Étienne Tréfeu


LE VICE-AMIRAL CLOUÉ
(GEORGES-CHARLES)

Né le 20 août 1817 à Paris; Provenance: École de Brest; Aspirant: 6 octobre 1833; Enseigne de vaisseau: 6 mars 1839; Lieutenant de vaisseau: 8 septembre 1846; Capitaine de frégate: 1er décembre 1855; Capitaine de vaisseau: 16 août 1862; Contre-amiral: 9 mars 1867; Vice-amiral: 17 décembre 1874.

Légion d’honneur. Chevalier: 9 février 1846; Officier: 31 décembre 1860; Commandeur: 14 mars 1864; Grand-officier: 13 juillet 1872; Grand-croix: 6 juillet 1881.

Officier de l’Instruction publique: 1876; Médaille de Crimée: 1856; Médaille du Mexique: 1867; Décoré de la 2e classe de l’Ordre de la Couronne de fer (Autriche-Hongrie).

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Quand on prononce devant un marin le nom de l'amiral Cloué, il répond aussitôt ces deux mots: 
« Campagne de Terre-Neuve et expédition du Mexique. »

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Ce sont là en effet les épisodes les plus marquants de la carrière de cet officier général. L'un et l'autre ont grandement contribué à son avancement, et c'est avec les travaux exécutés pendant son séjour à Terre-Neuve qu'il espère entrer à l'Institut.

Il y entrera un jour, ceci n'est pas douteux, car les amiraux, ses collègues de la marine, voteront tous en sa faveur, sans s'apercevoir peut-être que la section de navigation et de géographie ne comprendrait plus, sauf MM. d'Abbadie et Grandidier, que des hydrographes et que, depuis la mort de M. Dupuy de Lôme, le corps des ingénieurs-constructeurs n'y a plus de représentant.

M. Cloué, promu aspirant le 6 octobre 1833, navigua d'abord un peu partout, puis, à la fin de 1837, il fut envoyé au bord de l'Oreste, dans la division des Antilles, ce qui lui permit, l'année suivante, de prendre part à l'attaque du fort de Saint-Jean-d'Ulloa, où il se fit remarquer.

Porté au tableau d'avancement à la suite de cette affaire, il ne tarda pas à être nommé enseigne de vaisseau, et partit alors pour la mer des Indes, où il embarqua d'abord sur le Cro-

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codile, puis sur le Berceau, que commandait le capitaine de vaisseau Romain-Desfossés.

Quelques mois plus tard, la division navale de l'Océan Indien bombardait Tamatave et s'emparait des forts qui défendent la ville. M. Cloué s'y distingua et reçut, en récompense de sa conduite, la croix de la Légion d'honneur.

Promu lieutenant de vaisseau le 8 septembre 1846, il demanda à rester dans la mer des lndes, où il avait commencé, pendant un séjour à l'île Bourbon, différents travaux hydrographiques qu'il était désireux de compléter. C'est ainsi qu'il rapporta, à son retour en France, en 1848, un plan de la rade de Moka, dans la mer Rouge, trois cartes de Mayotte, un plan de Mahé des Seychelles, quatre cartes de Madagascar, et treize de la Réunion.

Il partit pour Terre-Neuve, en 1849, à bord de la Fauvette, dont on lui avait confié le commandement; c'était la première fois qu'il s'y rendait, et bien que notre occupation remontât à plus de deux siècles, ces parages n'étaient pas bien connus et la nécessité de cartes précises et détaillées se faisait sentir à tout instant. M. Cloué entreprit cette rude besogne, à

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laquelle il se consacra pendant ses quatre années de séjour (1849 à 1853).

A cette époque, les Anglais, enhardis par une trop longue tolérance, avaient, comme toujours, affiché la prétention de nous enlever le droit de pêche que la France tenait des traités. L'énergique attitude du commandant de la Fauvette, et l'intelligente initiative qu'il sut prendre à l'occasion, contribuèrent à faire prévaloir nos droits et obligèrent le cabinet de Saint-James à s'entendre, à ce sujet, avec le gouvernement français.

M. Cloué revint à Lorient au début de l'année 1854, juste au moment où éclatait la guerre d'Orient. Il sollicita un commandement et obtint celui du Brandon, avec lequel il fit la première campagne de la Baltique; il assista à la prise de Bomarsund, et, quand l'hiver survint, il fut envoyé en Crimée.Il sut, au cours de cette expédition, mettre à profit les quelques instants de loisir dont il pouvait disposer, et dressa ainsi le plan des rades de Kertch et de Kinburn, à la prise desquelles il avait puissamment contribué.

De tels services de guerre, après ceux qu'il

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avait rendus à Terre-Neuve, lui valurent le grade de capitaine de frégate, dont il reçut le brevet le 1er décembre 1855. Il resta quelques mois encore dans la mer Noire avec le Brandon, puis repartit pour Terre-Neuve.

Cette fois, il y passe cinq années, pendant lesquelles il put terminer et revoir une trentaine de cartes de l'île, annoter le Vieux Pilote de Terre-Neuve et en publier un nouveau.

En guise de remerciement, le ministre lui envoya la croix d'officier de la Légion d'honneur, et l'année suivante, M. Cloué, qui, depuis son séjour à Terre-Neuve, avait successivement commandé l'Ardent, le Sésostris et le Milan, fut inscrit au tableau d'avancement pour le grade de capitaine de vaisseau et promu quelques mois plus tard (16 août 1862).

Un des faits qui avaient contribué à cette nomination était la mission dont le ministre avait chargé le commandant du Milan. M. Cloué devait suivre avec la plus grande attention, le long des côtes américaines, les opérations et les engagements des flottes fédérales et confédérées, et il put assister ainsi à l'entrée de l'amiral Farragut dans le Mississippi.

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Rentré en France avec son nouveau grade, le commandant Cloué demanda à partir pour le Mexique, et M. de Chasseloup, qui le tenait en grande estime, lui confia le vaisseau le Magellan, avec lequel M. Cloué devait participer, l'année suivante (1864), à la prise de Campêche, où sa belle conduite lui valait la croix de commandeur de la Légion d'honneur.

Un peu plus tard, nos forces navales furent tellement réduites que la présence d'un officier général ne fut plus nécessaire; on donna alors le commandement de la division française du golfe du Mexique au commandant Cloué, qui eut dès lors à diriger non seulement toutes les opérations maritimes jusqu'à la fin de la campagne, mais encore, – ce qui fut plus important, – l'embarquement de l'armée française1; et, comme la seule récompense qu'il pouvait recevoir était l'épaulette de contre-amiral, celle-ci lui fut donnée le 9 mars 1867.

La campagne était finie; M. Cloué revint en France, à Cherbourg, où il exerça les fonctions de major général, jusqu'à sa nomination de

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1. Les hommes embarqués en dix-neuf jours seulement, furent au nombre de 30,000 environ.

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commandant en chef de la division de 1'Océan Pacifique. Il partit sur la frégate l'Astrée et resta dans les mers du Sud jusqu'au mois de juin 1871, n'ayant ainsi qu'un écho lointain de tous les faits de guerre qui s'étaient passés en France quelques mois avant son retour.

En 1872, M. Thiers le nomma gouverneur de la Martinique, où il résida jusqu'à sa promotion au grade de vice-amiral. M. Cloué revint alors à Cherbourg, où il prit possession des fonctions de préfet maritime, mais, en 1877, il fut remplacé par le baron Roussin et reçut en compensation la direction générale du Dépôt des cartes et plans, poste auquel le désignait sa compétence dans toutes les questions de navigation.

Appelé, en 1878, au commandement de l'escadre d'évolutions, il arbora son pavillon sur le Richelieu, et obtint de son prédécesseur, le vice-amiral de Dompierre, qu'il lui cédât son chef d'état-major, le capitaine de vaisseau Courbet, dont il fit plus tard un contre-amiral, lors de son entrée au ministère.

En novembre 1879, M. Cloué fut élevé à la vice-présidence du Conseil d'amirauté; dix mois 

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plus tard, le 23 septembre 1880, il recevait des mains de l'amiral Jauréguiberry, démissionnaire, le portefeuille de la marine, qu'il céda, à son tour, le 14 novembre de l'année suivante, au capitaine de vaisseau Gougeard.

Passé au cadre de réserve le 20 août 1882, M. Cloué avait reçu, un an auparavant, pendant qu'il était encore au ministère, le grand cordon de la Légion d'honneur.

L'amiral Cloué a deux filles, dont l'une, veuve depuis quelques années, vit aujourd'hui en province. La seconde a épousé un officier de marine de beaucoup d'avenir, le capitaine de vaisseau Le Clerc, qui, depuis deux ou trois années, commande à Terre-Neuve la station navale française.

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