'est donc un "dispositif gigogne" où la microséquence est constitutive et la macroséquence englobante [268]. C'est justement la constitution qui est la plus problématique : la (re)constitution d'un horizon est-il jamais autre chose qu'un horizon de (re)constitution [cf. Derrida déconstruisant le présent-vivant]?

Dans la lignée de Husserl [cf. Recherches phénoménologiques pour la constitution] et de Merleau-Ponty, qui essaient de (re)penser la chair, le «schème sensible», le corps propre ou sensible, l'image du corps, le schéma corporel ou le «schéma postural», qui va jusqu'à la «posture articulatoire» chez Labov [158], il y a une double tentative ou entreprise : 1°) réembrayer le sujet discursif sur le sujet tensif, par delà le sujet narratif ou syntaxique de la quête et le sujet opérateur de la sommation; 2°) définir la «constitution passionnelle» en termes qui échappent à l'alternative de l'inné (la biologie) et de l'acquis (la sociologie) : «De fait, dans la mesure où la sensibilisation surdétermine le processus par lequel les sèmes extéroceptifs et intéroceptifs sont homogénéisés par le proprioceptif, elle transcende l'opposition entre l'inné et l'acquis», la proprioceptivité agissant «uniquement par attractions et répulsions» [159]. Le concept d'habitus social selon Bourdieu [158] est donc trop centré sur l'acquis pour rendre compte de la constitution passionnelle; c'est ainsi qu'il est relayé ou relevé par celui d'hexis sensible : «manière d'être», «constitution» (au sens médical) et «habitude» du corps ou de l'esprit [159] ou «surdétermination culturelle des prégnances biologiques, qui se traduirait par une articulation spécifique de la zone proprioceptive et qui projetterait des "schèmes sensibles" sur l'existence sémiotique» [160].

Enfin, en définissant le sujet passionné comme sujet inquiet et en constituant ainsi l'inquiétude en passion fondamentale ou fondatrice, la sémiotique des passions se révèle être en dernière instance, sinon une théorie (ontologique) de l'être, tout au moins une théorie (ontique) de l'étant, c'est-à-dire une théorie du sujet, du «sujet en tant qu'étant» [26]. -- Nous verrons, dans la suite de cette étude où l'analyse documentaire s'accompagne d'un commentaire en vue d'une éventuelle synthèse, si le sujet passionné est d'abord inquiet ou d'abord sujet et si l'inquiétude a quelque droit sur l'angoisse et/ou sur l'ennui.



De la virtualisation à la potentialisation

L'un des concepts fondamentaux en sémiotique, avec celui de fonction, est celui de relation : il est indéfinissable; c'est donc un universel. Dans le tome 1 du Dictionnaire, le terme renvoie à "structure", à "carré sémiotique" et à "syntaxe fondamentale"; dans sa non-définition, qui fait un peu plus d'une demi-page, il y a une vingtaine d'astérisques -- de ces astérisques faisant partie du «dispositif» des «trois configurations concentriques» assurant «une triple lecture du dictionnaire» [Dictionnaire 1, VII]. Or, l'entrée ne figure ni dans le tome 2 ni à l'Index de Sémiotique des passions. L'une des relations (ou des corrélations) dérivées, sinon primitives, est celle de jonction : l'entrée est présente dans le tome 1, avec un C(omplément) de J. P. (Jean Petitot) dans le tome 2, mais elle est absente de l'Index de Sémiotique des passions.

La jonction y est cependant omniprésente, voire omnipotente, car il y est reconnu qu'elle est «une première modalisation» [59]. En outre, c'est «la modalisation de la jonction» plutôt que de l'objet qui nourrit «les passions proprement dites», «le contenu sémantique des objets, l'investissement qui les fait participer aux systèmes de valeurs n'[étant] pas pertinent pour l'analyse des passions» [137]. Mais, dans la jalousie, il y a «une étrange et paradoxale indifférence à la jonction» ou, plutôt, «aux variétés de la jonction que connaît le sujet au moment où il est jaloux; car elle admet pourtant comme constante un dispositif syntaxique, celui où le rival possède l'objet et où le sujet s'en trouve privé» dans la dépossession [213-214]...

Au niveau même des modes d'existence sémiotique, ont pendant longtemps été distinguées la virtualisation, l'actualisation et la réalisation : la virtualisation est un mode d'existence "in absentia", l'«existence virtuelle» caractérisant l'axe paradigmatique du langage; l'actualisation est un mode d'existence "in praesentia" et de transition ou de passage du système au procès, du schéma à l'usage, de la langue au discours, de la compétence à la performance, l'«existence actuelle» caractérisant l'axe syntagmatique; la réalisation est «la transformation qui, à partir d'une disjonction antérieure, établit la conjonction du sujet et de l'objet, l'«existence réalisée» étant «la manifestation discursive [...] due à la sémiosis». C'est la fonction qui opère par disjonction dans l'actualisation et par conjonction dans la réalisation, la non-conjonction présupposant, «syntagmatiquement, que l'objet a été déjà possédé» [cf. Dictionnaire 1; il n'y a pas d'entrées pour la virtualisation et l'actualisation dans le tome 2 et pour aucune des trois dans Sémiotique des passions].

Dans le tome 2, est introduit un C(omplément) ou un D(ébat) par Petitot : au niveau de l'instance ab quo qu'est la sémantique fondamentale, l'existence virtuelle y est définie comme étant «une existence subjective immanente, précédant toute subjectivation consciente»; Petitot y voit «une définition possible de l'"inconscient"» : les valeurs virtuelles (paradigmatiques selon les deux tomes du Dictionnaire) seraient inconscientes; ce seraient des «prégnances sémantiques», la «saisie par actualisation et conversion» des valeurs virtuelles constituant «un procès de subjectivation» [Dictionnaire 2, 253, en italiques dans le texte].

Avec Sémiotique des passions, la modification est massive. De la compétence modale à l'existence modale, du sujet de premier rang (sujet d'état et sujet de faire) au sujet de second rang (sujet modal), on est conduit aux modes d'existence de l'actant narratif : au «sujet virtualisé (non conjoint)», au «sujet actualisé (disjoint)» et au «sujet réalisé (conjoint)»; est ajouté le «sujet potentialisé» (non disjoint) [56, en italiques dans le texte]. Le sujet potentialisé de la non-disjonction résulte de la négation du sujet actualisé et il est présupposé par le sujet réalisé; mais, en même temps -- et ce qui est présenté comme une difficulté a plutôt l'air d'une contradiction --, il est situé entre le sujet actualisé (disjoint) et le sujet réalisé (conjoint) et il prend place en début de parcours, étant susceptible d'être converti en sujet virtualisé et actualisé. Le sujet tensif (le «presque-sujet») est potentialisé, le sujet opérateur est virtualisé, le sujet narratif est actualisé et le sujet discursif est réalisé [56-57]. La lecture du carré sémiotique aurait donc lieu ainsi :

potentialisé - virtualisé - actualisé - réalisé

ou

non disjoint - non conjoint - disjoint - conjoint

et donc ignorant totalement les relations et les opérations ou les transformations (assertion et négation) qui lui sont caractéristiques et devant se lire ainsi :

potentialisé - actualisé - virtualisé - réalisé

ou

non disjoint - disjoint - non conjoint - conjoint

Mais, cette fois, la syntaxe contredit la sémantique, alors que dans le premier cas, la sémantique contredit la syntaxe : ou bien la difficulté est insurmontable, ou bien ce dispositif modal, comme «grandeur aboutissante du parcours génératif des passions» [88] ne peut être projeté sur la carré sémiotique [70].

Pourtant, la difficulté donne lieu à toutes sortes de réaménagements. Par exemple, l'avarice est définie, en deixis, à la fois comme conjonction (acquérir ou prendre) et non-disjonction (ne pas dépenser ou garder), l'avare cumulatif étant un sujet réalisé (conjoint) et l'avare rétensif un sujet potentialisé (non disjoint) [114, 127, 141]. En outre, pour l'avare -- et dans une lecture en zigzag (en N inversé et en commençant en bas à droite) du carré sémiotique --, il y a tension en non-conjonction, tension supérieure en disjonction, tension maximale en non-disjonction (la rétention) et détente en conjonction (l'accumulation) [182]. Quant au jaloux, qui est «un sujet qui a quelque chose à perdre» [263] -- et cette fois dans une lecture en huit couché du carré sémiotique --, il est d'abord un sujet réalisé (en inquiétude), un sujet virtualisé (en soupçon), un sujet actualisé (en vision exclusive), un sujet potentialisé (en émotion) et de nouveau un sujet réalisé (en moralisation) [264]. Mais surtout, même si les modes d'existence devraient obéir aux «règles de la syntaxe élémentaire», la potentialisation trouve place entre l'actualisation et la réalisation et la séquence des modes d'existence s'ordonne ainsi :

virtualisation - actualisation - potentialisation - réalisation

La lecture de la séquence ne correspond donc pas au modèle syntaxique du carré sémiotique et la potentialisation -- cette «syncope», cette «suspension obligée du parcours génératif entre l'acquisition de la compétence et la performance», cette opération source du simulacre de la passion, -- n'est pas en début de parcours [145-147], contrairement à ce qui a été proposé auparavant [cf. supra et 57]. Pourtant, dans l'Introduction -- que l'on peut supposer rédigée en dernier --, le «flou originel et "potentiel"» est au départ [10, 11]...

La difficulté ou la contradiction résulte du statut de l'instance de l'énonciation, de la mise en discours ou de la praxis énonciative, qui consiste pratiquement à «s'avancer "à reculons"» [7]. La mise en discours est «un lieu de médiation» et de convocation, mais aussi d'engendrement, «un lieu de va-et-vient entre des structures convocables et des structures intégrables»; elle concilie la génération («la convocation des universaux sémiotiques») et la genèse («l'intégration des produits de l'histoire» [11-12]. La praxis énonciative est «cet aller-retour qui, entre le niveau discursif et les autres niveaux, permet «de constituer sémiotiquement des cultures» : «En ce sens, la praxis énonciative concilie un processus génératif et un processus génétique et associe dans le discours les produits d'une articulation atemporelle de la signification et ceux de l'histoire» [88].

Or, à côté du sujet connaissant (virtualisé), du sujet de quête (actualisé) et du sujet discourant (réalisé), «le sujet potentialisé est celui de la praxis énonciative, instance de médiation dialectique entre l'instance sémio-narrative et l'instance discursive» [151-152]. La praxis énonciative fait que la potentialisation est une «praxis médiatrice qui, conjuguant les produits du parcours génératif et ceux de la tensivité phorique, les figerait, les stockerait comme "potentialités" de l'usage, à côté des "virtualités" du schéma»... Mais plus : «le sujet potentialisé représenterait, dans le parcours de la construction théorique, la seule instance où le corps aurait droit de cité, comme constitutif des effets de sens». Dans la potentialisation de l'usage, l'énonciation brancherait ainsi sur le corps et sur le sentir, par «un réembrayage sur le sujet sentant». Le corps est donc lui-même un lieu de médiation dans cette «mutation interne des produits de la perception» conduisant à l'existence sémiotique qui «garde la mémoire du corps propre» : «l'extéroceptif engendre l'intéroceptif par l'intermédiaire du proprioceptif» [152].

-- Ricoeur engendrant, à rebours ou à reculons, Hegel par Merleau-Ponty?

Tellement que l'entreprise a donné lieu à une modification pour le moins radicale par Fontanille lui-même et Zilberberg; modification qui exigerait pratiquement la réécriture de Sémiotique des passions -- et c'est peut-être justement ce à quoi on a affaire... Valence/Valeur apparaît comme la "pré-publication" d'un ensemble plus vaste, puisqu'il est renvoyé à d'autres essais comme "Schéma", "Direction" ou "Modalisation"; mais étant donné l'antériorité de cette "pré-publication" par rapport à la publication à venir, il est sans doute possible d'en inférer la plus grande importance de ces deux essais par rapport aux autres. [Il faut signaler une erreur qui s'est glissée dans cette édition : p. 28 : «dans lequel le chien du Robert occupe les cases "quadrupède + affectueux", alors que celui du Littré occupe les classes "mammifère + fonctionnel"; il faut lire le contraire, en conformité avec la p. 18 et la p. 20].

Dans cet opuscule, la «liaison jonctive qui, à partir des valences, établit les valeurs» ou la «jonction en tant qu'opération épistémologique» subit une profonde modification, un «remaniement» : la virtualisation, de non-conjonction, devient disjonction; l'actualisation, de disjonction, devient non-disjonction; la potentialisation, de non-disjonction, devient non-conjonction, le carré sémiotique se lisant sémantiquement et syntaxiquement -- mais en commençant par en haut à droite et par dérivation plutôt que par intégration [cf. JML. "quarte de dérivation" et "quarte d'intégration" : «L'oeuvre génitive» dans Oeuvre de chair (p. 9-39)] -- de la manière suivante :

virtualisation // actualisation / potentialisation // réalisation

ou

disjonction // non-disjonction / non-conjonction // conjonction

Le remaniement est justifié par le fait que «l'acceptation linguistique la plus courante de l'actualisation est celle d'une "montée" des structures virtuelles vers la manifestation, et par conséquent, vers la réalisation» et parce que «la potentialisation, notamment par l'effet de la praxis énonciative, conduit à un retour des formes de l'usage vers le système, ou, du moins à une mémoire schématique qui en tient lieu» [64].

*

En fait, il s'agit d'une véritable rectification de Sémiotique des passions afin d'ajuster le point de vue syntaxique et le point de vue sémantique, le point de vue épistémologique et le point de vue scientifique. Le passage de Sémiotique des passions [désormais identifié par les initiales SP] à Valence/Valeur [désormais identifié par les initiales V/V] est, dans ce cas-ci, rendu possible par une inversion de schémas [SP, de 56, 127 et 141 à 145] et par la lecture en N qui en découle [SP, 146] et qui conduit à une lecture dérivative en croisé (ou en huit couché) [V/V, 64]; c'est en quelque sorte le retour à la normale -- ou presque -- si on inverse le point de départ (la disjonction : la virtualisation) et le point d'arrivée (la conjonction : la réalisation), si on retourne le schéma comme une feuille du recto au verso. Il demeure que le changement de fonction de l'actualisation (de la disjonction à la non-disjonction) a pour effet d'approfondir la virtualisation -- peut-être sous l'effet du propos de Petitot dans le tome 2 du Dictionnaire -- et d'épaissir la surface discursive par la potentialisation.

Comme nous l'avons vu, la potentialisation, comme non-conjonction, «présuppose, syntagmatiquement, que l'objet a été déjà possédé» [Dictionnaire 1, 201]; cela veut donc dire qu'il a été perdu, qu'il y a eu perte d'objet depuis la virtualisation : l'objet est toujours-déjà perdu; c'est la perte qui le constitue en objet, comme objet : c'est le manque -- la (dis)jonction. Ainsi, la mise en discours -- que nous ne confondons pas avec l'instance de l'énonciation, ni avec la praxis énonciative -- est elle-même une quête narrative : la mise en discours est la mise (au sens de dépense) du récit; c'est l'enjeu, le jeu, la mise en jeu et la marge de jeu du récit.

La praxis énonciative, entendue comme «réembrayage sur le sujet tensif» par la potentialisation, n'est pas selon nous une instance dialectique ou dynamique de médiation, pas plus que le corps ne l'est ou que la proprioceptivité (entre l'extéroceptivité et l'intéroceptivité), à moins que le fondement ne soit lui-même un segment ou un fragment et à moins de confondre le «corps originaire» (absolu, immanent, transcendantal) avec le «corps organique» (qui est l'objet de la perception interne) ou avec le «corps objectif» (qui est l'objet de la perception externe : qui est transcendant) [cf. Maine de Biran relu par Michel Henry. Philosophie et phénoménologie du corps; essai sur l'ontologie biranienne et JML. «Deixis et pathos» : «L'oeuvre gérondive» dans Oeuvre de chair (p. 113-121, surtout p. 115-117) et «Pour une théorie générale de l'énonciation» dans Le sujet (p. 107-129, surtout p. 118-123)].

Il y a un glissement de sens du «sujet tensif» («presque-sujet») au «sujet sentant», au «sujet sentant et percevant», du subjectus au subjectum. Le corps propre ne se définit pas par la perception et par l'intuition, par la sensibilité et par l'entendement (l'intelligibilité par la raison); il se définit par l'imagination, qui lui donne du volume [cf. JML. «Schématique (de l')imagination» dans Oeuvre de chair (p. 15-20)]. À moins de tout (con)céder au cognitivisme et à l'épistémologie des sciences cognitives, pour lesquelles l'imagination est réductible à l'entendement et pour lesquelles il n'y a pas de place pour la pulsion et le fantasme [cf. JML. La vie / Métapsychologie sur ce même site], et contrairement au néo-kantisme et fidèle à la lecture heideggérienne de la première version de la Critique de la raison pure de Kant [cf. Kant et le problème de la métaphysique], nous considérons que l'imagination, comme (re)production de schèmes ou comme schématisation, est la racine commune des deux souches de la connaissance que sont la sensibilité et l'entendement, comme l'est la proprioceptivité de l'intéroceptivité et de l'extéroceptivité. S'il y avait médiation, ce serait par l'imagination; mais il ne s'agit pas d'une médiation : il s'agit d'une pression, d'une poussée, d'une pulsion, dont dérive la «scansion» et la «pulsation» [SP, 181-183].

Ce qui fait que le réembrayage sur le sujet tensif n'est possible que sous l'impulsion du sujet tensif lui-même, qui est le sujet virtualisé et non le sujet potentialisé, si on poursuit la logique imposée par le remaniement :

disjoint // non disjoint / non conjoint // conjoint

=

virtualisé // actualisé / potentialisé // réalisé

=

tensif // narratif / opérateur // discursif

À moins bien entendu -- ce qui n'est pas impossible et impensable --, et pour rester fidèle à Sémiotique de passions [SP, 11 et 57 surtout], que le point de départ ne soit la non-conjonction :

non-conjoint // disjoint / non disjoint // conjoint

=

potentialisé // virtualisé / actualisé // réalisé

=

tensif // opérateur / narratif // discursif

Ce serait pourtant en contradiction avec la séquence des modes d'existence [SP, 146] et aussi en contradiction avec le fait que la potentialisation, comme non-conjonction, présuppose la perte de l'objet, présuppose la (dis)jonction.

L'enjeu, ici, est capital : d'où vient la puissance : du potentiel ou du virtuel? Le tensif est-il potentiel («qui agit après coup», «[f]onction des coordonnées d'un point dont les dérivés partielles sont, au signe près, les composantes d'un champ», «énergie potentielle d'une particule, fonction de sa position dans le champ du noyau», «dérivée partielle de l'énergie interne d'un système chimique par rapport à sa masse» et «[c]apacité d'action, de production» selon le Petit Robert 1) ou virtuel!? Si le virtuel l'est de moins en moins, est-ce à cause du potentiel?...

-- Zilberberg tranche en faveur du potentiel et de la non-conjonction : «la non-conjonction demande quelque antériorité - édénique ou foetale», le virtuel appartenant «au système et non au processus». Privilégiant les subcontraires, il est ainsi amené à distinguer :

non conjoint // conjoint / disjoint // non-disjoint

=

sujet inquiet // sujet comblé / sujet affligé / sujet expectant

Chacun des sujets peut être vif ou lent : sujet inquiet vif = sujet angoissé, sujet inquiet lent = sujet "rongé" ou "miné"; sujet comblé vif = sujet ravi, sujet comblé lent = sujet heureux; sujet affligé vif = sujet accablé, sujet affligé lent = sujet abattu; sujet expectant vif = sujet impatient, sujet expectant lent = sujet patient. Le sujet vif est passionné et le sujet lent est raisonnable [cf. Remarques sur la profondeur du temps, p. 23-26; cf. aussi «Essai de description figurale des états subjectifs» dans Action, passion, cognition, p. 65-76]. Le problème qui est ici (présup)posé est celui de l'individuation du sujet, en (con)jonction avec le problème du statut de l'instance de l'énonciation, et nous y reviendrons.



De la valeur à la valence

Le concept de valeur est à la fois anthropologique (ou ethnologique), logique, linguistique, esthétique, éthique, économique, etc. La sémiotique greimassienne a cherché à concilier les diverses acceptions, tout en privilégiant au début la valeur linguistique (le sème, par exemple). Parmi les valeurs investies, ont été distinguées les valeurs virtuelles (liées à la proprioceptivité et à la catégorie thymique), les valeurs actualisées et les valeurs réalisées. Deux grandes classes de valeurs ont été établies, les valeurs descriptives et les valeurs modales, selon «une sphère de souveraineté» : «alors que les premières relèvent de la troisième fonction [la classe des agriculteurs-éleveurs : la fécondité] de G. Dumézil, les secondes relèvent de la problématique des deux grandes fonctions de souveraineté», c'est-dire de la classe des guerriers et de la classe des prêtres, de la guerre et de la souveraineté proprement dite. Parce qu'elle subsume et organise «le jeu des attractions objectales et intersubjectives», la dimension thymique est rapprochée de la deuxième fonction idéologique par Fontanille -- ce qui laisserait sous-entendre que les deux autres y échapperaient (certainement pas la catégorie thymique) [Dictionnaire 2, 238-239]... Les valeurs descriptives peuvent être subjectives (ou essentielles par la copule "être") ou objectives (ou accidentelles par l'auxiliaire "avoir" et ses parasynonymes). Se distinguent aussi au niveau des programmes narratifs, les valeurs de base (la fin ou la cible) et les valeurs d'usage (le moyen ou l'instrument). Dans la circulation des objets de valeur, il y a des transferts de valeur et la valeur d'échange est fixée par un contrat fiduciaire [Dictionnaire 1, 414-415 et 152].

En quête d'une «connexion entre la conception sémiotique et la conception métapsychologique», par le concept de prégnance, Petitot insiste sur le fait que le concept de valeur «relève d'une topologie de relations entre places et non pas d'une logique de relations entre termes». Sont donc distinguées les «valeurs positionnelles» (valeurs virtuelles et abstraites, valeurs linguistiques de la forme du contenu) et les «valeurs axiologiques» (constitutives du «sens de la vie»). Mais quant à leur substance, les «valeurs intéroceptives» sont «de nature pulsionnelle et instinctive (attraction/répulsion)» : «le virtuel c'est l'inconscient» et le procès de «saisie de sens» est un procès de subjectivation. Pour Petitot aussi, «les sèmes intéroceptifs profonds sont primitivement proprioceptifs» [Dictionnaire 2, 253, 249-250, 239, 214, 174-176, 114-115, en italiques dans le texte]...

Le concept de valence n'est pas présent dans le Dictionnaire, mais il est presque annoncé par la transvaluation selon Zilberberg, à partir de la glossématique [Dictionnaire 2, 242-246]. Le concept est explicitement présent dans Sémiotique des passions et il figure à son Index. La valence est le pressentiment, par «un sujet protensif», d'une «ombre de valeur»; c'est «une sorte de pressentiment de la valeur» : «une sorte de "valeur" de la valeur». La valence est reçue en son «acception chimique» et en son acception psychologique : «le nombre de "molécules" associées dans la composition d'un corps» et «une potentialité d'attractions et de répulsions associé à un objet». L'ensemble des valences constitue la fiducie, la «fiducie généralisée (non spécifique)» étant un «méta-croire», croire au croire présupposé par la foi. C'est l'aspectualité qui est la manifestation de la valence [SP, 26-29].

La valence, la valeur de la valeur ou «une proforme de valeur» [SP, 122], précède donc la valeur et elle est à la source de l'investissement sémantique. Alors que la valeur est universelle, la valence est exclusive [SP, 229]. En outre, et par définition, une ombre de valeur «ne peut être connue par un sujet cognitif, mais seulement captée par un sujet tensif» [SP, 262]. Ainsi, dans le cas de l'objet dans l'avarice, il est d'abord «un îlot de résistance», une ombre de valeur, puis une valence sous la forme de l'exclusivité et, enfin un objet de valeur comme unité intégrale» [SP, 321, en italiques dans le texte]. Au bout du compte, l'ombre de valeur et la valence de la sémiotique, c'est la cohérence [SP, 325]...

À partir de Sémiotique des passions et par un retour ou un détour par la glossématique danoise, Fontanille et Zilberberg retiennent l'acception chimique de la valence et celle de Tesnière en linguistique : «le nombre de places actantielles liées à chaque prédicat dans la structure de base de la phrase». La valence «caractériserait à la fois le lien tensif et le nombre de liens qui unissent un noyau et ses périphériques, les périphériques étant définis par l'attraction qu'exerce sur eux le noyau et par la "puissance d'attraction" du noyau, reconnaissable au nombre de périphériques qu'elle est susceptible de "tenir ensemble" sous sa dépendance» Cette définition moléculaire de la valence, reliant l'intensité et la quantité, rejoint la sémantique du prototype et la sémiotique de l'intensité, de la quantité, de l'aspect et du tempo : au sein de la «sémiosis immanente», «la valence serait la manifestée et la valeur, la manifestante [V/V, 14-15, en italiques dans le texte].

Cependant cette réflexion sur la valence passe par une remise en question de la définition du paradigme comme «structure d'accueil des valeurs» : «chaque paradigme présuppose en effet des valences». L'erreur, «une authentique obstruction épistémologique», serait «de poser la relation paradigmatique comme le point de départ de l'organisation d'une catégorie, alors qu'elle n'en est que l'aboutissement» [V/V, 15]. Il y a donc une refonte des rapports entre le lexique et la grammaire et entre la morphologie (système) et la syntaxe (rythme), le devenir (et ses tensions : le niveau tensif) n'étant pas propre à la syntaxe (la partie d'échecs séparée du jeu d'échecs selon Saussure) mais aussi à la morphologie et à la sémantique [V/V, 17]. La signification ou la production de sens est donc à la fois syntaxique et sémantique.

Pour arriver à l'«homogénéisation du paradigme constitutif d'une catégorie», il est impossible de s'en remettre aux «termes de première génération» du carré sémiotique, il faut s'en remettre aux «termes de seconde génération» (métatermes complexe et neutre : complexité et participation). C'est-à-dire qu'après avoir connu le primat des axes, puis des schémas et enfin des deixis, le primat aussi des contraires, puis des contradictoires et enfin des complémentaires, la sémiotique (post)greimassienne -- au risque d'épuiser ses dernières possibilités ou ressources, mais le risque est sans doute nécessaire -- connaît maintenant le primat des sub-contraires conduisant au primat des métatermes (les «termes tensifs») : «La complexité et la participation seraient plus générales que les opérations engendrant les termes de la "première génération"». La théorie des catastrophes (Thom, Petitot) résoudrait la difficulté en la supprimant, des «portions de l'espace catastrophiste» étant réservées autant au métatermes qu'aux termes, dans des zones de stabilité ou d'instabilité; ainsi serait effacée la distinction entre la différence (termes) et la dépendance (métatermes) [V/V, 16-17, en italiques dans le texte].

Par rapport à la visée syntagmatique, la «saisie paradigmatique» pourrait s'organiser selon deux paramètres : 1°) un «choix classématique» ou une variation selon la «profondeur hiérarchique», la «profondeur fonctionnelle» ou la «profondeur classématique»; 2°) un «gradient thymique» comme mesure du taux d'affectivité en jeu dans une définition. Les valences apparaissent alors «comme une corrélation entre les gradients respectifs de la profondeur classématique et de la tonicité thymique» [V/V, 18-19, en italiques dans le texte].

Le projet est, au nom de l'isomorphisme, «d'articuler ici une "sémantique du continu", qui puisse déboucher sur une sémiotique du continu, et qui serait susceptible de répondre de l'apparition du discontinu». Au niveau du plan de l'expression, les grandeurs continues sont les "exposants" selon Hjelmslev : les accents et l'intonation, qui sont respectivement de l'ordre de l'intensité («l'énergie articulatoire») et de la quantité ou de l'extension. Le tout s'articule sous la dépendance des valences : «des gradients d'intensité» et «des gradients d'extensité» [V/V, 19, en italiques dans le texte].

Dans le cadre défini par SP, l'intensité (comme «"énergie"») et l'extensité (comme «"morphologies quantitatives"») sont les fonctifs de la fonction qu'est la tonicité (tonique/atone). L'espace tensif est ainsi relié à un espace mental, «l'espace épistémologique de la catégorisation, mais isomorphe de celui de la perception». L'orientation des gradients (en visée ou en saisie) convertit les gradients en «profondeurs sémantiques». La profondeur est «l'orientation dans la perspective de l'observateur», le gradient est «le mode continu des valeurs considérées» et la valence est «une profondeur corrélée à une autre profondeur» : «Globalement, les valences reçoivent donc leur définition d'une corrélation de gradients, orientés en fonction de leur tonicité sensible/perceptive», le tout étant équivalent au corps propre [V/V, 19-20, en italiques dans le texte].

Se met alors en place un diagramme de schèmes sensibles sous la forme d'un «arc de schématisation» qui, en son incurvation glossématique, apparaît comme la profondeur du carré sémiotique et exigeant au moins deux gradients (orientés et fonctionnant comme des profondeurs pour le sujet d'énonciation) et «une variation de tonicité». Les valences étant graduelles et de l'ordre de la tonicité, «leur corrélation est par définition tensive» : «La valeur est alors la fonction qui associe deux valences»; en outre, «les traits distinctifs de la valeur sont du côté de la fonction, et les variations extensives et intensives de la tonicité, du côté des fonctifs (les valences)». Il s'agit donc d'affirmer le primat du graduel sur le discret, du continu sur le discontinu, et de voir comment on pourrait «mesurer les variations graduelles» de «la valeur de l'objet». Dans cette entreprise, le «sujet perceptif» (l'observateur) relaie le sujet tensif et il impose même sa deixis aux «propriétés perceptives des valences» [V/V, 21-22, en italiques dans le texte]...

Par rapport à l'analyse sémique traditionnelle, la sémantique élaborée ici, en écho à la sémantique du prototype, propose que les valences fonctionnent toujours par paires (valence/contre-valence), «la tension entre les valences étant, de fait, constitutive des méta-termes de la structure élémentaire»; de plus, les traits sont des «valences liées» à cause de «l'interaction tensive des valences». Par rapport à l'analyse sémémique, la théorie de la valence aurait même une capacité de prévision [V/V, 23-24].

Les définitions syntagmatiques de la valence font suite à ses définitions paradigmatiques et la relation ou la fonction réapparaît : sous la forme de la conjonction ("et... et...") et de la disjonction ("ou... ou..."). Avec la conjonction, «les valences varient dans le même sens» (moins - moins et plus - plus) : c'est une «corrélation converse»; avec la disjonction, «les valences varient en raison inverse l'une de l'autre» (plus - moins et moins - plus) : c'est une «corrélation inverse» [V/V, 25, en italiques dans le texte].

«La coexistence de ces deux régimes fonctionnels dégage un espace d'accueil plausible pour les deux grands principes mis à jour par l'anthropologie, à savoir le principe d'exclusion, ayant pour opérateur la disjonction, et le principe de participation, ayant pour opérateur la conjonction»; les deux principes sont conjugués par les «micro-univers discursifs». Mais entre les deux extrêmes, il y a des moyens termes : la mélioration, qui consiste à «faire participer des exclus», et la péjoration, qui consiste à «exclure des participants»; la mélioration (comme non-disjonction) et la péjoration (comme non-conjonction) modèrent les excès de la participation et de l'exclusion... En outre, le «régime participatif» est au «régime exclusif» ce que les catégorie «à frontières floues» sont aux catégories «à frontières nettes» [V/V, 27-28, en italiques dans le texte].

Aux «deux régimes de valence» correspondent deux opérateurs : le tri pour le régime d'exclusion, tri qui peut aboutir «à la confrontation contensive [= le ponctualisant, qui avait été exclu auparavant [SP, 44 (note 1 sur Zilberberg)] de l'exclusif et de l'exclu» ou du pur et de l'impur; le mélange pour le régime de participation, mélange qui aboutit «à la confrontation détensive [= l'ouvrant, selon la note qui précède] de l'égal et de l'inégal». Sous la dépendance de la valence (de ses seuils et de ses limites), advient la valeur comme différence [V/V, 28-29, en italiques dans le texte].

Selon l'«indice tensif» de «ces champs sémiotiques», le programme de base sera discontinu, contrant la circulation des biens, dans une «sémiotique du tri»; il sera continu, favorisant le "commerce" des valeurs, dans une «sémiotique du mélange». Un rapprochement est alors tenté avec l'économie politique : l'inflation est à la déflation ce que la vitesse est à la lenteur et ce que l'éloignement est au ralentissement; un rapprochement aussi avec le politique : l'égalité correspond à une société du droit et l'inégalité à une société du privilège, le tri caractérise une société de l'interdit «avec ses intouchables» [V/V, 29] -- est-il juste de voir ici la reprise des trois fonctions selon Dumézil : fécondité (droit), guerre (privilège), souveraineté spirituelle (interdit)?...

Étant substance, la valence ne fait pas partie du parcours génératif «parce qu'il est sous le signe de la stabilité» : «La prise en compte de la valence présuppose l'ambivalence de l'objet et l'instabilité du sujet» [V/V, 30]. Se distinguent : le sentir et le dire, la tensivité (la substance) et la forme. Les deux axes de l'intensité et de l'extensité permettent la description de «l'émergence des valeurs élémentaires». L'intensité est à l'extensité ce que l'"énergie" perceptive est à la quantité et à l'articulation extensive, où intervient la scission, qui a pour polarités : «la postulation de l'un» et le multiple (divers, épars). Deux partis sont alors possibles : «la rétention de l'un» comme articulation minimale (maximum de tension) ou «la projection du divers» (minimum de tension). D'un côté, il y a le devenir de l'intensité (intransitivité, éclats et modulations, rythme : tempo, vitesse); de l'autre, il y a le devenir de l'extensité («la formation et la déformation d'agencements méréologiques», la transitivité) [V/V, 30-32, en italiques dans le texte].

Lorsqu'il y a sommation, les contradictions sont figées et les valences inverses (et "inquiètes") sont discrétisées en contrariétés et les valences converses (et "tranquilles") en complémentarités ou, s'il y a «déstabilisation des catégories», les corrélations tensives prédominent : termes neutres de l'exclusion ou termes complexes de la participation. Dans une sémiotique du tri, l'excès conduit à la nullité ou à l'unité; le manque ou le défaut permet «d'envisager les commencements comme des détentes, des explosions» permettant d'aller de "rien" à "quelque chose" et puis à "tout" : à la totalité. Dans une sémiotique du mélange, l'excès (tolérance, ouverture, pluralisme) fait passer de la diversité à l'universalité, de la différence à la ressemblance, de l'inégalité à l'égalité; le défaut rétablit la diversité aux dépens de l'universalité [V/V, 32-34]. Du côté de la «deixis du tri», les objets peuvent être incompatibles ou mal assortis; du côté de la deixis du mélange, ils seront assortis ou compatibles [V/V, 35-36].

Il y a donc «subordination de la valeur à la valence, de la valeur figurative à la valeur figurale». Dans «le tête-à-tête du sujet et du monde», qui concerne la fiducie et donc le croire (la foi, la "fiance"), il y a lieu de distinguer «une fiducie discursive et intersubjective» et «une fiducie affective et intrasubjective», celle-ci permettant qu'il y ait manifestation des «valences objectales» en «valeurs objectales», les objets étant alors reçus comme bons ou mauvais. À la fin, le nombre des «dimensions pertinentes» se multiplie : «l'intensité et l'extensité, l'éclat et l'étendue, le dépendant et le libre, le rare et le nombreux, le pur et l'impur, l'accent et la modulation, la vitesse et la durée, la concession et la diffusion, l'ouvert et le fermé, le successif et le simultané, l'exclusion et l'appartenance, etc.» [V/V, 36-38].

Cette dynamique, où le 2 a remplacé le 3 et le 4, conduit à un réaménagement de la typologie des valeurs mêmes et il apparaît que la valeur est de moins en moins linguistique et de plus économique, voire politique. Selon l'intensité et l'extensité du «complexe tensif» et paradigmatiquement, se distinguent les valeurs d'absolu (la spécificité) et les valeurs d'univers (la généricité) [V/V, 47]. Selon les «opérateurs de grande envergure» ou les «opérateurs principaux» de distension, que sont le tri et le mélange, et syntagmatiquement, va s'établir une syntaxe canonique (grammaire tensive) ayant «la forme d'un cycle» : concentration (tri et fermeture), expansion (ouverture et mélange) et tri, la concentration favorisant les valeurs d'absolu et l'expansion les valeurs d'univers [V/V, 49]. Ces «deux grands régimes axiologiques» sont complétés par «deux directions majeures susceptibles d'ordonner les systèmes de valeurs» : «l'exclusion-concentration, régie par le tri, et la participation-expansion, régie par le mélange». Les transformations syntaxiques qui sont ainsi rendues possibles sont : l'universalisation (en conjonction), la péjoration (en non-conjonction), l'exclusion (en disjonction) et la mélioration (en non-disjonction); l'universalisation est alliance ou alliage, l'exclusion est pureté, la mélioration est ajout et la péjoration est retrait [V/V, 53 : carré sémiotique]. La mélioration et la péjoration sont des «opérateurs discursifs majeurs» [V/V, 62 ].

«La notion de stratification adopte pour hypothèse directrice l'isomorphisme de la forme de l'expression et de la forme du contenu et suggère la possibilité d'une prosodisation du contenu, et, corrélativement, d'une sémantisation de l'expression». La tension entre les valeurs d'absolu et les valeurs d'univers au niveau du contenu est la même que celle «qui préside à la première scission catégorielle : entre les dimensions (l'intensité et l'extensité), entre les opérations (la «sommation intransitive» et la «direction transitive» appelée résolution), entre les advenirs (le survenir de l'affect et le devenir du discours) et, au niveau de l'expression, entre l'accent et la modulation, l'accent étant le «corrélat prosodique» de l'éclat et l'éclat le «corrélat sémantique» de l'accent [V/V, 54-56, en italiques dans le texte].

La valence est «l'analytique de la valeur» ou la valeur de la valeur. Les opérateurs de la «profondeur intensive» sont l'ouverture et la fermeture; ceux de la «profondeur extensive» sont le tri et le mélange. De là, il y a prédominance de la valence de l'ouverture (le libre vs le fermé comme restreint ou étriqué) et de la valence du mélange (le mêlé apprécié comme complet ou harmonieux vs le pur déprécié comme incomplet, imparfait ou dépareillé) pour les valeurs d'univers; pour les valeurs d'absolu, il y a prédominance de la valence de la fermeture (le fermé comme distingué vs l'ouvert comme commun) et de la valence du tri (le pur apprécié comme absolu : comme sacré vs le mêlé déprécié comme disparate : profane ou sacrilège) [V/V, 56-57]. En fin de compte et presque en fin de parcours, après la remaniement de la jonction, il est conclu «(i) que les valeurs d'absolu sont virtualisantes parce que disjonctives; (ii) que les valeurs d'univers sont réalisantes parce que conjonctives» [V/V, 64, en italiques dans le texte].

Entre les «valeurs singulières, exclusives et visant l'absolu» et les «valeurs universelles, participatives et assumant la relativité», intervient la moralisation et s'interposent des «valeurs mélioratives» (participation dans l'exclusion) et des «valeurs péjoratives» (exclusion dans la participation). Mais là encore, il y a gradation : il y a participation par mélioration dans «un micro-univers dirigé par les valeurs d'absolu» et il y a exclusion par péjoration dans «un micro-univers dirigé par les valeurs d'univers». En outre, il y banalisation par augmentation de la mélioration et raréfaction par sa diminution en «régime de valeurs d'absolu»; en «régime de valeurs d'univers», il y a marginalisation par augmentation de la péjoration et généralisation par sa diminution. Aussi, «(i) les valeurs mélioratives sont actualisantes parce que non-disjonctives : elles admettent quelque supplément au sein des valeurs d'absolu; [ii) les valeurs péjoratives sont potentialisantes parce que non-conjonctives : elles suspendent l'appartenance de tel ou tel élément aux valeurs d'univers» [V/V, 64-66, en italiques dans le texte].

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L'entreprise ne manque pas d'être vertigineuse, périlleuse. La valence est définie en conformité avec le niveau tensif entendu comme instance épistémologique du dispositif général de la sémiotique. Jusque-là, les valeurs avaient été définies par la virtualisation, par l'actualisation et la réalisation. Mais étant donné le remaniement de la jonction, les choses apparaissent sous un autre jour : avant, les valeurs actualisées sont celles de la disjonction et les valeurs réalisées sont celles de la conjonction; pour les valeurs virtuelles, il est question d'un «état neutre, descriptif, des valeurs investies« [Dictionnaire 1, 414] : on peut donc en déduire qu'elles sont de l'ordre de la non-conjonction -- et c'est ce qui est confirmé après [SP, 56]. Mais maintenant, c'est la potentialisation qui serait de l'ordre de la non-conjonction, l'actualisation de l'ordre de la non-disjonction et la virtualisation de l'ordre de la disjonction [V/V, 64].

En associant en amont la valence à la potentialisation et à la non-conjonction -- et même en ne tenant pas compte du statut de la relation à l'objet (perdu), la non-conjonction présupposant la perte --, il nous semble que la difficulté n'est pas levée, malgré la redéfinition du paradigme. Certes, si les valeurs virtuelles sont identifiées à de simples valeurs paradigmatiques et si le système ou le schéma est réduit au lexique, les valeurs virtuelles présupposent des "valeurs potentielles". Cependant, il apparaît possible de penser à une autre solution : à un en-deçà de la disjonction et le conjonction qui ne serait ni la non-conjonction ni la non-disjonction, à un en-deçà de l'axe paradigmatique du "ou... ou..." et de l'axe syntagmatique du "et... et...", là où justement il n'y a pas de différence entre le "et" et le "ou", quand le "ou" égale le "et", quand le neutre égale le complexe : quand la valence est ambivalence et/ou polyvalence -- ce que reflète ou manifeste d'ailleurs l'accord parfois pluriel du verbe ou de l'adjectif avec deux noms (dis)joints par "ou"... La valence est d'abord ambivalence et/ou polyvalence; elle devient ensuite monovalence (intransitive) et bivalence ou trivalence (transitives) [cf. Weinrich] : la valence est de l'ordre -- du désordre plutôt -- de la (dis)jonction.

Fontanille et Zilberberg ne manquent pas de rapprocher «le point de vue économique en psychanalyse» de la valence [V/V, 34]. Que la valence soit de l'ordre de la substance est moins important que le fait qu'elle soit du désordre, de la désorientation, de l'in-compétence, de l'imperfection radicale ou fondamentale, c'est-à-dire qu'il y ait défaut de représentation (la sensibilité et l'intelligibilité, l'intuition et la perception) -- défaut que cherche à combler l'arc de schématisation, soit le travail de l'imagination (du volume de l'imagination par rapport à la profondeur de la sensibilité et à la surface de l'entendement). En d'autres mots, il nous semble plus économique, mais aussi plus effectif, de ne pas privilégier la définition physique ou chimique de la valence et d'y voir un corrélat sémiotique de la pulsion.

La sémiotique, à la suite de la phénoménologie et du gestaltisme [SP, 285], confond le corps propre (ou originaire) et le corps sensible (ou organique) et elle postule une continuité ou une médiation entre le corps sensible (interne) et le corps physique (externe), justement dans la relation à l'objet et la relation à autrui, les deux étant davantage pensées en termes de psychologie (Klein) que de métapsychologie (Freud, Lacan ou Green), en termes d'intersubjectivité et d'intrasubjectivité plutôt que de subjectivité. En dernière instance, la définition de la valence est physico-mathématique (moléculaire), ce qui présuppose qu'il y a continuité entre le non-vivant et le vivant et évolution graduelle au sein du vivant -- ce saint principe incontestable pour la biologie de l'évolution (néo-)darwiniste, mais principe contestable et contesté [cf. Thom, Danchin, Denton, Reichholff et Gould en partie], sans qu'il faille pour autant être taxé de créationnisme : Lacan a bien montré que n'est pas créationniste qui pense ou, contre l'évolutionnisme, que le créationnisme n'est pas ce que l'on pense : «La perspective créationniste est la seule qui permettre d'entrevoir la possibilité de l'élimination radicale de Dieu» [Le Séminaire; Livre VII : L'éthique de la psychanalyse, 253]... De toute façon, s'il faut s'en remettre ultimement à une physique, pourquoi pas à la mécanique quantique?

Nonobstant cette critique de la topologie de la valence, la valence du corps propre (anorganique?) à distinguer des valences des corps (inorganiques ou organiques), la typologie des valeurs (ou la «syntaxe des types de valeurs») de Fontanille et Zilberberg est très certainement plus complexe et plus complète que celle de Greimas, surtout qu'elle est en mesure de prévoir ou, tout au moins, «de décrire la "vie" et la "mort" des axiologies, voire l'intéressement et le désintéressement des sujets qui en usent» et que «les grands types de valeurs peuvent être considérées comme des modes d'existence de la valeur au sein des cultures individuelles et collectives et que ceux-ci sont du même coup susceptibles d'articuler les modulations de la présence et de l'absence des valeurs» [V/V, 66 où il est renvoyé à l'essai "Présence", en italiques dans le texte]; et cela, «[b]ien que la délimitation du champ des valeurs soit une entreprise désespérée puisque la limite est aussi ou déjà une valeur» [V/V, 62] et même si «les contenus discriminés et hiérarchisés sont aussi des valeurs et qu'on ne voit pas comment la différence hiérarchique entre deux contenus pourrait n'entretenir aucune relation avec les valeurs qu'elles promeuvent», la classification ou la nomenclature, la «logique classificatoire». ne pouvant sans doute pas rendre compte d'elle-même [V/V, 67, en italiques dans le texte]. -- Par ailleurs, et sans que cela porte à conséquence fâcheuse, est-il admissible de deviner un léger parti pris en faveur des valeurs d'univers?



De l'économie de la passion à la passion de l'économie

L'économie générale de la théorie sémiotique a été profondément transformée par l'analyse des passions, qui «ne sont pas des propriétés exclusives des sujets (ou du sujet), mais des propriétés du discours tout entier» [SP, 21]. Même si la syntaxe prévaut sur la nomenclature, nombre de passions sont convoquées, à côté de l'avarice et de la jalousie : inquiétude, enthousiasme, obstination, entêtement, ténacité, ambition, admiration, émulation, étonnement, stupeur, fureur, désespoir, rancune, colère, terreur, éblouissement, etc. En outre, il y a des «passions scandées» (comme la colère) et des «passions non scandées» (comme l'avarice), les passions scandées pouvant être prévisibles (fréquentatives) ou imprévisibles (ponctuelles) [SP, 181]. Mais surtout il y a «deux grandes tendances de l'imaginaire humain, représentées d'un côté par les passions de l'attente, et de l'autre par celle de la nostalgie» [SP, 282, en italiques dans le texte].

Même si «la proprioceptivité est déjà «constitutive du sujet passionné» [SP, 160], il y a «une intentionnalité de la passion, sous forme d'une image but et d'un dispositif modal sensibilisé» [SP, 171]. Il n'y aurait pas de «passion solitaire» [SP, 164], la notion d'intersujet étant lié au fait que «le désir mimétique est antérieur à l'existence même des objets de valeur» [SP, 90] et la jalousie étant la passion intersubjective par excellence et peut-être «la passion prototypique des énonciataires» [SP, 306]; «l'objet, dans la passion, aurait tendance à devenir le partenaire-sujet du sujet passionné» [SP, 61]. Les «effets passionnels» ont aussi un caractère contagieux [SP, 229]...

Pourtant, le passionné, «à la limite, est "asocial", solitaire»; mais il s'agit seulement d'une socialité restreinte au niveau de la «sociabilité du rôle pathémique». Selon les deux grandeurs figurales des gradients que sont l'intensité et l'extensité, sont distinguées une "tension maximale indivise" et une "tension minimale divise" : «La passion dirigée par une "tension maximale indivise" élit un objet exclusif, alors que la multiplication des objets, en amenuisant les tensions, se conjugue aisément avec le détachement», «[l]a profondeur de la fixation à l'objet ayant pour termes extrêmes l'attachement et le détachement». «La profondeur de la relation à autrui aurait quant à elle pour termes extrêmes une socialité restreinte, dont la limite serait l'intersubjectivité duelle [le couple], et une socialité étendue qui aurait pour terme extrême l'"humanité" au sens d'Auguste Comte» [V/V, 34, en italiques dans le texte et avec une référence à Girard, 35 : arc de schématisation].

Il est loin d'être insignifiant que les deux passions analysées en profondeur soient l'avarice et la jalousie : ce sont deux passions économiques; c'est-à-dire que les deux ont en commun de dévoyer l'échange [SP, 121] : l'avarice dévoie l'échange des biens et le jaloux dévoie l'échange des femmes; les deux détournent le «flux circulant de la valeur» [SP, 189], détournent la circulation du «droit chemin», non sans quelque reste ou résidu : «Le cercle tragique dans lequel le jaloux se meut tient dans la tension entre une exclusivité de fait, que le jaloux s'accorde à lui-même, et une participation de droit que le jaloux ne peut s'empêcher de reconnaître aux autres» [V/V, 65].

Il est justement remarqué «que la théorie des passions, lors de la révolution individualiste du XVIIIe siècle, est remplacée par la théorie de la valeur et par la dynamique de l'intérêt», avec un changement de focalisation du sujet (et du vouloir) à l'objet (et au devoir). Tel que Foucault l'avait indiqué, «l'économie politique prend la place des théories des passions, qui dépérissent, et la théorie des besoins supplante celle des désirs; cela se traduit par un changement de la modalisation des objets de valeur : de désirables qu'ils étaient ils deviennent nécessaires ou indispensables». «Dans les théories des passions, le thymique et le cognitif ne sont pas articulés par le pragmatique, en tant que tel, mais par ses dysfonctionnements [...]; dans la théorie des besoins, en revanche, le thymique et le cognitif sont articulés en tant que tel en totalité» [SP, 98, en italiques dans le texte].

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La sémiotique emprunte énormément de concepts à l'économie (politique) dans son traitement des états de choses, plus ou moins en rapport avec l'anthropologie ou l'ethnologie, et elle a parfois un point de vue économique (au sens métapsychologique) dans son traitement des états d'âme. Nous n'irons pas jusqu'à dire que l'économie de la valeur présuppose la valeur de l'économie (avec une double génitif), mais que l'économie générale de la sémiotique, par l'économie de la passion, en arrive à une véritable passion de l'économie, dont le concept central est celui de part ou de trait partitif [les deux termes figurent à l'Index de SP], qui est tributaire de la méréologie et de la théorie de la quantification [cf. «Note sur la quantification» à la fin de «La jalousie», SP, 317-322]. L'analyse de l'avarice est une véritable théorie économique.

Nous ne reprendrons pas ici la confrontation de l'économie fondamentale ou totale qu'est la sémiotique et de l'économie générale de Bataille [cf. JML. Manuel d'études littéraires / Analyse du discours / L'événement tragique sur ce même site]; mais nous allons ajouter quelques remarques complémentaires ou supplémentaires. L'économie fondamentale cherche à «faire la part des choses» [SP, 110] et elle voit justement comment l'avarice et la jalousie nuisent à la répartition, au partage, à la participation, entre autres par l'exclusivité; elle s'attarde à la distribution ou à la circulation des parts et elle distingue ainsi des unités intégrales ou partitives et des totalités intégrales ou partitives [non seulement dans l'analyse de l'avarice et dans celle de la jalousie, mais aussi en début de conclusion de SP].

L'économie fondamentale est une économie de la part, tandis que l'économie générale de Bataille est une économie de la part maudite (la dépense, la dilapidation, la dissipation, la perte); c'est donc une économie dévoyée (ou perverse, au sens strict de : ce qui détourne de la reproduction) : c'est une économie passionnelle ou une théorie passionnelle de l'économie, pour laquelle il y a la richesse (la part maudite) au départ, par rapport à une théorie économique de la passion, pour laquelle il y a pénurie ou rareté à la fin (la part); la première traite l'économie par la passion, tandis que la seconde traite la passion par l'économie (de la valeur et surtout de la valence). L'économie générale est aussi une économie de la prostitution qui, selon l'économie fondamentale, est une forme de généralisation correspondant à la diminution de la péjoration en «régime de valeurs d'univers», à «un fonctionnement hyperbolique des valeurs d'univers» [V/V, 65-66, avec une citation de Baudelaire en note 29 : «L'amour, c'est le goût de la prostitution. Il n'est même pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la prostitution. /Dans un spectacle, dans un bal, chacun jouit de tous. /Qu'est-ce que l'art? Prostitution? /Le plaisir d'être dans les foules est une expression mystérieuse de la jouissance de la multiplication du nombre»]...

Pourtant, il est évident que l'économie bataillienne privilégie les valeurs d'absolu et il semble que l'économie (post)greimassienne privilégie les valeurs d'univers. Alors que celle-ci accorde une sphère de souveraineté à chacune des trois fonctions idéologiques selon Dumézil et qu'elle considère aussi la souveraineté comme un sous-code d'honneur, celle-là la réserve -- mais sans réserve -- à la seule première fonction : celle de la souveraineté spirituelle, celle du sacré, c'est-à-dire de l'interdit et de la transgression ou du (dys)fonctionnement de l'érotisme, la première fonction n'étant donc pas pragmatique (extéroceptive) ou cognitive (intéroceptive) mais thymique (proprioceptive). Il est vrai cependant que la souveraineté (ou le non-savoir) selon Bataille, la théorie de la souveraineté étant une théorie du sujet, est la remise en question du principe d'individuation et donc des trois classes ou fonctions, le sujet s'identifiant au souverain et ne sachant être ni individuel ni collectif. Il nous semble que la distinction de l'actant et de l'acteur est aussi un pas en cette direction; mais le sujet y demeure individuel ou collectif et il y a individuation ou collectivation de l'actant dans l'acteur, individuation dans l'acteur individuel quand on parle d'intrasubjectivité... Par contre, l'économie générale ne saurait être un compromis entre l'affect et le concept [V/V, 68].

Que ce soit par l'intermédiaire de Foucault ou de Girard -- qui explore ou exploite Bataille, sans le reconnaître semble-t-il (dans le concept de contagion par exemple, de contagion par la passion, remettant en cause le principe d'individuation) -- ou que ce soit sous l'influence de Dumézil et de Lévi-Strauss, il y a un point d'intersection entre l'économie générale et l'économie fondamentale; c'est l'énergie et ce qui la connote : «"surplus" pathémique» [SP, 18], «excédent modal» (de l'impulsivité ou non) [SP, 67, 99, 123, 205], «excédent passionnel» [SP, 131], excès, etc. -- et nous reviendrons au concept d'énergie dans la prochaine et dernière section de cette étude.

Revenons aux passions.

Bien que la passion soit considérée comme «une manière d'être du sujet» [V/V, 34], les passions de l'attente (ou de la prémonition) et les passions de la nostalgie (ou de la réminiscense) apparaissent comme étant des passions plus objectives que subjectives, en attente ou en nostalgie d'objet (perdu); or, seule la perte est subjective, pas l'objet perdu. Déterminer qu'une passion est fondamentale, ici l'inquiétude, est peut-être indécidable; en fait, seule la passion tout court est fondamentale. L'inquiétude, comme oscillation ou non-polarisation (sans être cyclothymie), est finalement l'inquiétante étrangeté ou l'inquiétude étrange [cf. JML. Manuel d'études littéraires / Analyse du discours / L'antagonique ou l'agonique] et elle est intimement liée à l'angoisse et à l'ennui (pas l'ennui de quelqu'un ou de quelque chose, mais l'ennui selon Kierkegaard et Heidegger), deux véritables passions subjectives, comme l'envie (l'envie d'être, pas l'envie d'avoir) et la curiosité, et peut-être même la générosité ou l'enthousiasme... Le souci et l'anxiété (la terreur, la peur, la crainte) sont de profondes passions objectives, des passions du monde.

Le sujet, le sujet à la passion et le sujet de la passion, n'est pas l'individu; c'est le dispositif : le dispositif n'est pas le sujet, mais le sujet est le dispositif -- et c'est bien ce «Je introuvable» [SP, 325 : dernière phrase de l'ouvrage]... C'est ainsi que l'instance de l'énonciation est irréductible à la mise en discours, c'est-à-dire à l'énonciation énoncée : la représentation; elle implique l'énonciation présupposée : l'affect. La phorie ou la thymie n'est pas antérieure au sujet de l'énonciation (présupposée). Finalement, le sujet de la passion, le sujet passionné, qu'il soit dit sujet inquiet ou non, présuppose la passion du sujet, la passion subjective. C'est pourquoi la passion tout court est à la fois ce qui assure et ce qui dévoie, ce qui règle et ce qui transgresse la circulation des paroles, la souveraineté des paroles, autant que la guerre des biens et la fécondité des personnes!



De la physique à la métaphysique

«Physique des humanités» [Greimas et Courtés], «physique du sens» [Petitot], «sémiophysique» [Thom], la sémiotique entretient des rapports avec nombre de disciplines : économie, ethnologie, anthropologie, linguistique, logique, littérature, philosophie, etc. La sémiotique s'est donné une métalangue spécifique, mais avec beaucoup d'emprunts terminologiques. Pour la sémiotique générale, les cultures, comme «systèmes de sélection, d'infléchissement ou de complément, appliqués aux universaux de signification», sont aux grandeurs universelles (la signification comme «fait humain universel») et aux grandeurs généralisables (la signification comme «fait culturel») ce que les langues sont aux langage et ce que les axiologies figuratives sont aux éléments naturels [SP, 87].

Alors que pour certains, comme Petitot, la sémiotique n'est pas une science humaine, elle l'est pour Greimas et Fontanille : son projet scientifique est à «échelle humaine». Des images différentes, «à grande distance» (modulations et fluctuations) ou «à distance rapprochée» (catégorisation et modalisation), peuvent être obtenues «à partir des mêmes phénomènes»; mais il y a un «horizon infranchissable, celui qui sépare le "monde du sens" et le "monde de l'être"», pour le «regard sémiotique» [SP, 324]. Il y a donc discontinuité entre l'être et le sens entendu ou non comme phénomène, comme (ap)paraître... Pour Fontanille et Zilberberg, la sémiotique générale est aux sciences humaines ou aux «sémiotiques singulières» ce que la langue est aux autres systèmes sémiotiques, en vertu de «sa capacité à assurer la traductibilité entre les autres systèmes» [V/V, 61, en italiques dans le texte].

La sémiotique entretient des rapports particuliers -- un peu dans le sens où on parle de "liaisons particulières" -- avec la philosophie. Si on consulte l'Index du tome 2 du Dictionnaire et celui de Sémiotique des passions, il y a de nombreux concepts qu'elle partage avec la philosophie, plus particulièrement avec la phénoménologie. L'héritage ou le bagage philosophique est énorme : Aristote, Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant, Hegel, Marx, Husserl (et donc Brentano), Cassirer, Wittgenstein, Valéry, Bachelard, Merleau-Ponty, Ricoeur, Deleuze, etc. C'est ainsi qu'elle peut prêter à une lecture philosophique, phénoménologique -- c'est ce que ne manque pas de faire Ouellet, dans son texte de présentation de Valence/Valeur, d'une manière ultra-husserlienne --, et qu'elle peut ainsi s'exposer aux critiques adressées à la phénoménologie [pour une présentation plus sémiotique que phénoménologique de l'entreprise de Fontanille et Zilberberg, cf. Fontanille. «Éléments pour une sémiotique tensive : états de choses et états d'âme» dans Sémiotique du visible (p. 5-22), véritable transition entre Sémiotique des passions et Valence/Valeur]...

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Ce texte de Ouellet fait figure de symptôme (méta)physique, en ce qu'il met de l'avant l'energeia, à partir d'Aristote, terme que l'on a fini par traduire (trahir, transposer ou interpréter) par "substance" ["substantia" = "extensio" chez Descartes et "actio" chez Leibniz] -- "traduction" lourde de conséquences en ce qu'elle est la dénégation de la différence ontico-ontologique... On a l'habitude d'opposer la science à la métaphysique et parfois aussi, chez les marxistes, la dialectique à la métaphysique, comme si la dialectique de Hegel n'était pas une logique, n'était pas la relève de la métaphysique. Or, la philosophie ou l'esthétique transcendantale de Kant rend possible une métaphysique scientifique; en outre, d'Aristote à Nietzsche, la métaphysique est fondamentalement une physique et l'humanisme est l'histoire de la métaphysique [cf. Heidegger. Introduction à la métaphysique et Lettre sur l'humanisme].

Pour Aristote, l'énergie ["energeia" : «force en action», "actus" : «puissance en acte»] se distingue de la force ["dunamis"], comme mouvement ou motion, comme pouvoir ["potentia"] ou possession (comme "compétence" en somme); la perception ["aisthêsis"] est une force appartenant à l'âme ["psyché"]. La force, en son essence et sa réalité, n'a pas besoin de l'énergie (cinétique) : elle a donc quelque chose d'une «énergie potentielle». Il y a transition de la force à l'énergie par la mouvance ou le changement (de lieu) ["kinésis", "métabolé"], l'énergie étant la mobilité ou le déploiement (la "performance" ou l'existence), le travail ["ergon"], de la force. La force, comme puissance, est liée à la fois au faire, à la fabrication ou à la production ["poiêsis", "phusis" comme "duction" : comme "arkhê" et "tekhnê"] d'une part, et, à l'achèvement ["parousia"] ou à l'entéléchie ["entelekheia", "tel(es)os"] d'autre part [cf. JML : «quarte (méta)physique» dans La puissance du sens (p. 41)].

Mais la force est aussi la non-force ["im-potentia" : im-potence, im-puissance, in-compétence : "stérêsis" ou repos]; c'est-à-dire qu'elle n'est pas seulement source de possibilité mais d'impossibilité, pas seulement de capacité mais aussi d'incapacité, pas seulement d'activité mais aussi de passivité (du pâtir, du subir et du souffrir) : la disposibilité de la force est à la fois passibilité et (im)possibilité, à la fois susceptibilité et responsabilité, et ce, justement, à cause de l'aspect ["eidos"], en ce qu'il est fini au départ, et de la finitude, Dieu ne pouvant pas alors être puissant (sinon il serait fini)... Le sujet en tant qu'étant, étant dont la signification première et directrice est l'étantité, l'étance ou la présence ["ousia"], n'échappe certainement pas à la finitude : il y a donc de l'"atensivité" dans sa (pro)tensivité, de l'"aproprioceptivité" dans sa proprioceptivité; il y a donc la mort pour le «sujet distendu» [V/V, 30].

Sans même tenir compte de la quadrature (de l'être) de l'étant ou des «modes de l'être-en-mouvement» -- modes qui ont bien quelque chose à voir avec les «modes d'existence» et avec les «simulacres existentiels» (modaux ou passionnels) [cf. Heidegger. Aristote, Métaphysique thêta 1-3, dont s'inspire largement ce qui précède] --, nous pouvons nous demander si le sentir comme «principe de la vie même» [SP, 22] n'a pas comme advenir ou comme devenir, celui-ci étant «la "loi d'airain" de la corrélation tensive qui fait sens» [V/V, 66], la mort : le principe anthropique de la mort... L'inanimé (le non-vivant) ne meurt pas, l'animé (le vivant ou le présent-vivant) oui; peut-être même que ce qui ne se reproduit pas sexuellement ne meurt pas, la mort étant donc liée au sexe (à l'érotisme : l'amour comme sacrifice, le sacré) [cf. Bataille].

La phénoménologie est une métapsychologie (au moins chez Husserl); mais ce qui fait que la psychanalyse n'est pas seulement une métapsychologie mais aussi une métabiologie, c'est le concept de pulsion de mort : la pulsion de mort est la discontinuité dans la continuité et la continuité dans la discontinuité; il y a discontinuité entre l'inorganique et l'organique, entre la physique et la biologie, parce qu'il y a la (pulsion de) mort [cf. La vie / Métapsychologie sur ce même site]. La pulsion de mort a quelque chose d'anorganique et elle a quelque chose de la stupidité même : «la "stupidité" n'est-elle pas une régression à un état de tensivité d'avant la vie, un point limite entre le vivant et le non-vivant?» [SP, 25]...



(Cet examen des divers états de la sémiotique (post)greimassienne a bien montré que, malgré ses états d'âme, elle n'est nullement dans tous ses états!)



Algirdas J. Greimas et Joseph Courtés. Sémiotique; dictionnaire raisonné de la théorie du langage : tome 1.

Algirdas J. Greimas, Joseph Courtés et al. Sémiotique, dictionnaire de la théorie du langage : tome 2.

Algirdas J. Greimas. Sémantique structurale.

Algirdas J. Greimas. Sémiotique et sciences sociales.

Algirdas J. Greimas. Du sens et Du sens II.

Algirdas J. Greimas. Maupassant.

Algirdas J. Greimas. De l'imperfection.

Algirdas J. Greimas et Jacques Fontanille. Sémiotique des passions.

Jacques Fontanille. Le savoir partagé.

Jacques Fontanille. Les espaces subjectifs.

Jacques Fontanille. Sémiotique du visible; des mondes de lumière. PUF (Formes sémiotiques). Paris; 1995 (VIII + 200 p.)

Jacques Fontanille et Claude Zilberberg. Valence/Valeur. Précédé de «Pour une sémiotique tensive, les gradients du sens» par Pierre Ouellet. Actes sémiotiques 46-47. Presses de l'Université de Limoges. Limoges; 1996 (4 + 76 p.)

Claude Zilberberg. L'essor du poème (texte ronéotypé).

Claude Zilberberg. Temps et signification dans «Les conquérants» de Heredia (texte ronéotypé).

Claude Zilberberg. Prosodie et signification dans «Les conquérants» de Heredia (texte ronéotypé).

Claude Zilberberg. Description de la description (texte ronéotypé).

Claude Zilberberg. Pour saluer Wölfflin (texte ronéotypé).

Claude Zilberberg. L'affect comme clef cognitive? (texte ronéotypé).

Claude Zilberberg. Remarques sur la profondeur du temps (texte ronéotypé).

Claude Zilberberg. Rythme et générativité (texte ronéotypé).

Claude Zilberberg. «Sémiotique, épistémologie et négativité» (article).

Claude Zilberberg. «Signification du rythme et rythme de la signification». Degrés; revue de synthèse à orientation sémiologique (publication internationale trimestrielle). Vingt-quatrième année, n° 87 : "Le sens du rythme"; automne 1996.

Claude Zilberberg. «Aspects du mythe dans La philosophie des formes symboliques de Cassirer» (texte ronéotypé).

[cf. aussi, pour Zilberberg et pour les références complètes, Bibliographie de pragrammatique : 3, sur ce même site].

Jean-Claude Coquet. Sémiotique littéraire

Jean-Claude Coquet. Le discours et son sujet

J.-C. Coquet et al. Sémiotique; l'École de Paris

Herman Parret. Les passions

Martin Heidegger. Aristote, Métaphysique thêta 1-3 : De l'essence et de la réalité de la force. Gallimard nrf (Bibliothèque de philosophie : Oeuvres de Martin Heidegger; Sections I, II, III : Cours 1931). Paris; 1991 [1981] (2 + 238 p.)

Jean-Marc Lemelin. La signature du spectacle.

Jean-Marc Lemelin. La puissance du sens.

Jean-Marc Lemelin. De la pragrammatique.

Jean-Marc Lemelin. Du récit.

Jean-Marc Lemelin. Signature.

Jean-Marc Lemelin. Oeuvre de chair.

Jean-Marc Lemelin. Le sens.

Jean-Marc Lemelin. Le sujet.

Jean-Marc Lemelin. «Du parcours génératif au schéma polémique; fragments pour une pragrammatique de l'Actant». RS/SI. Volume 5, numéro 2. Toronto; 1985 [p. 117-128]. Repris et modifié sous le titre de «La textualité du récit» dans De la pragrammatique [p. 49-65].

Jean-Marc Lemelin. «La passion du sens». Article compte rendu de Claude Zilberberg. Raison et poétique du sens. RS/SI. Volume 7, numéro 3. Ottawa; décembre 1987 (paru en 1989] [p. 367-378]. Repris dans oeuvre de chair [p. 49-60].

Jean-Marc Lemelin. «La langue de la prose et la prose de la langue : la subjectivité de l'énonciation». Actes de langue française et de linguistique (ALFA) 6. Université Dalhousie, Halifax; 1993 (290 p.) [p. 199-208].

Jean-Marc Lemelin. «Énonciation, rythme et passion». Action, passion, cognition d'après A. J. Greimas sous la direction de Pierre Ouellet. Nuit Blanche Éditeur/PULIM. Montréal-Limoges; 1997 (384 p.) [p. 329-345].

Jean-Marc Lemelin. Compte rendu de Paul Perron. Semiotics and the Modern Quebec Novel; A Greimassian Analysis of Thériault's Agaguk. University Toronto Press. Toronto-Buffalo-London; 1996 (XII + 172 p.). RS/SI. Volume 17, Nos 1-2-3 : «Littérature et/and Science». Québec; 1997 (348 p.) [p. 287-295].

Jean-Marc Lemelin. Manuel d'études littéraires [sur ce même site].