LE
LANGAGE
Le langage (naturel) est l’articulation
centrale et capitale du sens, étant la jointure de l’homme et du monde, du
monde de la vie et de la vie du monde ; le langage est le fondement du
lien social : le langage est l’origine symbolique (ou divine) du lien
social (religieux et politique). Il est la ponctuation du monde par l’homme et
de la vie par le corps : c’est la ponctuation du sens (de la vie). Le
langage est la faculté, la capacité et la propriété de la parole ; il est
l’essence de l’homme. La parole est l’essence du langage, le discours en est
l’existence et la langue en est la présence ou l’évidence ; ainsi y a-t-il
triple articulation du langage entre l’énonciation, la communication et la
signification (ou la représentation) :
communication -–---
signification
énonciation
L’ÉTUDE DU LANGAGE
Le langage est ou fait l’objet de nombreuses
disciplines et doctrines : la
philosophie grecque : les Présocratiques, Platon et Aristote, dont la
rhétorique tributaire de la dialectique et de la politique et qui conduit à la
poétique et à la stylistique ; la grammaire grecque (Denys de Thrace au
IIe siècle avant Jésus-Christ), la grammaire latine (Varron, Donat, Priscien,
Villedieu) ; la grammaire médiévale, qui est spéculative et cherche à
ajuster le français au latin ; la grammaire humaniste puis
classique : la Grammaire de Port-Royal en 1660, héritée de Descartes et
dont hérite Chomsky ; la grammaire comparée ou la linguistique
historique : W. Jones (le sanskrit en 1786), F. Schlegel (1808), F. Bopp
(l’indo-européen en 1816), R. Rask, W. von Humboldt, A. Schleicher (influencé
par Darwin), M. Bréal, A. Meillet (orienté par Durkheim), etc. ; la
philologie conduisant à l’exégèse, c’est-à-dire à l’interprétation des textes
sacrés, et que l’herméneutique perpétue ; la phénoménologie (comme
métapsychologie) ; la psychologie ; la sociologie ; la
philosophie analytique (surtout anglo-saxonne ou allemande) de l’esprit ou du
langage et de l’action : Wittgenstein, Cercle de Vienne (Carnap, Quine,
Russell), Morris, Austin, Searle, la logique philosophique impliquant une
syntaxe (le rapport entre le langage et le langage), une sémantique (le rapport
entre le langage et le monde) et une pragmatique (le rapport entre le langage
et l’homme) ; la philosophie en général : Rousseau, Vico et bien
d’autres ; la sémiotique logique de Peirce ; la grammatologie de
Derrida ; la psychanalyse.
Mais c’est évidemment surtout la linguistique qui est «la science du
langage appréhendé à travers les langues naturelles » [Culioli]. C’est au
début du XXe siècle à Genève et avec Ferdinand de Saussure, qui était aussi un
spécialiste de la linguistique historique et qui avait publié un Mémoire sur les voyelles de l’indo-européen
en 1878, que commence la linguistique
structurale et qu’elle inaugure le structuralisme. Le comparatisme, c’est-à-dire la linguistique historique ou la
grammaire comparée, était fondé sur la phonétique : il existe des
« lois phonétiques » nécessaires qui expliquent les changements d’une
langue primaire à une langue dérivée ou d’une langue-mère à une langue-fille,
par exemple de l’indo-européen au sanskrit, au grec et au latin ou du latin au
français. Le structuralisme, soit la
linguistique structurale ou scientifique, est fondée sur la phonologie, qui
s’oppose au sémantisme et au logicisme du référent (le monde vécu) et au
phonétisme et au comparatisme du signe (le langage écrit). La linguistique est
donc la rupture de la phonologie et de la phonétique, qui fait partie de la
physiologie (de l’appareil phonatoire) et de la physique (acoustique). La
phonétique s’intéresse aux sons des
langues, à leur substance, tandis que la phonologie s’attarde aux phonèmes de la langue, à leur
forme ; la première privilégie l’histoire ou la diachronie et la langue
écrite, alors que la seconde se concentre sur la structure ou la synchronie et
sur la langue parlée. La linguistique (structurale) se fonde sur le concept
scientifique de langue comme forme : la langue est un système de règles et de lois grammaticales ou de
contraintes ; c’est un schéma, une structure schématique : elle est
une forme impliquant des différences ou des valeurs ; ce n’est pas une
substance.
La linguistique
générale de divise en plusieurs domaines
linguistiques : la grammaire comparée continue son travail en
dialectologie, où elle dresse des atlas linguistiques des divers parlers d’une
même langue ; l’ethnolinguistique (Sapir, Whorf) voit comment une ethnie
est prisonnière de son langage ou vice versa ; la sociolinguistique
(Bernstein, Labov) étudie les rapports entre une société et son langage, entre
les différents parlers des classes sociales ; la psycholinguistique
(Piaget) relie la pensée ou l’intelligence et le langage ; la
neurolinguistique (ou les « neurosciences »), en se penchant sur les
liens entre le cerveau et le langage, est confrontée à la pathologie du
langage, aux troubles de langage ; la didactique des langues ou la
linguistique appliquée cherche à contribuer à la pédagogie et à l’enseignement
des langues étrangères ; la traduction ou la traductologie est un domaine
linguistique qui touche à la littérature et à l’écriture en général ; la
génétique des populations, s’appuie sur des données linguistiques autant que
génétiques : les émigrants transportent leurs langues et leurs
gènes ; c’est pourquoi il y a des liens si étroits entre les langues et
les populations : plus la distance génétique entre deux populations est
grande, plus elles se sont séparées il y a plus longtemps. C’est ainsi que les
« arbres génétiques » des populations recouvrent ou recoupent les
« arbres linguistiques » ou les familles de langues. Cependant, il ne
faut pas confondre les populations et
les peuples (ou les nations et les
nationalités) : une population est une entité ou une unité génétique et
linguistique qui peut être plus grande ou plus petite qu’un peuple ; un
peuple est une entité ou une unité ethnique et politique, historique et
géographique ou culturelle… La question que l’on peut ici se poser concerne la
possibilité ou non d'une seul arbre généalogique
regroupant toutes les populations et toutes les langues jusqu’à une langue-mère
unique : y a-t-il eu une protolangue originelle et donc universelle ?
– C’est certes le cas si l’homme est né unilingue !
Les principaux courants linguistiques (écoles, mouvements) sont les
suivants : la linguistique structurale, qui comprend la linguistique
sémiologique (la sémiologie faisant partie de la psychologie sociale selon
Saussure), la linguistique phonologique (Cercle de Prague : Jakobson, Troubetzkoy),
la glossématique (Cercle de Copenhague : Hjelmslev, Brondal, Togeby) et la
psychomécanique ou la systématique (Guillaume, Pottier, Martin, Joly,
Kleiber) ; la linguistique fonctionnelle (Martinet, Mounin) ; la
linguistique distributionnelle (Bloomfield) ; la praxématique
(Lafont) ; la grammaire générative transformationnelle ou non (Harris,
Chomsky, Jackendoff, Milner), la grammaire cognitive (Langacker, Lakoff, Talmy) ;
la grammaire textuelle (littéraire ou non) : la grammaire énonciative
(Benveniste, Culioli), la grammaire interprétative (Rastier), la grammaire
discursive (Weinrich, Genette), la grammaire sémio-narrative (Greimas, Courtés)
et la grammaire tensive (Fontanille, Zilberberg) ou proprioceptive (JML).
Le langage se réalise ou se manifeste à travers une multitude de langues naturelles ; le monde des langues, c’est donc d’abord et avant tout les langues ; mais chaque langue a son monde : l’intonation et l’orthographe, la langue parlée et la langue écrite, les idiomes et les usages et les archilangues.
L’intonation
et l’orthographe
La linguistique s’intéresse surtout à la langue parlée, qui se caractérise d’abord par l’intonation, c’est-à-dire par la mélodie comme rythme du rythme. Les quatre indices suprasegmentaux sont :
1°) le fondamental de la voix ou le ton, qui est la hauteur de la mélodie et les variations de la voix de l’énonciateur en fonction de l’énonciataire ;
2°) l’intensité ou le timbre, qui est la gestion du tour de parole par le locuteur : garder ou donner la parole, la prendre ou la passer, la couper ou la laisser ;
3°) la durée ou le débit, qui est l’écart entre le penser et le parler ;
4°) la pause-silence ou l’arrêt, qui est résumé, synthèse, transition entre l’avant et l’après, etc.
Alors que la langue parlée est segmentée par les phonèmes, la langue écrite l’est par les graphèmes : les graphèmes sont aux lettres (minuscules ou majuscules, romaines ou italiques) ce que les phonèmes sont aux sons et ce que le concret est à l’abstrait. Les divers types de graphèmes sont les phonogrammes, où un graphème égale un phonème : ce peut être une lettre simple (avec ou sans signe auxiliaire : accent, tréma, cédille), un digramme ou un trigramme ; les morphogrammes sont les marques morphologiques de la conjugaison ou de la dérivation ; les logogrammes sont des figures de mots qui permettent de distinguer les homophones lexicaux ou grammaticaux ; enfin, les lettres étymologiques sont héritées du latin ou du grec : ce sont des doublets, d’anciennes voyelles nasales ou des lettres à incidence historique.
L’orthographe de la langue française a évidemment beaucoup varié depuis le XVIe siècle et surtout depuis la Révolution, qui a conduit à la normalisation et à la standardisation, la langue écrite jouant le rôle du standard que la langue parlée ne peut jamais jouer.
La
langue parlée et la langue écrite
Les
idiomes et les usages
Les
archilangues
Voir sur ce même site :
Diagrammatique du langage
1.2.1.
1.2.2.
1.2.3.
monde, dont de 700 à 1000 dans la seule
Nouvelle-Guinée ; 1200 d’entre elles sont bien connues et 120 sont encore
mal connues en Amazonie, au Brésil. La plupart des langues vivantes ne sont pas
écrites et il y a des langues mortes qui sont écrites, comme le grec ancien, le
latin et le sanskrit. Des dizaines de milliers de langues naturelles ont été
parlées depuis que l’homme parle : mathématiquement, si l’homme parle
depuis 200 000 années, il y en a eu 500 000 ; si c’est depuis 100 000
années, il y en a eu 130 000, avec un maximum de 12 000 il y a 12 000 années, à
la fin des glaciations. Étant donné le nombre de langues parlées actuellement,
il est impossible que les langues soient apparues il y a seulement 50 ou 60 000
années ; mais c’est depuis ce temps-là qu’elles se sont diversifiées,
surtout après les glaciations et avec les migrations.
Les langues vivantes meurent : c’est le
cas des langues amérindiennes et des langues aborigènes d’Australie ;
pendant que les langues autochtones meurent, d’autres naissent : les créoles, à cause des contacts entre les
langues il y a aussi des langues qui ressuscitent : l’hébreu. Au cours du
XXIe siècle, on prévoit que 70 à 90% des langues vont disparaître, parce que
les enfants n’apprennent plus leur langue maternelle ; peut-être n’en
restera-t-il que deux : l’anglais et le chinois – à moins que l’anglais ne
soit lui-même victime de l’anglicanisation, comme le latin l’a été de la
romanisation…
4% des langues sont parlées en Europe et au
Moyen-Orient ; 15% en Amérique et 81% en Afrique et en Asie. 83% des
langues se pratiquent dans seulement 22 pays ; 25% des langues parlées
sont des langues à ton, comme le chinois. Les langues les plus parlées
sont : le chinois (mandarin), l’anglais, l’hindi, le russe, l’espagnol
(castillan), l’arabe, l’indonésien-malais, le portugais, le bengali, le
français, le japonais et l’allemand. L’anglais est parlé dans au moins 47 pays,
le français dans 22, l’arabe dans 21, l’espagnol dans 19, le portugais dans 7
et l’allemand dans 5. Pour les évolutionnistes enragés, les langues sont comme
des organismes vivants : ce sont des « mèmes » qui se répandent
comme les gènes ; elles sont soumises à la sélection naturelle entre elles
et à l’adaptation ; elles sont en compétition, comme les individus et les
sociétés, et elles se reproduisent, comme les espèces, par les individus.
Le français est une langue
internationale et c’est la langue nationale, seule ou avec d’autres langues, dans 17 pays du
continent africain, à cause de la colonisation. Le français est parlé en
Amérique du Nord (Saint-Pierre et Miquelon, côte ouest de Terre-Neuve, Cap
Breton, Acadie - Nouvelle-Écosse et Nouveau-Brunswick -, Québec, Manitoba,
Louisiane, Haïti et îles environnantes), en Amérique du Sud (Guyane française),
en Europe (France, Belgique, Suisse) et en Afrique du Nord et de lOouest ;
il avait l’habitude de l’être en Asie (Indonésie, Vietnam) ; il y a aussi
des créoles français dans l’Océan Indien. Le français est un adstrat au Canada et en Belgique. Jusqu’en 1919, avec le Traité de
Versailles, le français a été la langue de la diplomatie en Europe ; il
avait remplacé le latin en 1714. Le déclin de la langue française dans le monde
a débuté au XVIIIe siècle ; mais elle est encore une langue officielle à
l’O.N.U., même si elle est, elle aussi, victime de l’anglicisation…
Le français
moderne est parlé et écrit depuis le XVIIe siècle ; Descartes a publié
le premier ouvrage philosophique dans une autre langue que le latin : le Discours de la méthode en 1637. Mais il
y a eu encore beaucoup de changements phonétiques et orthographiques
jusqu’après la Révolution française de 1789. Le moyen français a été parlé et écrit du XIVe au XVIe siècle ;
c’est la même langue, c’est-à-dire qu’on peut le lire sans traduction, même si
le vocabulaire et l’orthographe sont parfois différents. Par contre, l’ancien français, parlé et écrit du IXe
au XIIIe siècle, est une autre langue que le français moderne : on ne peut
pas le lire sans traduction ou sans apprentissage et spécialisation.
Au Moyen-Âge en France, se distinguent les langues d’oïl au nord et les langues d’oc au sud ; au nord,
l’immigration franque et burgonde a provoqué trois siècles de bilinguisme et le
latin a commencé à être incompris entre les années 750-780 ; au sud, il y
a eu l’occupation wisigothe et le latin a été compris jusque vers 800 ou 850.
Les langues d’oïl sont : le picard, la wallon, le normand (ou le
gallo-roman), le champenois, le lorrain, le bourguignon, le franc-comtois, le
poitevin, le tourangeau, le berrichon, le saintongeais et le gallo ; les
langues d’oc sont : l’occitan, le franco-provençal, le languedocien (la
langue des troubadours), le gascon, le béarnais, le guyennais, l’auvergnat, le
limousin et le provençal maritime (nissart) ou alpin. Parmi ces langues gallo-romanes (ou franques),
ressort le francien, soit la langue
d’oïl parlée à l’Île-de-France et en Champagne au IXe siècle : c’est la
langue qui a mené à l’ancien français.
Le français est une langue romane ; les
autres langues romanes sont le
catalan, l’espagnol, l’italien, le portugais, le provençal, le rhéto-roman (ou
le ladin, qui comprend le romanche, le tyrolien et le frioulan), le roumain, le
sarde. Les langues romanes dérivent du latin populaire, le romain ; le latin est une langue italique. Il y a d’autres
langues que romanes parlées en France : l’arabe, l’alsacien, le basque,
le breton, le flamand et le yiddish ; le corse est un dialecte italien et
non français. À cause de l’invasion de la Gaule par les Romains au premier
siècle après J.-C. et à cause de l’invasion du royaume gallo-roman par les
Francs du IIIe au Ve siècle, le français a été influencé par le gaulois (substrat), qui est une langue
celtique, et par le francique (supestrat),
qui est une langue germanique. Les Gaulois étaient sans doute des Celtes venus
de Bohème et de Bavière, où ils s’étaient établis depuis 3000 ans avant J.-C.
Les langues romanes forment une sous-famille
de la famille des langues indo-européennes : l’indo-européen (ou le
proto-indo-européen) est une langue reconstruite et hypothétique ; cette
(proto)langue n’a peut-être jamais été parlée… Les langues indo-européennes
sont parlées par la moitié de l’humanité. En Europe, les langues qui ne sont
pas indo-européennes sont : le basque (caucasien ?), le finlandais,
le lapon, le hongrois (finno-ougrien) et le turc (ouralo-altaïque). En plus des
langues romanes, les langues indo-européennes sont : les langues
indo-iraniennes (comme le sanskrit et le tzigane), les langues baltes (comme le
letton et le lituanien), les langues slaves (comme le russe et le polonais),
l’arménien, l’albanais, les langues helléniques (comme le grec), les langues
italiques (comme le latin), les langues celtiques (comme le gallois ,
l’irlandais et le gaélique), les langues germaniques (comme l’allemand,
l’islandais et l’anglais, qui a un superstrat français pour une grande partie
de son vocabulaire), les langues tokhariennes et hittites (qui sont des langues
éteintes).
Selon certains, les autres familles de
langues sont : les langues chamito-sémitiques (comme l’arabe, l’égyptien,
qui est une langue morte, l’éthiopien et l’hébreu), les langues
ouralo-altaïques (qui est un ensemble contesté, du finnois au japonais), les
langues sino-tibétaines (qui est un ensemble aussi contesté, du chinois au
cambodgien), les langues d’Océanie, les langues caucasiennes, les langues
négro-africaines, les langues bantoues, les langues khoïn et les langues
amérindiennes. Pour d’autres, plus radicaux, comme Greenberg et Ruhlen, qui
s’appuient aussi sur la génétique des populations (Cavalli-Sforza, Langaney),
les langues du monde peuvent être regroupées dans les familles suivantes :
les langues eurasiatiques (dont les langues indo-européennes), les langues
déné-caucasiennes, les langues amérindiennes, les langues indo-pacifiques, les
langues australiennes, les langues austriques, les langues afro-asiatiques
(dont les langues chamito-sémitiques), les langues nigéro-kordofanniennes (dont
les langues bantoues), les langues nilo-sahariennes et les langues khoïn (qui
sont des langues à clicks). Il y en a qui vont jusqu’à grouper les langues
indo-européennes et les langues afro-asiatiques dans un regroupement dit
« nostratique »…
L’homme « commence » quand il
« commence » à parler : l’origine du langage est l’origine de
l’homme. Mais l’origine n’est pas le commencement, car il n’y a pas d’absolu
commencement ou de commencement absolu, même pas le Big Bang ! Il n’y a
pas d’origine de l’origine, car l’origine est déjà itération, répétition ou
éternel retour ; l’origine est l’apparition,
l’émergence ou l’engendrement : l’origine, c’est la naissance, mais la naissance n’est pas l’origine…
Pour parler de l’origine du langage et donc
de l’homme, il est nécessaire de définir ce qu’est une espèce. Dans la classification du vivant par la biologie (botanique et zoologie), l’on distingue le règne végétal et le règne animal et,
dans le règne animal, l’embranchement des
invertébrés ; après l’embranchement, viennent : la classe des mammifères, l’ordre des primates, le sous-ordre des simiens, la superfamille des Hominoïdes, la famille des Hominidés, la sous-famille des Homininés, le genre Homo et l’espèce sapiens. En génétique, la hiérarchie est inversée :
gènes ® organismes vivants ® populations locales ® espèces (ou lignages), etc. Selon
Tattersall, une espèce est « l’entité de base du monde vivant » et
elle ne se définit pas par l’anatomie, la morphologie, la physiologie ; la
« caractéristique la plus fondamentale des espèces est leur cohésion
reproductive », c’est-à-dire l’interfécondité
entre les organismes individuels d’une espèce et l’incompatibilité reproductive avec les autres espèces ; cette
incompatibilité, cette « barrière reproductive », est la limite entre
les espèces, si on laisse de côté le problème de l’hybridation, l’hybride étant
généralement stérile…
Mais l’interfécondité est sans doute l’effet et non la cause de la spéciation ; il importe alors de se
demander quand il y a eu spéciation, apparition de l’espèce humaine ; or,
si l’origine du langage est l’origine de l’homme, la question est
celle-ci : quelle est l’origine du langage ? Jusqu’au XIXe siècle, on
a beaucoup parlé de l’origine du langage ; puis on a arrêté de le faire à
cause d’un interdit de la Société de Linguistique de Paris ; maintenant,
on en parle de plus en plus, parfois dans la confusion du langage et de la
langue.
Les six
principales (hypo)thèses au sujet de l’origine du langage sont les
suivantes :
1°) Il s’agit d’une mutation (Chomsky, Bickerton) conduisant à la descente du larynx
et à la réorganisation du cerveau qui rend possible un système de
représentation secondaire ; il y a donc un véritable organe du langage. L’hypothèse a le mérite de définir le langage
comme représentation plutôt que comme
communication ou transmission
d’information ; cependant, elle ne nous indique en rien quand il y a eu
spéciation : avec Homo habilis (comme
selon Tobias) ? avec Homo erectus
(comme selon Coppens) ? avec Homo
Neanderthalensis et/ou Homo
sapiens ? En outre, les mutations sont rarement fertiles à court
terme, même si elles ne sont pas rares pour le génome.
2°) Il s’agit tout simplement d’une adaptation du comportement humain à
l’environnement sous la poussée ou la pression de la sélection naturelle :
le langage est donc un instinct (Pinker).
C’est l’hypothèse de la théorie néo-darwinienne ou synthétique de l’évolution,
pour laquelle théorie l’évolution est continue, graduelle et très lente, de la
bipédie au langage en passant par un gros cerveau. Cette deuxième hypothèse est
incompatible avec la première.
3°) Le langage est une institution, c’est-à-dire une invention
ou une innovation de l’homme sous l’action de « l’intelligence
sociale », qui est un ensemble de rapports sociaux : chasse, partage
de la nourriture, toilettage, sexualité, prise en charge des enfants, division
sexuelle du travail, augmentation de la population et altruisme (génétique ou
cognitif), qui mènent au dialogue et au commérage (Dunbar). Les préoccupations
sociales, politiques ou idéologiques (socialisme, libéralisme, féminisme)
viennent alors teinter le néo-darwinisme. Un même mécanisme (un gros cerveau et un petit appareil digestif) conduit à
une nouvelle fonction (la rapidité et
l’efficacité de la communication et la cohésion sociale par la transmission de
l’information dans des groupes humains de plus en plus grands pour contrer les
prédateurs) ; c’est donc l’homme qui est (à) l’origine du langage. Mais il
faut se demander comment « l’intelligence sociale » serait possible
sans le langage et si elle ne le présuppose pas, comme l’embrayage (de
« je » à « nous ») présuppose le débrayage chez l’homme.
Pour la deuxième et la troisième hypothèses, le but du langage n’est jamais que
la communication : le langage n’est qu’un moyen en vue d’une fin. Les deux
ne règlent pas non plus le problème du moment de la spéciation.
4°) Ceux qui s’éloignent de la théorie
synthétique de l’évolution (Gould, Tattersall) pensent que l’évolution peut
parfois être discontinue, saccadée et rapide : l’évolution est ponctuation ; si l’ évolution
n’était que l’adaptation, le risque d’extinction serait trop grand. Le langage
n’est pas alors une adaptation, soit
l’ensemble des traits retenus par la sélection naturelle en fonction de la
survie : survit ce qui s’adapte ; il est une aptation, soit l’ensemble des caractères utiles aux organismes, et
une exaptation, soit l’ensemble des
traits apparus dans un contexte (fonctionnement ou mécanisme) mais qui, par
aptation, servent à un autre usage (fonction). Ainsi, par exemple, les plumes
des oiseaux étaient une adaptation de la chaleur du corps à
l’environnement ; mais, par une aptation, elles ont favorisé l’acquisition
de l’aile dans la mécanique du vol. Il y a alors continuité dans le
fonctionnement ou le mécanisme (inné), mais discontinuité dans la fonction
(acquise). Le langage est alors conçu à la fois comme représentation et comme
signification : comme grammaire. Cette quatrième hypothèse n’est sans
doute pas incompatible avec les autres, mais elle ne répond pas non plus à la
même question de la spéciation.
5°) Le langage se définit d’abord et
avant tout comme fonction ou par sa
« fonction biologique » (Dessalles) ; il a connu trois stades
dans son évolution : le prélangage
des « pré-humains », où il y a des signaux et des gestes, ainsi que
des scènes dont la saillance est immédiate ; le protolangage des « proto-humains » (Homo erectus), où il y a une phonologie et une
« protosémantique », mais pas encore de morphologie et de syntaxe, et
où il y a des combinaisons d’images et des scènes ou des situations dont la
saillance est absente ; le langage
proprement dit des humains (Homo sapiens),
avec sa grammaire et sa « segmentation thématique » et avec sa
pertinence lui permettant de régler des « conflits cognitifs » et
d’éliminer le mensonge et la tromperie des « tricheurs » par
l’information et l’argumentation qui sont propices à l’organisation sociale ou
politique, pragmatique ou éthologique, des coalitions. Cette cinquième
hypothèse emprunte aux trois précédentes ou elle les synthétise ; elle a
le mérite d’insister sur la saillance
des scènes comme source d’information et d’argumentation, mais elle ignore la prégnance de la description et de la
narration, c’est-à-dire du récit ou de la « fonction narrative »,
avant et jusque qu’à l’information et l’argumentation. Contrairement à Dortier,
Dessalles ne présuppose pas que l’intelligence ou un « machine à idées »
précède le langage ; il a cependant beaucoup de difficultés à situer l’émergence de la parole – de la
conversation, sur laquelle il insiste beaucoup et avec raison - et donc du
langage articulé et il ne s’interroge aucunement sur le cas de l’Homme de
Néandertal. En attribuant une origine
politique (le pouvoir, le prestige, la coalition) au « langage
humain », il rejoint Aristote : « Homo politicus » plutôt
qu’ « Homo loquens »…
6°) L’origine du langage est
irréparable et elle est inséparable de la fondation
de la paternité, de la « présomption de paternité » ou de la
(re)connaissance de la paternité comme telle et telle quelle (de l’accouplement
à l’accouchement, du coït à la fécondation), qui fait que le langage est récit (mythique, historique, psychique).
La science elle-même a ignoré le rôle du sperme jusqu’au XIXe siècle ! Il
y a une « centre narratif de gravité » de la spéciation de l’homme,
il y a environ 150 000 années en Afrique, qui a conduit à une « explosion
créatrice » il y a 50 000 années en Europe à la suite d’un
« goulot d’étranglement » il y a 100 000 années au Proche-Orient
[voir infra : III. LE MONDE / LA PSYCHANALYSE / LA MÉTABIOLOGIE]!
Les
langues naturelles sont des idiomes.
C’est ainsi que l’on peut se demander
si l’origine des langues comme idiomes – et non de la langue comme forme – est gestuelle et donc visible ou si elle est vocale
et donc auditive. Pour Condillac,
Dunbar et Gibson, c’est le premier cas : le geste a mené au parler par le
regard – le regard de l’espace et l’espace du regard. Pour Rousseau (mais
encore proche de Condillac), Herder et Cassirer, c’est le deuxième cas :
le parler imite le chant ou le cri des autres animaux et plus particulièrement
des oiseaux ; elle est d’abord un cri, une interjection, une exclamation :
voix – voix du temps et temps de la voix. Pour Donald et Knight (suivi par
Dessalles dans la « naturalisation » du langage), c’est un mélange ou
un mixte des deux : il y a une « protoculture prélinguistique »
(mimétique), qui est faite de gestes, de danses et de chants et qui a mené à la
langue et à la culture (d’abord épisodique, puis mythique et enfin théorique).
Cela veut dire que l’origine du langage et des langues est irréductible au
volume du cerveau (latéralisation et localisation ou céphalisation,
encéphalisation, cérébralisation et corticalisation) et qu’elle implique tout
le corps : la respiration, l’oreille interne, le larynx et
l’équilibre ; en même temps, la bipédie implique la perte de la
sensibilité de l’odorat (devenu réfractaire à l’infect et à l’infeste), qui est
le sens central chez les mammifères, au profit de la vue et de l’ouïe, du geste
et de la parole : des « chaînes opératoires » du geste et des
« gestes articulatoires » de la parole…
Pour la naissance et l’évolution de la
langue comme idiome, il semble y avoir trois scénarios possibles :
1°) L’origine est unique : une protolangue se développe en langue et elle entre
en contact avec d’autres protolangues qu’elle assimile ou colonise, mais qui
peuvent elles-mêmes l’influencer au niveau du vocabulaire (substrat) ; il
y a alors colonisation ou substitution : acculturation.
2°) L’origine est multiple : chaque protolangue se transforme en langue
d’elle-même et il y a alors divergence ou convergence entre les langues
régionales ou locales après.
3°) L’origine est unique mais répétitive : une protolangue se transforme en
langue et elle entre en contact avec d’autres protolangues qui se transforment
à leur tour en langues, langues qui peuvent à la limite réduire la langue première ou
originaire à un superstrat (adoptant la langue seconde) ; c’est le
processus qui conduit à la diversification linguistique depuis environ 20 000
ou 15 000 années, mais surtout depuis la fin des glaciations il y a 12 000 ans.
La protolangue, ou le protolangage selon
Bickerton, correspond à la communication apprise d’un chimpanzé, au pidgin, à
une langue seconde au début de son acquisition et encore mal maîtrisée et au parler
d’un enfant de moins de deux ans, c’est-à-dire avant la descente du larynx à
l’époque du sevrage et du dressage, un nouveau-né ayant la glotte à la même
position à la naissance qu’un chimpanzé ; mais chez ce dernier, elle ne
descendra jamais…
Avant la protolangue, il ne peut y avoir que
des interjections : des cris involontaires (de douleur ou de
plaisir) ou volontaires (d’appel ou d’avertissement, comme chez le vervet) ou
des onomatopées motivées (dans l’imitation des bruits, des sons, des cris, des
chants des animaux) ou arbitraires, conventionnelles et variables d’une
(proto)langue à l’autre (comme le chant du coq). Avec la protolangue, viennent
les noms propres, qui sont des
non-concepts, et les symboles qui ont
une sémantique minimale, une « protosémantique », mais pas de syntaxe
structurée, une syntaxe phonologique ou lexicale ?
Avec la (proto)langue,
surviennent les particules de la parole,
celles qui sont des pré-concepts ou des schèmes de la personne, de l’espace et
du temps ou du corps. Avec la langue, adviennent d’autres parties du discours comme les noms
communs (substantifs) et les adjectifs
(qualificatifs), qui sont des concepts, des lexèmes. Mais la langue parvient à
elle-même par les verbes ou ce qui en
tient lieu ; le verbe est une sorte de saut plutôt que de transition – il
n’y a pas (eu) d’interlangue ou d’interlangage selon Bickerton -, une sorte de
catastrophe (au sens de Thom) : dans le « lacet de prédation »
(où le prédateur est la proie), le
verbe est prédicat et (in)transitivité, valence et actance ; de là, toute
l’importance des auxiliaires ou des morphèmes de conjugaison et des
semi-auxiliaires ou des verbes de modalité, ainsi que des pro-verbes (faire,
aller et venir) et des verbes irréguliers (qui sont sans doute plus anciens que
les verbes réguliers), dans l’apprentissage d’une langue comme le français ou l’anglais.
Dans la langue comme forme – et comme
théorie : la plus puissante des théories -, la grammaire prend le dessus
sur le vocabulaire et les morphèmes (conjugaison et dérivation) sur les
lexèmes ; les parties du discours s’allient aux catégories de la langue ou
elles sont (re)liées par les particules de la parole, surtout celles qui sont
des « noms propres de discours » (déictiques et phatèmes) ou des
joncteurs. De toute façon, que cela se soit développé ainsi dans la phylogenèse
ou non, il semble bien que ce soit l’évolution de la langue dans
l’ontogenèse : dans l’acquisition de la langue maternelle par l’enfant ou
dans l’apprentissage et la spécialisation d’une langue seconde par l’adolescent
ou le jeune adulte - tout au moins pour une langue comme le français !
Il y a d’autres modes de communication que
le langage (articulé) ou d’autres langages (gestuel, pictural, musical,
cinématographique, etc.) ; le langage n’est pas que la langue (verbale),
c’est-à-dire qu’il n’est pas que représentation (primaire et secondaire) mais
aussi affect. Le corps est le langage de (par) l’animalité et l’âme est l’animalité du (pour le) langage ; la parole (ou la voix comme récit et
rythme) est l’oralité du (pour le) langage et le parler est l’oralité du (par le) langage. L’âme fait partie du
corps, comme le parler de la parole. L’âme est le canal primaire ou
originaire : elle est le sens des organes ; les organes des sens sont
des canaux secondaires, l’odorat devenant un canal tertiaire (à cause de la
bipédie et de l’interdit de l’infeste ou du tabou du sang) […]
Comme il y a triple articulation du sens (de
la vie) et triple articulation du langage, il y a triple articulation du corps.
À partir de Maine de Biran et de Michel Henry, il est possible de distinguer trois corps :
1) le corps organique (l’organisme
de l’incorporation) du sujet pragmatique de la perception externe, du sujet
extéroceptif des sens externes ; c’est le corps imaginaire du locuteur, le
corps du contact (brut ou
brutal) ;
2) le corps organisateur (l'organisation de la
« corporation ») du sujet
cognitif de l'observation et de la perception interne, du sujet
intéroceptif du sens interne ; c'est le corps symbolique de
l'observateur, le corps du regard (introspectif, mais à
distance) ;
3) le corps originaire (l’incarnation) du sujet thymique de
l’énonciation, du sujet proprioceptif du sens intime ; c’est le corps réel
de l’énonciateur (et du co-énonciateur), le corps de la voix et du tact.
Alors que le corps organique et le
corps organisateur sont objectifs ou transcendants, le corps originaire
est
subjectif ou immanent (transcendantal) ; le corps originaire est au corps
organique et au corps organisateur ce que le sens des organes est aux organes des
sens. C’est le corps originaire qui est donc l’origine simultanée des deux
autres et qui fait du (triple) corps le « corps propre », par le
« schéma corporel » et l’ « image du corps », de la chair au
cerveau (ou à l’esprit) en passant par le cœur :
corps originaire
incorporation –----
« corporation »
incarnation
sens externes ----– sens interne
sens intime
contact ----– regard
voix/tact
extéroceptivité ----– intéroceptivité
proprioceptivité
sujet pragmatique ----– sujet cognitif
sujet thymique
[À rapprocher des autres « triplés », « triplets » ou « tripartis » de l’introduction, de la section suivante et de la conclusion].
Le corps s’incarne dans le langage et le
langage s’incorpore dans le (triple) corps. Le langage du corps est la gestualité (kinésique ou kinesthésique),
qui a à voir avec la musculature et l’équilibre (l’oreille interne et le tact)
et qui comprend la gestuelle, la gesticulation, les gestes, les mimiques, les
postures, la marche ou la démarche, la danse, la natation, l’athlétisme,
l’acrobatie, le contorsionnisme, etc. Le langage du corps est aussi la théâtralité (vocale sans être verbale,
prosodique), du silence au cri, de la mélodie à l’harmonie, du rythme au jeu,
de l’humour à l’ironie, de la séduction au mensonge, du théâtralisme à
l’hystérie. Il implique en outre la territorialité
(proxémique et praxémique), de l’espace corporel à l’espace territorial, et
enfin la sexualité. Non seulement le
langage est-il du corps, dans le
langage du corps, mais il a du corps
(du tonus), dans le corps du langage, c’est-à-dire dans le corps parlé :
proverbes, dictons, jurons, expressions idiomatiques, sentiments, émotions,
passions, symboles et métaphores des organes sexuels, langue dite vulgaire…
Pendant longtemps – même encore chez le
premier des grands biologistes qu’était Aristote -, on a cru que le cœur était le
« cerveau » du corps, avant de savoir que le cerveau est le
« cœur du système nerveux. Même si lesseul cerveau n’est pas
l’origine du langage, on ne saurait sous-estimer le rôle de la localisation
cérébrale et de la latéralisation du cerveau en rapport avec l'oreille et l'oeil, avec la main et avec les membres
et
le reste du corps. L’hémisphère
gauche du cerveau est l’hémisphère
du traitement de la grammaire : phonèmes, monèmes et règles syntaxiques,
pour 99% des droitiers et pour les deux tiers des gauchers ; les deux tiers
des gauchers sont des hommes et, proportionnellement, il y a plus de gauchers
chez les mathématiciens, les musiciens, les architectes et les athlètes. Dans
l’étude des troubles de langage, on a identifié l’aire de Broca et l’aire de
Wernicke. L’aire de Broca est l’aire
de l’émission ou de la production ; elle pense les mots mais ne les dit
pas, ne les entend pas et ne les voit pas. L'aire de Wernicke est l’aire
de
la réception ou de la
compréhension; elle est donc liée à l'oreille interne, au tact et à l'équilibre.
Il y a moins de troubles de langage chez les
femmes que chez les hommes ; elles sont moins victimes de l’aphasie, du
bégaiement et de la dyslexie : il est rare qu’une femme bégaie et il
arrive souvent qu’un gaucher contrarié ou converti en droitier éprouve des
problèmes de dyslexie. Il y a quatre principaux types d’aphasie (due à une lésion ou non) :
1°) l’aphasie de Broca ou l’aphasie efférente (motrice), où les phrases
sont incomplètes, les intonations variables et le parler haché ; c’est le
trouble de la production ou de l’encodage et de la contiguïté ; cette
aphasie s’oppose à la grammaire et à la traduction des phrases, ainsi qu’au
déplacement, à la métonymie, à la définition des morphèmes, aux suffixes, au
prédicat, au syntagme et au contexte ou à l’ensemble de ce qui apparaît en
dernier dans l’acquisition de la langue ; l’aphasie de Broca est le
trouble de la sympathie ou de la contagion;
2°) l’aphasie de Wernicke ou l’aphasie sensorielle, où les paroles sont
fluides mais insensées ; c’est le trouble de la compréhension ou du
décodage et de la similarité ; cette aphasie s’oppose au vocabulaire et à
la traduction des mots, ainsi qu’à la condensation, à la métaphore, à la
dénomination des lexèmes, aux racines (radicaux ou étymons), au paradigme, à la
base, au sujet et au code ou à l’ensemble de ce qui apparaît en premier dans
l’acquisition de la langue ; l’aphasie de Wernicke est le trouble de
l’homéopathie et de l’imitation ;
3°) l’aphasie amnésique, où manquent les mots et où les expressions sont
insensées ;
4°) l’aphasie globale, où tout est affecté.
D’après Lichtheim et en distinguant le
« centre moteur », le « centre auditif » et le
« centre conceptuel », Segui et Ferrand distinguent :
« aphasie de conduction », « aphasie motrice transcordicale »,
« aphasie motrice subcorticale », « aphasie
sensorielle transcorticale » et « aphasie sensorielle
subcorticale », en plus des aphasies de Broca et de Wernicke ; de
même, en arrivent-ils à envisager deux « lexiques phonologiques »
distincts ou séparés : un « lexique de production » et un
« lexique de compréhension », le premier étant deux fois plus
restreint que le second [cf. Leçons de
parole, p. 49-69, surtout p. 52-57 ; p. 222-3]…
Mais le cerveau n’est pas un ordinateur ; c’est un organe très plastique - surtout chez les gauchers, dont le cerveau a une plus grande capacité de récupération après une lésion – où chaque fonction occupe plusieurs centres ou zones : une même lésion cérébrale résulte en un trouble différent, un même trouble résulte d’une lésion différente ; il y a des lésions sans troubles et des troubles sans lésions. Ce n’est pas seulement le cerveau qui pense mais tout le corps : le cerveau n’est pas central mais plastique, la « plasticité » étant ce qui le caractérise, le délocalise et le déterritorialise [cf. Malabou]. Le cerveau n’est pas plus un (co)ordonnateur qu’un ordinateur ; ce n’est pas un organe ou une machine de commandement ou de contrôle. Le cerveau est la « carte » ou le « réseau » du langage ; ce n’est pas le langage. Un gros cerveau réorganisé est nécessaire pour parler, mais il est insuffisant ; il faut un environnement adéquat, une organisation sexuelle, culturelle et sociale qui le permette : un enfant sans contact avec une langue naturelle ne parlera jamais ; il n’aura pas de langue maternelle !
Par ailleurs, les femmes ont une plus grande
capacité de parler et d’apprendre les langues que les hommes ; elles rient
et sourient aussi davantage que les hommes : c’est ce que l’on ne manque
pas d’exploiter dans la publicité (qui est « la science du sourire »,
selon Voyer), le marketing et la commercialisation. Selon les enquêtes de
Dunbar, le partisan du langage comme institution, les femmes parlent deux fois
plus que les hommes, mais elles parlent deux fois moins d’elles-mêmes et deux
fois plus des autres que les hommes - dont elles parlent aussi beaucoup dans le
commérage. C’est-à-dire qu’elles sont davantage dans le débrayage et c’est ce
qu’il faut pour apprendre une autre langue que la langue maternelle ; les hommes
sont davantage dans l’embrayage – de là, leur vantardise…
Les troubles de langage sont d’abord et
avant tout des troubles de débrayage [voir « L’analyse du langage »].
JML/16 février 2004