L’ANALYSE DU LANGAGE

 

La triple articulation du langage

 

        On a l’habitude, depuis la linguistique fonctionnelle de Martinet, de parler de la double articulation du langage, la première articulation étant celle des monèmes de la communication et la deuxième, celle des phonèmes de la signification ; c’est la deuxième qui détermine la première. Il s’avère cependant, selon l’intuition de la linguistique énonciative de Benveniste et de Culioli, qu’il y a une troisième articulation du langage : le rythme et donc l’énonciation ; en fait et en dernière instance, c’est l’énonciation qui est la première articulation qui (sur)détermine les deux autres. Ce qui est continu (ou suprasegmental) dans le langage, c’est l’énonciation et la communication ; ce qui est discontinu (ou segmental), c’est la signification.

 

L’ÉNONCIATION

 

        Selon la (pra)grammatique, la situation de l’énonciation se distingue du site de l’énoncé, qu’elle inclut cependant. La situation peut être énoncée (ou explicite) ou présupposée (ou implicite) ; l’énonciation (énoncée ou présupposée) est la deixis : la personne (du je), l’espace (d’ici), le temps (de maintenant) et le rapport entre les trois, qui en est la ponctuation (le « il y a lieu » ou « il en est ainsi »). La personne est l’affaire de l’identité et de la différence ou de l’identification ; l’espace est le problème du territoire (ou de la racine) ; le temps est la question du terroir (ou de l’origine) ; la ponctuation (ou la vitesse) est l’énigme de la destinée (ou de la destination).

 

        C’est l’énonciation, par la parole, qui assure le caractère fondamental ou radical et fondateur du langage. Les opérations capitales ou cardinales de l’énonciation sont le brayage (linguistique) et le repérage (grammatical). L’opération du brayage linguistique conduit au mécanisme de l’encodage (émission ou production) ; l’opération du repérage grammatical conduit au mécanisme du décodage (réception ou compréhension). Dans le repérage grammatical, le texte repéré est une question (dans le site de l’énoncé) et le cotexte repère (ou le point de repère) est la réponse (dans le site de l’énoncé ou dans la situation de l’énonciation).

 

        Les deux procédures générales ou principales du brayage linguistique sont l’embrayage et le débrayage. Il y a embrayage en direction de l’homme, de l’homme du monde, ou du moi : de la situation de l’énonciation ; il y a débrayage en direction du monde, du monde de l’homme, ou du soi : du site de l’énoncé. L’embrayage et le débrayage peuvent être actantiels, spatiaux ou temporels. L’embrayage actantiel (EA) concerne les deux premières personnes ; l’embrayage spatial (ES) concerne l’espace d’ici ; l’embrayage temporel (ET) concerne le temps de maintenant. Le débrayage actantiel (DA) concerne la troisième personne (et donc les noms) ; le débrayage spatial (DS) concerne l’espace d’ailleurs ; le débrayage temporel (DT) concerne le temps d’alors.

 

        Les marqueurs sont les marques ou les traces (des procédures et des mécanismes) des opérations ; les marqueurs sont des grammèmes. Les marqueurs de l’embrayage sont des embrayeurs, qui peuvent être des phatèmes ou des déictiques ; les marqueurs du débrayage sont des débrayeurs, qui sont des anaphores. Les phatèmes (ph) sont des apostrophes ou des interpellations, des injures ou des insultes, des jurons ou des sacres, des blasphèmes ou des appuis du discours (hésitations), des onomatopées ou d’autres interjections. Les déictiques sont les déterminants et les pronoms des deux premières personnes et certains adverbes d’espace ou de temps. Les anaphores sont les déterminants et les pronoms de la troisième personne, certains adjoncteurs d’espace et certains adverbes d’espace ou de temps. Se distinguent alors le déictique actantiel (da), le déictique spatial (ds) et le déictique temporel (dt) de l’anaphore actantielle (aa), de l’anaphore spatiale (as) et de l’anaphore temporelle (at) :

da ® EA

ds ® ES

dt ® ET

aa ® DA

as ® DS

at ® DT

 

        Voici six règles de l’embrayage et du débrayage :

1°) Sauf ‘’à gauche de’’ et ‘’à droite de’’ (qui s’inversent selon le locuteur, comme dans un miroir), les adjoncteurs ne varient pas selon la situation ; ce sont donc des anaphores d’espace ; l’horizontalité de la droite et de la gauche est déictique, la verticalité de la hauteur est anaphorique et la profondeur de l’avant et de l’arrière est déictique ou anaphorique.

2°) À chaque fois qu’il y a un verbe de mouvement, il y a un embrayage spatial ou un débrayage spatial, en tenant compte de l’actant et du temps.

3°) À chaque fois qu’il y a un verbe (conjugué), il y a un embrayage temporel (au présent) ou un débrayage temporel (au non-présent).

4°) À chaque fois qu’il y a un nom et que ce n’est pas un phatème, il y a un débrayage actantiel.

5°) À chaque fois qu’il y a un changement de temps du verbe, il y a embrayage ou débrayage temporel.

6°) Un espace ne peut être un actant que s’il est sujet, objet ou partenaire ; sinon, c’est un circonstant.

 

        Au cinéma, il y a embrayage vers les acteurs de l’avant-plan et débrayage vers le décor ou le paysage de l’arrière-plan. L'embrayage rapproche le spectateur des acteurs, tandis que le débrayage l’en éloigne ; c’est-à-dire que l’embrayage a un effet de rapprochement, d’intimité, de commentaire et que le débrayage a un effet d’éloignement, de distance, de documentaire. En d’autres mots, l’embrayage favorise la conjonction ou la dénégation de l’énoncé et le débrayage, la disjonction ou la dénégation de l’énonciation. Alors qu’un rêve ou un monologue (intérieur ou extérieur) est un embrayage (à la première personne) et que les dialogues sont des embrayages internes (à la première et à la deuxième personnes), une « voix off » qui raconte une histoire, que ce soit sa propre histoire ou non, est un débrayage. Ainsi la description éloigne et le dialogue rapproche ; la narration dans les dialogues rapproche et éloigne. L’atmosphère (ambiance, lumière, pénombre, ombre, filtre ou trame, flou) peut éloigner ou rapprocher ; généralement, la lumière rapproche et l’obscurité éloigne ou empêche de rapprocher…

 

L’animal débrayé

 

        L’homme est l’animal débrayé, dans la phylogenèse et dans l’ontogenèse, surtout par le temps ou le débrayage temporel. C’est ainsi qu’il y a décroissance de l’embrayage de l’insecte à l’homme et de l’enfant à l’adulte. Les insectes sociaux (abeilles, fourmis, guêpes, termites) sont sur-programmés ; les animaux sauvages (de la forêt ou de la jungle), mais encore plus que les animaux domestiques (du zoo, du cirque, de la ferme ou de la maison), sont programmés ; les primates, surtout l’homme, sont sous-programmés. Le sur-programme implique une sous-mémoire et le sous-programme, une sur-mémoire ; le langage est une telle (sur-)mémoire.

 

      Le petit de l’homme naît programmé. Il est aux prises avec l’être, le moi et la situation qui l’amène à s’agripper, à s’accrocher au sein de sa mère ; lentement, par le regard et par la voix (la sienne et celle de sa mère), il passe à l’avoir, au monde et au site : il rampe, se traîne et cherche (à marcher, à posséder, à lancer) et c’est à force de mâcher, de mordre et de babiller ou de gazouiller qu’il parle ; il peut pointer du doigt (colophon). Il y a donc débrayage du sujet à l’objet, en même temps qu’il y a descente du laryn et sevragex, amélioration de la vue et de l’ouïe et spécialisation du cerveau. C’est ainsi que les troubles de langage (bégaiement clonique ou tonique, dysphasie, dyslexie, mutisme, surdité) sont des troubles de débrayage, comme l’autisme, le narcissisme et la psychose.

 

LA SIGNIFICATION

 

Les plans de la signification

 

        La signification est l’articulation de la langue et du discours, de la compétence et de la performance, de la puissance et de l’effet, du code et du message, du schéma et de l’usage ou du système et du procès. La langue est une double forme ; c’est-à-dire que la signification est stratifiée ou hiérarchisée, de la profondeur à la surface, et qu’elle est structurée en plans, chacun des deux plans comprenant une substance et une forme, qui sont des caractérisantes, et comportant divers niveaux ou composantes. Le plan de l’expression comprend la substance de l’expression et la forme de l’expression ; le plan du contenu comprend la forme du contenu et la substance du contenu.

 

        La substance de l’expression est l’instance de la sensibilité ; la forme de l’expression et la forme du contenu sont les instances de l’entendement (et de la raison) ; la substance du contenu est l’instance de l’imagination. Ce qui intéresse surtout la linguistique, c’est la forme ou la manière et non la substance ou la matière, c’est-à-dire l’informe ; c’est donc la distinction de la forme et de la substance qui prévaut sur la distinction (du plan) de l’expression et (du plan) du contenu, car il y a identité des deux formes, isomorphisme, mais non-conformité des deux plans. Par contre, il n’y a pas de forme sans imagination, sans la force de l’imagination ; imagination sans laquelle la manière ne peut affecter la matière.

 

        Le plan de l’expression est le plan de la manifestation, de la présence (le présent étant actantiel, spatial et temporel) ou de la transcendance ; le plan du contenu est le plan de « l’essence de la manifestation » [Henry], de la latence ou de l’immanence. La forme du contenu est à la forme de l’expression ce que la manie (manipulation, maniement, manoeuvre, main-d’œuvre) est au matériel ; la substance du contenu est à la substance de l’expression ce que la main est au matériau

 
Le plan de l’expression

Le plan du contenu

Voir sur ce même site :

Diagrammatique du langage

1.1.2.1.

1.1.2.2.

 

        Au niveau de la grammaire du texte, c’est-à-dire de la macro-syntaxe et de la macro-sémantique, où il y a aussi non-conformité du plan de l’expression et du plan du contenu et isomorphisme (de la forme) de l’expression et (de la forme) du contenu, la forme de l’expression comprend la sémantique discursive et la syntaxe discursive, tandis que le forme de l’expression comprend la syntaxe narrative (ou sémio-narrative) et la sémantique narrative (ou sémio-narrative). Alors que l’esprit est forme, le corps (dont le cerveau) est substance :

FORME

Sémantique

discursive

Syntaxe            Syntaxe

discursive            narrative

Sémantique

narrative

ESPRIT

­

CORPS

Cœur

Peau            Chair

Âme

SUBSTANCE

 

Le vocabulaire

Voir sur ce même site :

Diagrammatique du langage

2.1.

 

La dérivation et l’intégration lexicale

 

        Il y a acquisition et amélioration du vocabulaire de la langue-cible par l’immersion, l’écoute et la lecture et par la dérivation morphologique et la dérivation et l’intégration lexicale ; il y a spécialisation du vocabulaire par la combinatoire lexicale (combinaison, construction, suites lexicales libres ou figées, expressions figées ou idiomatiques, périphrases et paraphrases). Mais c’est surtout par la dérivation et l’intégration lexicale qu’il y a organisation ou structuration du lexique. Les deux procédures, qui sont l’équivalent du calcul infinitésimal (différentiel et intégral), sont inverses : la dérivation lexicale (analytique) va du tout à la partie, du général au particulier, des champs sémantiques aux champs lexicaux et des champs lexicaux aux lexèmes ; l’intégration lexicale (synthétique) va de la partie au tout, du particulier au général, des lexèmes aux champs lexicaux et des champs lexicaux aux champs sémantiques.

 

        Il est dans la définition même des lexèmes de se dériver et de s’intégrer. Un champ lexical est une nomenclature, un catalogue ; c’est un champ onomasiologique ou associatif : un paradigme dont le nom est un thème. Les champs lexicaux conduisent à des classements et à des classifications, à la taxinomie et à la terminologie. Un champ sémantique est un domaine d’expérience, dont le nom est une notion, selon les cinq organes des sens et selon l’espace, le temps, le corps et la personne. Les champs sémantiques s’inscrivent dans des formes de vie (familiale, étudiante, syndicale, militaire, politique, culturelle, mondaine, etc.), qui conduisent à des styles de vie (personnel ou confessionnel, professionnel ou intellectuel, sexuel ou caractériel).

 

        La dérivation lexicale des domaines d’expérience peut se faire de manière théorique (abstraite) ou de manière spatiale (concrète), quand le domaine est de l’ordre du sensible, des quatre éléments de la nature aux cinq organes des sens, plus particulièrement sous le balayage du regard. L’intégration lexicale du sensible et de l’intelligible est sous le patronage du principe métonymique et hyponymique de classification : de la sous-unité ou du sous-élément à l’unité ou à l’élément, de l’élément au sous-ensemble, du sous-ensemble au sous-ensemble, des sous-ensembles à l’ensemble, de l’ensemble à l’ensemble, des ensembles au sur-ensemble, du sur-ensemble au sur-ensemble, des sur-ensembles au super-ensemble, du super-ensemble au super-ensemble, des super-ensembles à l’hyper-ensemble – « l’ensemble des ensembles »…

 

La grammaire

 

        La grammaire est au vocabulaire ce que les morphèmes sont aux lexèmes et ce que la conjugaison est à la dérivation. Alors que le vocabulaire est l’axe paradigmatique ou vertical de la langue, la grammaire en est la chaîne syntagmatique ou horizontale. Les lexèmes sont beaucoup plus nombreux que les morphèmes ; mais les morphèmes, plus particulièrement les grammèmes (des jonctions), sont beaucoup plus fréquents.

 

La grammaire, la langue, la linguistique et la sémiotique

        

        La grammaire est à la fois le jet et le projet de l’épilangue (inconsciente), l’objet et le trajet de la langue (préconsciente) et le sujet de la métalangue (consciente) ; elle est donc nature (la langue naturelle), structure (la langue comme forme : système en procès) et culture (la langue comme objet de la linguistique). Se distinguent les grammaires conventionnelles (pratiques) et les grammaires nouvelles (théoriques). La grammaire traditionnelle est prescriptive et la grammaire scolaire est corrective ; ces deux grammaires conventionnelles sont normatives et elles sont issues de la grammaire comparée, qui est synonyme de genèse, et de la philologie, qui est synonyme d’exégèse. La grammaire descriptive et la grammaire explicative sont des grammaires théoriques ; se côtoient la grammaire cognitive (ou générale), la grammaire générative (ou universelle) et la grammaire tensive ou proprioceptive (ou fondamentale). La grammaire qu’il y a entre les oreilles (de l’enseignant) prime ou prévaut sur la grammaire qu’il y a sous les yeux (de l’étudiant)…

 

        La langue est vocabulaire et grammaire ; elle fait donc l’objet de la phonologie, de la morphologie, de la morpho-syntaxe, de la syntaxe et de la sémantique, autrement dit de la grammaire du mot et de la grammaire de la phrase, ainsi que de la lexicologie et de la lexicographie. La sémantique est l’articulation du vocabulaire et de la grammaire, de la signification et de la communication par l’énonciation. Le discours est l’objet de la grammaire du texte ou de la sémiotique : de la macro-syntaxe et de la macro-sémantique. Il y a passage ou transition de la grammaire de la phrase à la grammaire du texte par l’actance et la valence.

 

La grammaire du mot et la grammaire de la phrase

 

La phonologie

La morphologie

Diagrammatique du langage

2.2.1.

2.2.2.

 

La morpho-syntaxe

 

        La morpho-syntaxe est le noyau de la grammaire en ce qu’elle articule les parties morphologiques du discours et les catégories grammaticales de la langue, les lexèmes et les morphèmes. La conjugaison est la cheville ouvrière de la grammaire. Les dix règles de la conjugaison sont les suivantes :

1°) On conjugue toujours de la même manière, verbe après verbe, temps après temps, et dans le même ordre, selon la correspondance ou la solidarité morpho-syntaxique qu’il y a entre les temps et les modes.

2°) On conjugue en colonnes de six lignes = trois personnes X deux nombres (et deux genres dans les temps composés avec l’auxiliaire ’être’).

3°) Les temps de l’indicatif se conjuguent avec un pronom ; les temps de l’impératif sont défectifs et se conjuguent sans pronom (sauf s’il s’agit d’un verbe pronominal) ; les temps du subjonctif se conjuguent avec ‘que’ et un pronom.

4°) Le conditionnel n’est pas un mode mais un temps de l’indicatif ; le conditionnel antérieur 2e forme se conjugue comme le subjonctif plus-que-parfait sans ‘que’.

5°) Il importe de savoir conjuguer les deux auxiliaires 'avoir’ et ‘être’ à tous les temps ; ‘avoir’ se conjugue avec ‘avoir’ et ‘être’ avec ‘avoir’.

6°) Après les auxiliaires, viennent les pro-verbes comme ‘aller’ et ‘venir’, de même que ‘faire’ ; viennent ensuite les semi-auxiliaires ou les verbes de modalité : ‘falloir’ (qui est défectif), ‘devoir’, ‘savoir’, ‘vouloir’, ‘pouvoir’ et ‘croire’.

7°) Pour les temps simples (ou absolus : primaires), dans la conjugaison synthétique, il faut se concentrer sur les verbes du premier groupe (en ‘er’), qui constituent 90% des verbes réguliers en français : c’est la « conjugaison productive »; il est inutile de multiplier les verbes irréguliers du premier groupe : ce sont des verbes particuliers ou singuliers (accent, cédille, voyelle au niveau de la prononciation et de l’orthographe).

8°) Pour les temps composés et surcomposés (ou relatifs : secondaires), dans la conjugaison analytique, il suffit de savoir conjuguer ‘avoir’ et ‘être’ à tous les temps et de connaître le rétro-participe (participe passé) du verbe à conjuguer et la règle de l’accord avec le sujet s’il s’agit de l’auxiliaire ‘être’.

9°) Pour déterminer le choix de l’auxiliaire, il est nécessaire de se rappeler que tous les verbes transitifs (directs ou indirects) se conjuguent avec ‘avoir’ et que tous les verbes pronominaux ou à la voix passive et les verbes monovalents d’existence ou de mouvement se conjuguent avec ‘être’ ; les verbes les plus difficiles à conjuguer sont donc les verbes intransitifs surtout s’ils sont irréguliers ; les verbes irréguliers sont peu nombreux mais très fréquents ; certains verbes, surtout de mouvement, peuvent être transitifs ou intransitifs.

10°) Le verbe ‘être’ est le plus fréquent de tous les verbes, mais ‘avoir’ est le plus fréquent des deux auxiliaires.

 

        À partir de la ressemblance ou de la solidarité morpho-syntaxique, il est possible de procéder à une nouvelle dénomination des temps :

 

Indicatif présent  :   présent simple

Passé composé         :    présent composé

 

Imparfait            :   imparfait simple

Plus-que-parfait      :   imparfait composé 

 

Passé simple (défini) :   parfait simple

Passé antérieur       :   parfait composé

Futur simple          :   futur simple

Futur antérieur       :   futur composé

Conditionnel présent  :   conditionnel simple

Conditionnel passé    :   conditionnel composé

Impératif présent     :   impératif simple

Impératif passé       :   impératif composé

Subjonctif présent    :   subjonctif simple

Subjonctif passé      :   subjonctif composé

Subjonctif imparfait  :   subjonctif imparfait simple

Subjonctif plus-que-parfait : subjonctif imparfait composé

 

        Selon l’aspect (simple ou composé) et selon le mode, il est d’une grande importance didactique de situer ainsi les temps :

 

Infinitif : virtuel

Subjonctif : potentiel

Subjonctif imparfait simple ® subjonctif imparfait composé

Subjonctif simple           ® subjonctif composé

Impératif : actuel

Impératif simple            ® impératif composé

Indicatif : réel

Conditionnel simple         ® conditionnel composé

Futur simple                ® futur composé

Parfait simple              ® parfait composé

Imparfait simple            ® imparfait composé

Présent simple              ® présent composé

 

        En plus de cette solidarité ou parenté secondaire entre les temps simples et les temps composés, il existe une parenté primaire entre les temps simples ou les temps composés :

 

Présent simple     -    futur simple

Futur simple       -    conditionnel simple

Imparfait simple   -    conditionnel simple

Parfait simple     -    subjonctif imparfait simple

Présent composé    -    imparfait composé

Présent composé    -    impératif composé

Présent composé    -    subjonctif composé

Parfait composé    -    imparfait composé

Parfait composé    -    subjonctif imparfait composé

Imparfait composé  -    conditionnel composé

Futur composé      -    présent composé

Futur composé      -    conditionnel composé

Infinitif simple   -    impératif simple

Infinitif simple   -    futur simple

Rétro-infinitif    -    rétro-participe

 

        Les modes des verbes sont inséparables des modes ou des mondes d’existence :

l’infinitif est le mode virtuel du monde infini : c’est le mo(n)de de la disjonction et de la virtualisation ;

le subjonctif est le mode potentiel du monde indéfini : c’est le mo(n)de de la non-disjonction et de la potentialisation ;

l’impératif est le mode actuel du monde définit : c’est le mo(n)de de la non-conjonction et de l’actualisation ;

l’indicatif est le mode réel du monde fini : c’est le mo(n)de de la conjonction et de la réalisation ;

le participe serait, à la croisée des quatre autres,  le mode temporel du monde transfini :

 

INFINITIF       INDICATIF

 

X

 

IMPÉRATIF       SUBJONCTIF

 

La syntaxe

La sémantique

Diagrammatique du langage

2.2.3.

2.2.4.

 

La grammaire du texte

 

        La grammaire du texte comprend la macro-syntaxe et la macro-smémantique ; elle est à la fois discursive (forme de l’expression : syntaxe discursive et sémantique discursive) et narrative ou sémio-narrative (forme du contenu : syntaxe narrative et sémantique narrative). Le discursif est patent ou manifeste et présent ; le narratif est patent et latent, présent ou absent. Le texte peut être verbal ou non verbal, littéraire ou non, narratif ou non, romanesque ou non ; le texte est un corpus : un objet d’étude déterminé par un point de vue. La grammaire du texte est synonyme d’analyse textuelle et de sémiotique du récit.

 

        À la suite de la démarcation du corpus, démarcation qui doit éviter l’extraction et la citation, il y a lieu de procéder à l’analyse du titre du texte, de la titraison, le titre étant le nom propre du texte. Le titre est une annonce, une présomption d’isotopie(s) et/ou d’actant(s) ; c’est pourquoi il importe d’en étudier toutes les facettes : toutes les désignations et toutes les dénotations et les connotations. Le titre est une question dont le texte est la réponse ; il est donc le lieu d’un débrayage énonciatif initial par le scripteur, qui est le premier lecteur, et par le lecteur, qui est le dernier scripteur…

 

        Au tout début du texte, il importe de s’attarder à la narration, à la « narraison » : quel type de narrateur commence le texte ? y en a-t-il plus d’un ? Le narrateur peut être un observateur (passif) et/ou un informateur (actif). Si le narrateur n’est pas présent dans le texte et n’a donc pas de nom propre, c’est un narrateur-conteur ou un « narrateur hétérodiégétique » ; s’il est présent dans le texte mais ne joue pas de rôle dans l’action ou la fiction (la diégèse), c’est un narrateur-raconteur ; s’il est présent et s’il joue un rôle dans l’action, c’est un narrateur-acteur, un « narrateur homodiégétique » (« autodiégétique » ou non). Le narrateur-conteur est débrayé et le narrateur-acteur est embrayé ; le narrateur-raconteur est à la fois embrayé et débrayé. Un deuxième ou un troisième narrateur peut être embrayé ou débrayé ; les dialogues sont des embrayages internes. Si le narrateur s’adresse directement à un lecteur dans le texte, celui-ci est un narrataire. C’est ainsi qu’il faut procéder à la fragmentation du texte, c’est-à-dire au découpage du texte en un récit premier et en un récit second, troisième, etc. C’est par la démarcation, la titraison, la narration et la fragmentation qu’il y a ponctuation de la situation de l’énonciation.

 

La macro-syntaxe

 

La syntaxe discursive

 

        La macro-syntaxe est la syntaxe du récit, du site de l’énoncé ; elle a pour principal objet l’actance. Sa première opération est la discursivisation, qui consiste en l’identification des marqueurs de l’actorialisation, de la spatialisation (localisation et programmation) et de la temporalisation. Les marqueurs de la personne ou des acteurs sont des noms ou des pronoms ; les noms propres des acteurs sont des anthroponymes. Les acteurs peuvent être présents ou absents, individuels, collectifs ou duels, animés (anthropomorphes ou zoomorphes) ou inanimés, mortels ou immortels, humains ou divins (surnaturels, fantastiques, merveilleux) ; c’est là la distribution des acteurs et des rôles, leur générique.

 

        Les marqueurs de la localisation spatiale sont les noms d’espace ou les débrayeurs et les embrayeurs d’espace ; les noms propres d’espace sont des toponymes ; les embrayeurs et les débrayeurs sont des adverbes  ou des adjoncteurs d’espace ; les noms et les verbes de mouvement sont aussi des marqueurs de la localisation et de la programmation spatiale. La programmation spatiale met en scène des espaces ouverts ou fermés, publics ou privés, profanes ou sacrés, aériens ou marins, célestes ou aquatiques, terrestres ou extraterrestres, souterrains ou subaquatiques. S’y situent des espaces partiels : les espaces hétérotopiques (ou environnants), qui sont centrifuges, le centre étant constitué ou institué par l’objet de valeur, et les espaces topiques, qui sont centripètes. Les espaces hétérotopiques éloignent le sujet de l’objet de valeur, mais ils peuvent lui permettre d’acquérir une compétence ; ce peut être des espaces étrangers : voyage, exil, évasion ; il y a alors disjonction du sujet et de l’objet de valeur. Les espaces topiques (paratopiques et utopique) rapprochent le sujet de l’objet de valeur ; dans les espaces paratopiques, il y a performance du sujet, jonctions ou transformations ; ce sont des espaces familiers : c’est l’espace du milieu (selon la triple définition de ce terme)./ L’espace utopique est l’espace central par excellence ; c’est le lieu de la conjonction du sujet et de l’objet de valeur et de la sanction ; ce peut être un espace familial, intime ou étrange (inquiétant, angoissant, ambivalent, paradoxal).

 

        Les marqueurs de la temporalisation sont les noms de temps ou les débrayeurs et les embrayeurs de temps ; les noms propres de temps ou les dates du temps de la fiction sont des chrononymes ; les débrayeurs et les embrayeurs de temps sont des adverbes de temps. Les temps des verbes, c’est-à-dire les temps de la narration, sont aussi des marqueurs de temps, le présent étant embrayé. Il peut aussi y avoir aspectualisation de la personne, de l’espace et du temps en termes de verticalité ou d’horizontalité, d’élévation ou d’abaissement, de contact ou de distance, de proximité ou de contiguïté, etc.

 

        La seconde opération de la macro-syntaxe est la segmentation ou le découpage en séquences, la séquence étant toutefois une unité grammaticale, c’est-à-dire à la fois syntaxique et sémantique. Selon les changements (apparitions, disparitions ou réapparitions) et les transformations des acteurs, de l’espace et du temps et donc selon l’embrayage et le débrayage et selon la topicalisation et la focalisation, il est possible d’identifier trois séquences principales : la séquence initiale, la séquence ou la macro-séquence centrale (qui peut être divisée en quelques micro-séquences) et la séquence finale. Il importe de donner un titre nominal ou verbal à chacune des séquences et des micro-séquences. C’est ainsi qu’il y a passage ou transition de la discursivisation à la narrativisation ou de la syntaxe discursive à la syntaxe narrative.

 

La syntaxe narrative

 

        La séquence initiale est la séquence du défaut ou de la passion, de la dette ou du manque ; la (macro-)séquence centrale est la séquence de la faute ou de l’action, du passage à l’acte et de la marque ; la séquence finale est la séquence de la sanction, de la punition ou de la récompense, du don ou de la dot, de la liquidation du manque. La punition collective est la justice ; la punition individuelle est la vengeance. Là est le schéma narratif canonique ou la quête du sujet : les trois épreuves ou l’épreuve de la peine, du chagrin au châtiment, à la sentence ou la récompense,  en passant par la souffrance, la douleur ou l’effort – dans la compulsion de répétition…

 

        Dans la séquence initiale, il y a topicalisation, mise en situation, parfois par une description ; dans la séquence centrale, il y a focalisation sur l’action ; dans la séquence finale, il y a solution : résolution ou dissolution – dénouement. L’acquisition de la compétence par le sujet, compétence qui est parfois présupposée ou implicite, est l’épreuve qualifiante du sujet, dans la séquence initiale ; la performance du sujet, à travers les jonctions et les transformations ou les péripéties, se termine par la confrontation (conflit, lutte, duel) avec l’anti-sujet ou l’opposant : c’est l’épreuve décisive ; l’épreuve glorifiante, dans la séquence finale, consiste en la reconnaissance du sujet : alors que le sujet est manipulé par le destinateur initial dans la séquence initiale, il est sanctionné, positivement ou négativement, par le destinateur final dans la séquence finale.

 

        Dans la séquence initiale, il y a disjonction du sujet et de l’objet de valeur dans les espaces hétérotopiques ; il peut y avoir un contrat entre le destinateur et l’adjuvant ou entre l’adjuvant et le sujet. La séquence centrale est un milieu de (con)jonctions dans les espaces (para)topiques et la séquence finale est le lieu de la conjonction entre le sujet ou le destinataire et l’objet de valeur. Mais il peut arriver, qu’il y ait inversion de la disjonction (dysphorique) à la conjonction (euphorique), la réunion se trouvant au début et la séparation à la fin. D’une manière ou d’une autre, il y a passage de la virtualisation à la réalisation en passant par la potentialisation et l’actualisation.

 

        Les jonctions sont des programmes narratifs. Un programme narratif, qui est nommé par un verbe à l’infinitif, comprend un programme d’usage et un programme de base ; le programme d’usage est une série de moyens, tandis que le programme de base est un ensemble de buts, de fins, de cibles ou d’objectifs : pour s’éduquer, il faut étudier, persévérer et s’instruire. Un programme narratif de base peut devenir le programme d’usage d’un autre programme d’usage : pour trouver un emploi et améliorer son train de vie, il faut s’éduquer…

 

        Les actants sont des parcours narratifs ; un parcours narratif est un ensemble de programmes narratifs. Les actants sont des acteurs qui transportent des valeurs ou qui sont transportés par elles : les actants sont distingués ici des acteurs par une majuscule. Les principaux actants énoncifs du récit sont : le Destinateur et l’anti-Destinateur, le Sujet et l’anti-Sujet, l’Adjuvant et l’Opposant, le Destinataire et l’Objet de valeur ; l’anti-Destinateur n’a pas de Destinataire ; le Destinataire et l’Objet de valeur sont des patients, alors que les autres actants sont des agents ; il arrive que le Sujet et le Destinataire se confondent en un archi-actant.

 

        Le Destinateur (Dr1) ou l’anti-Destinateur (Dr2) désigne et assigne l’Objet de valeur au Sujet et il le destine au Destinataire ; étant donné qu’il appartient à un univers transcendant, c’est-à-dire établi ou pré-établi ou à rétablir, passé et futur, il est la cause du Sujet ou de l’anti-Sujet : il échappe au devoir-faire ; il arrive que le Destinateur accompagne le Sujet dans sa quête. Le Sujet (S1) ou l’anti-Sujet (S2) est marqué, physiquement ou autrement ; il est doué du vouloir, du savoir et du pouvoir ; sa quête ou son désir de l’Objet est une quête immanente : spatiale et présente ; le Sujet triomphe de l’anti-Sujet, qu’il lui survive ou non :

 

S1           S2

 

X

 

Dr1          Dr2

 

L’Adjuvant (Adj1) est l’aide du Sujet, à qui il est associé directement ou indirectement par un contrat explicite ou implicite ; il peut être le substitut du Sujet lors de l’épreuve décisive. L’Opposant (Opp1) est l’adversaire ou l’ennemi du Sujet ; c’est parfois un traître, la traîtrise ou la trahison étant un parcours narratif. L’Adjuvant du Sujet est donc l’Opposant (Opp2) de l’anti-Sujet et son Opposant en est l’Adjuvant (Adj2) :

 

Adj2         Opp2

 

X

 

Adj1         Opp1

 

L’Objet de valeur (O) est l’objet de la quête ou du désir du Sujet et de l’anti-Sujet ; il est l’objet d’une lutte ou d’un échange ; son monde est celui de la circulation. Le Destinataire (Dre) est le bénéficiaire de l’Objet de valeur ; il en profite et il est donc l’actant de l’avenir ; il a tendance a apparaître ou à réapparaître dans la séquence finale.

 

        Le schéma antagonique des actants est contractuel et conflictuel, polémique et agonique :

 

Adj2                      S2                   Opp2

 

Dr2              

                          O                    Dre

Dr1

 

Ad1                       S1                   Opp1

 

L’axe horizontal Dr ® O ® Dre est la chaîne du vouloir et du devoir et c’est l’axe temporel de la transcendance de la destination ; l’axe vertical S1 ® 0 ® S2 est la chaîne du savoir et du pouvoir et c’est l’axe spatial de l’immanence du désir. Les deux axes transitent par l’Objet de valeur, qui les transit.

 

        Les acteurs et les actants (les acteurs et les valeurs) sont liés aux trois fonctions idéologiques [cf. Introduction]. L’inceste, la jalousie et la haine sont des obstacles à la fécondité ; la famille (ou la parenté) et l’amour sont des obstacles à la guerre ; l’ignorance est un obstacle à la souveraineté (des paroles). L’amour, la haine et l’ignorance sont les « trois passions fondamentales » selon Lacan…

 

       Les acteurs et les actants sont aussi associés aux quatre sous-codes d’honneur : la souveraineté (du pouvoir) est autonomie (pouvoir faire) et indépendance (pouvoir ne pas faire), la fierté est autonomie et obéissance (ne pas pouvoir ne pas faire), l’humilité est indépendance et impuissance (ne pas pouvoir faire) ; la soumission est obéissance et impuissance :

 

SOUVERAINETÉ

autonomie            indépendance

 

FIERTÉ                    X                HUMILITÉ

 

obéissance      impuissance

SOUMISSION

 

La servitude ou l’esclavage est l’ultime soumission, tandis que la honte est l’anti-code d’honneur.

 

        Le schéma antagonique des actants est l’objet de toutes sortes de luttes : contrats, conflits, contraintes, contacts. Se distinguent la lutte des pères et la lutte des mères. La lutte des pères comprend la lutte des classes et la lutte des générations ; peut s’ensuivre la lutte des patries,  des pays ou des États. La lutte des mères comprend la lutte des sexes et la lutte des langues ; peut s’ensuivre la lutte des matries, des nations ou des peuples. La lutte des religions et la lutte des races est à la fois lutte des pères et lutte des mères ou lutte entre les pères et les mères…

 

        Le Sujet est voué à l’agon : à la lutte, à l’angoisse, à l’agonie, parce qu’il est à la fois « subjectum »  ou sujet de : sujet sans subjectivité, principe d’individua(lisa)tion  (sujet = individu), et « subjectus »  ou sujet à : subjectivité sans sujet, déroute du principe d’individuation  (2 ® 1 = accouplement ou accouchement ou 1 ® ¥ = foule, masse, sport, manifestation, révolte, révolution, guerre). Derrière l’Objet de valeur, qui est un piège (ou une sous-quête de l’enquête ou de la conquête), se cache le Sujet lui-même : S ® O ® S. L’objet du pouvoir ou de la puissance du Sujet ne s’épuise pas dans le pouvoir ou la puissance de l’Objet ! Avant d’être un protagoniste et un antagoniste, le Sujet est donc un agoniste. C’est ainsi que la Croix agonique de l’homme :

S

 

   Dr        O        Dre

 

                            S                         

 

s’inscrit dans le Quadriparti du monde :          

 

                          CIEL

 

        MORTELS         (DESTIN)     DIVINS

 

                          TERRE       

 

Le Ciel est surnature, devoir et feu ; la Terre est pensée, être et terre ; les Mortels sont histoire, devenir et eau ; les Divins sont art, apparence et air ; le Destin est nature et éther ou quintessence [cf. Mattéi]. Le Quadriparti est l’archéstructure, la structure de la structure, où les parents s’égalent aux Divins, puisque les ancêtres sont immortels : étant déjà morts, ils ne peuvent plus mourir ; où les enfants sont les Mortels, mais il faut que les parents meurent pour que vivent les enfants ; où les femmes sont du Ciel, comme déesses, et où les hommes ne sont que de la Terre, même quand ce sont des demi-dieux…

- La Quadriparti du monde, en sa « quadrature » (mythique, mystique), est la destinée de la Croix agonique ou agonistique de l’homme !

 

La sémantique discursive

 

        La sémantique discursive – et, a fortiori, la sémantique narrative - n’est pas une sémantique lexicale mais grammaticale, de la phrase au texte ; elle a pour objet la thématisation et la figurativisation des valeurs, les sèmes étant des valeurs binaires. Se distinguent les sèmes thymiques ou proprioceptifs et constitutifs des axiologies et qui concernent l’intimité ou les états de l’âme et du corps, les sèmes figuratifs ou extéroceptifs et constitutifs des idéologies et qui concernent l’extériorité, le monde ou les états des choses, et les sèmes abstraits ou intéroceptifs et constitutifs de taxinomies et de terminologies et qui concernent l’intériorité, le moi ou les états de l’esprit.

 

        De la « ception » à la conception, en passant par la réception et la perception, il y a réalisation des valeurs (sèmes) en figures (termes), en passant par les thèmes et les idées : les valeurs sont d’abord et avant tout des différences. Au niveau même des figures et donc des lexèmes, se distinguent les valeurs thymiques, qui sont le résultat de la proprioception (humeur, passion, émotion), les valeurs pragmatiques, qui sont le produit de l’extéroception, et les valeurs modales, qui sont l’effet de l’intéroception. Alors que les valeurs modales structurent la raison (conscience, volonté), les valeurs pragmatiques organisent l’action et les valeurs thymiques définissent la passion et l’imagination.

 

        Les valeurs pragmatiques  sont des valeurs descriptives ou sensibles ; elles peuvent être subjectives (ou essentielles : être) et prendre la forme des plaisirs ou des peines ou elles peuvent être objectives (ou accidentelles : avoir) et consister à s’accaparer des objets de consommation ou de collection. Les valeurs pragmatiques ou descriptives sont les plus nombreuses ; elle peuvent être : linguistiques (registres, argots, jargons, idiomes), économiques, juridiques, politiques (ou économico-politiques, politico-militaires), idéologiques (morales, religieuses, littéraires, artistiques), domestiques (us, usages, coutumes, manières, mœurs, habitudes, traditions, modes, et, esthétiques, philosophiques ou scientifiques.

 

        Les objets de valeur ont une valeur d’usage ou une fonction, une valeur d’échange dans la circulation et une valeur d’usure dans la spéculation où il y  gain ou perte d’intérêt (en toutes ses appellations)…

 

        Les valeurs (sémantiques) sont inséparables des modalités (syntaxiques) et des modes d’existence (sémiotiques) ; c’est-à-dire qu’il existe des valeurs virtuelles (l’être du Destinateur sans le Sujet), des valeurs potentielles (le croire ou le croire-être liant le Destinateur, l’Objet de valeur et le Sujet), les valeurs actualisées (le vouloir ou le vouloir-avoir du Sujet sans l’Objet) et les valeurs réalisées (le faire du Sujet avec l’Objet et vers le Destinataire) ; interviennent aussi, dans l’ordre ou non, le devoir-faire, le faire-savoir et le savoir-faire, de même que le faire-valoir (l’Adjuvant ou l’Opposant).

     

          Le vouloir, le croire, le savoir et l’être sont des modalités endotaxiques (avec des sujets identiques ou intransitifs) ; le devoir, le falloir, le pouvoir et le faire sont des modalités exotaxiques (avec des sujets distincts ou transitifs). Le vouloir et le devoir sont des modalités virtualisantes, le croire et le falloir (de l’assumer) sont des modalités potentialisantes, le savoir et pouvoir sont des modalités actualisantes et l’être et le faire sont des modalités réalisantes. Les modalités aléthiques (le devoir-être), déontiques (le devoir-faire), épistémiques (le croire-être) et véridictoires (l’être) sont des modalités sémiotiques, de même que les catégories modales volitives (le vouloir-être et le vouloir-faire) et « potestives » (le pouvoir-être, affilié au devoir-être, et le pouvoir-faire). Il y a modalisation de l’être et du faire par la compétence (être ® faire) ou la performance (faire ® être), par la factitivité (faire ® faire) ou la véridiction (être ® être) [cf. sur ce même site : Manuel d’études littéraires/Analyse du récit/Syntaxe narrative (profonde) et Autres études/Sémiotique et psychanalyse : psychanalyse ou sémiotique ?].

 

        La thématisation des valeurs conduit à la figurativisation des thèmes, ou bien par la figuration, ou bien par l’iconisation des figures, par exemple dans l’onomastique, qui assure un ancrage historique ou référentiel. Le parcours thématique emprunte un (ou des) parcours figuratif(s), où un rôle thématique s’enrôle dans un (ou des) rôle(s) configuratif(s) : un rôle configuratif est l’action d’un acteur. Pour les bénéfices de l’analyse d’une configuration discursive (ou d’un mini-récit), il convient d’aller des figures aux thèmes et donc de l’iconisation et de la figuration à la thématisation.

 

La sémantique narrative

 

        La macro-syntaxe et la macro-sémantique se rencontrent dans la sémiotique de la valence entendue comme actance, c’est-à-dire attraction ou répulsion des actants par le verbe (ou proprioception), et comme valeur de la valeur (ou proprioceptivité : thymie comme phorie et pathie : investissement thymique des valeurs). Tandis qu’une idéologie est un système d’idées extrêmement variables et instables et qu’une isotopie est la répétition de valeurs (et donc de sèmes) variables mais stables, une axiologie est un systèmes de valeurs constantes et stables ; c’est pourquoi il est si facile de changer d’idéologie, mais théoriquement et pratiquement impossible de changer l’axiologie. C’est ainsi que l’Occident est structuré par une axiologie véridictoire et une taxinomie thymique et que le Moyen-Orient l’est par une axiologie thymique et une taxinomie véridictoire ; aussi l’Occident fait-il appel au droit et à la guerre, alors que le Moyen-Orient fait appel à la religion et au terrorisme…

 

        Une isotopie assure la rection axiologique de l’idéologie et la direction idéologique de la terminologie par la cohésion et la cohérence dans la linéarité et l’élasticité du discours. L’objet de valeur est traversé, travaillé et transi par les isotopies ; il peut donc être un connecteur d’isotopies, les symboles ou les « signifiants phalliques » pouvant être aussi de tels connecteurs. Par exemple, la cigarette au cinéma parlant est un connecteur d’isotopies, un « objet transitionnel », un objet de transmission du phallus, un objet généalogique qui est à la fois partiel (la partie pour le tout) et partial (une partie plutôt qu’une autre), un objet métonymique et métaphorique. La cigarette est un objet partiel, un objet oral ; elle est le lien entre la bouche et l’œil par le nez, mais aussi entre la bouche (orale) et la main (génitale). Elle est en quelque sorte le substitut des deux principaux objets de valeur ou de désir au cinéma : les fusils et les femmes [cf. Rancière], les fusils étant liés à la guerre, à la fonction guerrière, par la main, elle-même substitut du pénis ou du clitoris, et les femmes étant reliées à la fécondité, à la fonction féconde, à la bouche et au vagin. En somme, la cigarette cinématographique est la substitution de la masturbation à la pénétration, en même temps qu’elle  a le statut de la souveraineté…

 

           Une isotopie peut être globale ou totale et se maintenir de la séquence initiale à la séquence finale ou elle peut être locale ou partielle et se contenir dans une seule séquence. Une isotopie doit être spécifiée ou précisée par un adjectif et caractérisée par un nom ; par exemple, il peut y avoir une « isotopie sexuelle de la virginité » ou une « isotopie économique de la fortune ».

 

        Les trois principales axiologies sont la structure axiologique figurative et les deux structures axiologiques élémentaires. La structure axiologique figurative est celle des quatre éléments de la nature et donc surtout du règne minéral :

 

FEU          EAU

X

TERRE        AIR

 

Les quatre éléments de la nature, qui sont évidemment isotopes, peuvent correspondre aux quatre saisons et aux quatre points cardinaux :

 

ÉTÉ        HIVER

X

PRINTEMPS    AUTOMNE

 

SUD     NORD

X

EST     OUEST

 

        Les deux structures axiologiques élémentaires sont les deux univers sémantiques : l’univers collectif et l’univers individuel. L’univers collectif est le sociolecte et l’univers individuel est l’idiolecte. Le sociolecte est structurée par la valeur Nature/Culture, qui est donc la valeur sociolectale. La règle ou le tabou qui le détermine est l’interdit de l’inceste, qui conduit à l’exogamie ; c’est l’espace de la survie de l’espèce et le monde de la différence sociale et de la parenté. Le sociolecte est dominé par le principe de réalité et les pulsions de vie ; c’est-à-dire que la loi y prévaut sur le désir et les valeurs d’univers sur les valeurs d’absolu.

 

        L’idiolecte est structuré par la valeur Vie/Mort, qui est donc la valeur idiolectale. La règle ou le tabou qui le détermine est l’interdit du meurtre, qui conduit au totémisme ; c’est le temps du sexe de l’individu et le monde de la différence sexuelle et de la sexualité. L’idiolecte est dominé par le principe de plaisir et la pulsion de mort ; c’est-à-dire que le désir y prévaut sur la loi et les valeurs d’absolu sur les valeurs d’univers.

 

        La valeur sociolectale et la valeur idiolectale peuvent être réunies dans le Quadriparti du monde :

 

NATURE    CULTURE

X

VIE    MORT

¯

CIEL    TERRE

X

DIVINS    MORTELS

 

        Les deux univers sont inséparables et ils peuvent être très étroitement reliés dans la Famille ou le Milieu ; cependant, dans une situation donnée, l’un domine l’autre ou en triomphe. Ce sont des macro-univers sémantiques, des totalités de signification ou des conceptions du monde conditionnées par une ontologie, une théorie de l’être, qui commande aussi une éthique ou une religion, un droit ou une morale, une déontologie ou une esthétique : un devoir-être ou un devoir-faire. Ces deux univers sont investis par la structure élémentaire de la signification :

Diagrammatique du langage

2.2.4.2

 

          La structure élémentaire de la signification peut être projetée sur le carré sémiotique, qui est un « modèle constitutionnel » et un « réseau relationnel ». Le carré sémiotique est logique et être ainsi de l’ordre de la prédication : assertion, négation, implication et concession ; il peut aussi être chronologique et être de l’ordre de la complication : progression ou régression. Il y a progression de la disjonction à la conjonction en passant par les sous-contraires ou régression de la disjonction à la non-conjonction en passant par les complémentaires.

 

        Voici quelques exemples de carrés sémiotiques :

 

Assertion universelle     Négation univerellle

X

Assertion particulière    Négation particulière

 

Oui    Non

X

Si    N’est-ce pas ?

(Peut-être/Je ne sais pas)

 

Tous    Aucun

X

Un    Quelques-uns/Plusieurs

 

Démocratie    Anarchie

X

Monarchie    Oligarchie

 

Avec    Contre

X

Pour    Sans

 

Maintenant    Jadis

X

Désormais    Alors

 

Aujourd’hui    Autrefois

X

Demain    Hier

 

Ici    Là-bas/Au-delà

X

Partout    Ailleurs

 

Reconnu    Inconnu

X

Connu    Inconnu

 

Obligatoire    Interdit

X

Permis    Facultatif

 

Patience    Intolérance

X

Tolérance    Impatience

 

Partir    Arriver

(Départ)    (Arrivée)

Aller        X        Venue               

Retourner    Revenir

(Retour)    (?)

 

Parvenir

Venir    Survenir

X

Devenir    Advenir

Souvenir

 

Politique

Divertir    Subvertir

Technique                        Esthétique

(Économique)            X          (Symbolique)

Convertir    Pervertir

Éthique

 

Mariné

(Sûr)

Cru    Cuit

Sucré        X        Salé

Épicé    Fumé

(Poivré)    (Séché)

Assaisonné

(Aromatisé)

 

Mijoter

Bouillir    Rôtir

Pocher        X        Braiser

Griller    Frire

Poêler

 

        Avant toute prédication, il y a une « antéprédication », qui est dénégation et débrayage énonciatif initial : investissement thymique de la deixis et des deixis (pragrammatiques), qui ordonnent les schémas (sémiotiques), ceux-ci coordonnant les axes (sémantiques). L’investissement thymique (euphorique ou dysphorique, sympathique ou antipathique) est la « tonalité fondamentale » de la structure élémentaire de la signification et donc des deux univers ; c’est par cet investissement qu’il y a inversion des valeurs et donc des contenus, évaluation de la valeur (de la valeur), valence !

 

        Les (macro-)univers sémantiques sont accompagnés par les universaux sémantiques. Selon Weinrich, ces universaux sont des traits sémantiques à la valeur universelle ou quasi universelle ; à la limite, ils sont indéfinissables et ils sont très peu nombreux. Dans le jeu dialogal de la situation de communication, ce sont des instructions du locuteur à l’auditeur au sujet du référent ; ce sont des impératifs et leurs raccourcis (les lexèmes) ou des raccourcis métalinguistiques parce que binaires avec un élément neutre ou complexe. Les traits sémantiques grammaticaux conditionnent les traits sémantiques lexicaux.

 

        Weinrich identifie ou distingue trente traits sémantiques principaux ou pertinents, que nous classons ou regroupons selon la deixis : la personne, l’espace, le temps et la ponctuation (qui est la liaison de la personne, de l’espace et du temps).

A)      Personne :

1) personne : émetteur et récepteur, 2)  destination : destinateur et destinataire, 3) genre : masculin (ou neutre) et féminin (ou marqué, 4) habilité : capacité et incapacité ;

B)      Espace :

5) position : proximité et distance, 6) élargissement : contiguïté (ou contact) et écartement (ou distance), 7) environnement : inclusion (dans) et exclusion (hors de), 8) accès : accessibilité et inaccessibilité, 9) rattachement : partie (ou ajout) et totalité ;

C)      Temps :

10) perspective : rétrospective et prospective, 11) registre : commentaire et documentaire, 12) relief : focalisation (ou avant-plan) et topicalisation (ou arrière-plan), 13) limite : début et fin, 14) séquence : progression (ou linéarité chronologique) et régression (ou retournement, inversion), 15) simultanéité : antériorité et postériorité, 16) référence : connu (ou anaphore) et inconnu (ou cataphore) ;

D)      Ponctuation :

17) jonction : conjonction et disjonction, 18) actance : injonction et engagement, 19) échange : don (ou rétribution) et prise en main (ou appropriation), 20) perception : évidence (ou présence, manifestation) et latence (ou absence, immanence), 21) constatation : constatable et constatant, 22) disposition : disponible et disposant (ou transitivité), 23) détermination : déterminable et déterminant, 24) condition : conditionné (ou dépendant) et conditionnant, 25) estimation : beaucoup (ou trop) et peu (ou pas assez), 26) comparaison : égal et inégal, 27) mesure : supérieur et inférieur, 28) interrogation : assentiment (ou attente et entente) et objection (ou contre-attente), 29) causalité : cause et effet (ou conséquence), 30) isomorphisme (ou complétion) : forme de l’expression et forme du contenu.

 

LA COMMUNICATION

        

        Le langage ne se confond ni avec la communication ni avec la langue : il peut y avoir communication sans langage ou par des langages qui ne sont pas articulés ou verbaux : la langue des signes ou des sourds-muets (où il y a cependant une phonologie ou une morphologie, une syntaxe et une sémantique), le morse (la langue du télégraphe), le braille (l’alphabet des aveugles), la langue tambourinée (de la République centrafricaine du Congo), le siflo (des Canaries), la fumée des Apaches, les drapeaux de la navigation et le code de la route. Il y a en outre des langues verbales mais artificielles : l’espéranto et l’ « europanto » et les langages formels (l’intelligence artificielle), qui ne sont pas des langues naturelles. Enfin, il y a le « langage pariétal » [voir la section « L’homme »]…

 

         De plus, il y a la communication animale : les animaux, dont l’homme, communiquent par des signaux et des signes, qui sont d’autres modes de communication que les symboles. Il en est ainsi des insectes sociaux : les abeilles (et leur danse en huit), les fourmis et les termites ; les oiseaux communiquent par leurs chants : chez les espèces chantantes, ce sont surtout ou seulement les mâles qui chantent ; les mammifères communiquent par leurs cris et par leurs jeux ou par leurs regards, sans parler de leurs odeurs et des ondes qu’ils émettent : les chauves-souris, les éléphants, les baleines et les dauphins ; les primates communiquent aussi par leurs cris, leurs jeux, leurs regards, leurs mimiques, leurs gestes, leurs postures, etc.

 

        La communication animale est de la communication sans signification, sans grammaire. La communication est la transmission de l’information ; mais elle peut être aussi désinformation, dissimulation, manipulation. Dans l’information, la redondance s’oppose au bruit ; par contre, plus c’est redondant et plus c’est prévisible et moins donc y a-t-il d’information… Le langage naturel est irréductible à la communication parce qu’il est aussi énonciation et signification, parce qu’il est affect et représentation et parce qu’il est « vérités et mensonges » ! Le langage humain est naturel parce qu’il est verbal (vocal, oral jusque dans l’écrit), parce qu’il est articulé, parce qu’il est parole, langue et discours :

 

discours ----- langue

­

parole

 

Les deux axes de la communication verbale

 

        De la même manière qu’il y a deux principes (métaphorique et métonymique) de classement ou de classification et qu’il y a le principe duel et sexuel de vie et de mort et selon le modèle de la dualité symétrique de la nature, il y a deux axes de la communication verbale, selon Jakobson. L’axe vertical ou paradigmatique est l’axe du vocabulaire (ou du dictionnaire, qui est l’ « atlas des cartes ») ; c’est l’axe du paradigme, de la sélection, de l’association, de la similarité, du mot pour un autre mot, de la condensation et de la métaphore ou de l’harmonie (le paradigme des accords) ; cet axe est donc inséparable du principe métaphorique et il est affecté, au niveau du décodage et de l’imitation, par l’aphasie de Wernicke.

 

      L’axe horizontal ou syntagmatique est l’axe ou la chaîne de la grammaire (qui est le « guide des itinéraires ») ; c’est l’axe du syntagme, de la combinaison, de la consécution, de la contiguïté, du mot à mot, du déplacement et de la métonymie ou de la mélodie (le syntagme des raccords) ; cette chaîne est donc inséparable du principe métonymique et elle est affectée, au niveau de l’encodage et de la sympathie, par l’aphasie de Broca. L’axe vertical est à l’axe horizontal ce que la dérivation ou l’intégration est à la conjugaison et ce que la description (les noms et les adjectifs) est à la narration (les adjectifs et les verbes).

 

Les six fonctions de la communication (verbale)

Diagrammatique du langage

1.1.1.

 

La structure-canon de la communication

 

        Selon Weinrich, le dialogue est « la structure-canon de la communication ». Le dialogue, irréductible à la simple conversation, comprend d’abord le contact, c’est-à-dire l’entrée et la sortie en discours : l’interpellation (par des interjections, des onomatopées, des jurons, des exclamations), l’appellation (nom, prénom, pronom, titre, phatème et autres appellatifs d’apostrophe), la salutation, le maintien et l’entretien du contact par des morphèmes phatiques ou d’autres phatèmes (dans l’entrée ou la sortie, la continuation ou l’interruption du dialogue) et la ponctuation du dialogue (par des pauses ou des silences et par les tours de parole dans le dialogue parlé, par les signes diacritiques et les verbes déclaratifs dans le dialogue écrit).

 

        Le dialogue comprend aussi l’affirmation, qui peut être assertion ou négation (avec leurs formes libres ou liées, brèves ou longues), les deux pouvant être renforcées ou atténuées ; l’interrogation, qui est le jeu de la question (à forme longue ou brève avec inversion du sujet et du verbe) et de la réponse, la question (la demande de confirmation ou d’infirmation) pouvant porter sur l’affirmation, sur le rôle (communicatif ou actantiel), sur l’actance et sur les circonstances (la position dans l’espace, la fréquence, le temps, la manière, la cause, etc.), sans parler des questions rhétoriques comme les questions interrogatives négatives (sans réponse ou qui donnent la réponse) ; l’opinion, qui peut être directe (ou rapportée), indirecte (ou intégrée, narrativisée) et indirecte libre (ou transposée), l’opinion indirecte ou intégrée pouvant être affirmative, injonctive (directe ou indirecte, impérative ou subjonctive) ou interrogative ; l’exclamation, qui est une réponse en forme de question ou une emphase et qui utilise les mêmes monèmes que l’interrogation.

 

        En plus du dialogue, la communication jour un rôle primordial dans la transmission de l’information personnelle ou professionnelle (par la correspondance), de l’information journalistique (par la nouvelle, le reportage, la chronique et l’éditorial), de l’information administrative ou académique (par le résumé, le compte rendu, le procès-verbal, le rapport et le mémoire). Il n’y a pas d’information sans argumentation et donc sans la rhétorique de l’essai ou de la dissertation. Enfin, la communication est directement impliquée dans la publicité, la promotion et la propagande…

 

La pragmatique

 

        La pragmatique est l’analyse du langage comme action, comme activité impliquant des sujets co-énonciateurs. L’acte de langage est la transition de la parole au discours par la langue. Selon la psycho-mécanique ou la psycho-systématique de Guillaume, la langue est l’acte en puissance (la compétence : la dynamis ou l’énergie potentielle) et le discours est l’acte en effet (la performance : l’energeia ou l’énergie cinétique); la parole est l’ensemble des éléments formateurs constitutifs de l’unité de puissance. Alors que le discours est momentané (éphémère, superficiel), la langue est constante et profonde, permanente ; le discours est conscient, tandis que la langue est préconsciente et que la parole est inconsciente. La parole de langue (le fait de langue au plan psychique) est parole de puissance et la parole de discours (le fait de discours au plan physique) est parole d’effet. La phrase est l’unité d’effet du langage.

 

Les actes de discours

Diagrammatique du langage

3.4.

 

La rhétorique

 

        L’ancienne rhétorique est une grammaire avant la lettre ; c’est-à-dire que ses cinq parties correspondent à celles de la grammaire : la mémoire à la sémantique, l’invention à la syntaxe, la disposition à la morpho-syntaxe, l’élocution à la morphologie et la diction à la phonologie. Il n’est pas non plus exclu que cette « cartographie » corresponde à celle de l’ « imagerie mentale » du cerveau, de l’arrière à l’avant (du lobe occipital au lobe frontal, en passant par le lobe temporal et le lobe pariétal) [cf. Levelt dans Segui et Ferrand, p. 129-130]…

 

Les figures de discours

Diagrammatique du langage

3.3.

 

La poétique

 

        Alors que la rhétorique est une théorie générale du discours ou la théorie du discours en général, la poétique est une théorie particulière ou la théorie d’un discours en particulier : le discours littéraire, dont elle cherche la spécificité dans une illusoire littérarité qui ne serait que formelle. Or, la littérature partage les mêmes formes (de l’expression et du contenu) avec des discours qui n’ont pas été, ne sont plus ou ne sont pas (encore) littéraires…

 

        La poétique peut être surtout phonologique et analyser plutôt les textes poétiques ou elle peut être davantage narratologique et analyser les textes dits narratifs, en se considérant comme une « poétique narrative » et en réduisant ainsi le récit ou la narrativité à la narration. Cependant, tout texte est récit (du discours) ou il n’est pas texte.

 

La stylistique

 

        La stylistique n’est pas une discipline autonome, car elle est dépendante de la linguistique (plus particulièrement de la sémantique lexicale ou grammaticale), de la pragmatique, de la rhétorique et de la poétique ; elle a tendance à se confondre avec l’explication ou le commentaire de textes, même quand elle fait appel à la sémiotique, à la grammaire du texte ou à l’analyse textuelle. La difficulté est bien de définir le style par rapport à la forme et au genre et par rapport au récit et au rythme [voir sur ce même site : Analyses/Le rythme, le style, le genre et le récit].

 

JML/31 mars 2004